Les emprunts toxiques des collectivités : entre finance folle et politiques irresponsables
par Laurent Herblay
samedi 2 août 2014
C’est une information assez discrète qu’a rapporté le Monde : le Conseil Constitutionnel a refusé la requête du groupe UMP contre la loi qui valide les emprunts toxiques contractés par les collectivités locales et les empêchera de se retourner contre les banques. Une histoire plus que révélatrice.
Bien sûr, dans ce cas, et étant donné l’asymétrie d’informations et de savoir, soulignée par de nombreux journalistes, notamment Emmanuel Lévy de Marianne, il est difficile de ne pas prendre parti pour des collectivités locales qui doivent annuler des rénovations d’équipement scolaire pour payer des emprunts dont les taux d’intérêt peuvent dépasser 15%. Voici une nouvelle illustration de la position de rente dans laquelle les banques se trouvent : elles font souscrire à des élus locaux des emprunts aberrants tout en sachant que, soit ils devront payer rubis sur ongle, soit, si la justice vient à remettre en cause ces contrats, ce sera l’Etat qui interviendra pour les protéger des conséquences d’une éventuelle condamnation. Pile, les banques gagnent. Face, vous perdez ! Dans les deux cas, le contribuable régale, démontrant une fois de plus le vice de forme du système financier actuel. Et la décision du Conseil Constitutionnel n’est guère encourageante…
Mais s’il y a irresponsabilité des banques, qui gagnent qu’elles que soient l’issue, ne peut-on pas déduire également qu’il y a une forme d’irresponsabilité des décideurs politiques. Après tout, même s’il y avait probablement dans beaucoup de cas, une large asymétrie d’informations, pour ne pas dire une forme de manipulation des banques, les collectivités locales ont quand accepté des contrats aux conditions surnaturelles, ce qui aurait dû attirer une plus grande vigilance. Et au final, le contribuable se retrouve payeur de dernier ressort, qui paie des taux d’intérêt extravagants ou renfloue Dexia en difficulté du fait de ses errements ? Bref, cela donne un peu l’impression que les banques et les élus jouent avec notre argent au casino et se défaussent des risques qu’ils prennent sur les citoyens, dans un système qui établit une forme d’irresponsabilité généralisée.
Bien sûr, il faut sans doute interdire ce genre d’emprunts qui n’ont absolument rien à faire dans le bilan de nos collectivités territoriales. Mais ces emprunts toxiques démontrent aussi la folie de la loi de la jungle financière et l’irresponsabilité qui règne dans le monde bancaire et peut-être aussi politique.