Les femmes n’ont pas de reproches à se faire

par Orélien Péréol
samedi 4 novembre 2017

 Dans l’émission on n’arrête pas l’éco, de France Inter du 4 novembre dernier, (https://www.franceinter.fr/emissions/on-n-arrete-pas-l-eco) un économiste, Emmanuel Lechypre, dit que dans les entretiens d’embauche les femmes demandent des salaires 15% inférieurs à ceux des hommes, alors qu’on leur en accorde 7% à 10%. Les hommes, mettons que les DRH soient des hommes, leur offrent 5% à 8% de plus que ce qu’elles demandent, si ce sont bien des hommes, les DRH sont plutôt généreux. Cependant, on ne lit et n’entend que le discours manichéen de femmes gravement victimes des hommes. Pas de complexité. Celles et ceux qui donnent accès à la parole publique ne laissent qu’exprimer que ce type de discours. Comme tous les discours manichéens, il consiste en de multiples variations des mêmes éléments. Ce n’est pas vraiment compliqué. Je vous fais un petit résumé : Les hommes sont jaloux des femmes parce qu’elles peuvent enfanter. Ils en ont peur. Ils ne savent pas exprimer leurs émotions, ils ne savent pas accepter le féminin en eux. D’où leur désir de contrôler le féminin, de l’objectiver, de s’en emparer, de le diminuer par la moquerie, la brimade, le mépris. D’où les hommes ridiculisent les femmes, les sous paient quand ils les emploient… leur ont donné le droit de vote en 1945, je n’étais pas né mais, étant un homme, j’en suis coupable… Ils abusent de leur force physique, ils sont intrusifs, lâches et tyranniques… En fait, ils briment les femmes parce qu’ils sont faibles. Ainsi, ils ont doublement tort, ils sont inacceptables parce qu’ils sont immoraux : ils se montrent écrasants pour cacher le fait qu’en vérité, ils sont faibles. Voilà en gros, le package. En dehors de déclinaisons d’une au moins de ces grandes lignes, pas d’édition.

Bien des catégories humaines sont protégées de ce type de portrait négatif, aussi puissamment négatif, par les mots pas d’amalgame et pas de stigmatisation. Amalgame : on n’a pas le droit de faire porter à tous les membres d’un groupe la responsabilité et encore moins la culpabilité de ce que font les autres, surtout en choisissant les pires comportements de certains membres de ce groupe. Les hommes (au sens des mâles) n’ont pas droit à cette protection intellectuelle, sociale, juridique et politique. Stigmatisation : on n’a pas le droit d’aborder une personne nouvelle de ce groupe en lui prêtant a priori les pires caractéristiques des pires membres de ce groupe, ce qui arrive quand on pratique l’amalgame.

Les hommes (au sens des mâles) n’ont pas droit à cette protection intellectuelle, sociale, juridique et politique. C’est même tout le contraire, on ne parle d’eux qu’en termes d’êtres vils, en masse, en vrac. Vous ne trouverez nulle part un discours positif sur la virilité ou sur la masculinité, vous trouverez uniquement des discours qui présentent la vie des femmes en France comme un enfer insoutenable, voulu, organisé, entretenu par les hommes, (les femmes n’y pouvant rien, les femmes ne pouvant que subir). Vous ne trouverez pas les informations sur un homme qui a sauté à l’eau pour sauver une femme, un autre pour un enfant, au péril de leur vie. Et si vous allez au devant de ces informations et les trouvez, vous ne les verrez pas accompagnées de réflexions englobantes du type : « ils sont tous comme ça, ceux qui n’ont pas fait cela n’en ont pas eu l’occasion, sans quoi ils l’auraient fait. » A l’inverse, une bédé de 2014, prétendant lutter contre le sexisme ordinaire, représente les hommes, tous les hommes, en crocodiles. L’auteur évoque le « privilège masculin » dont sont coupables mêmes les hommes qui ne s’en sont pas servis puisque selon lui, ils l’ont quand même, et c’est ça qui compte : « même les types sympas sont montrés en crocodiles, tout comme ils jouissent de certains privilèges, sans même s’en rendre compte. » Maintenant, les hommes sont des porcs dénonçables, du crocodile au porc, on a beaucoup progressé. Je n’ai pas de suggestion à faire pour l’étape suivante, mais vous avez voir.

Donc, la rue en France est un goulag pour les femmes et la méthode mise en œuvre pour corriger cela est la répétition de ce portrait de l’homme en prédateur-dominant, aucun ne faisant exception. Un tel système est autoalimenté, il est autonome de tout le reste. La plainte des femmes augmentera donc, quoi qu’il arrive, quoi que fassent les hommes.

Pour mieux se rendre compte de ce que sont les relations humaines entre les femmes et les hommes, je suggère une étude comparative par pays. Cela ne risque pas de se faire.

J’appelle à un féminisme partagé, c’est-à-dire qui met l’égalité en actes dans le chemin (pour celles et ceux qui veulent, pour les lutteuses/lutteurs) vers l’égalité en actes partout et pour tout le monde.


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