Les Français feront la révolution... ailleurs

par Laurent Bervas
mercredi 21 février 2007

Beaucoup pensent reconnaître dans la situation actuelle en France une période prérévolutionnaire (1). Les enfants de la bourgeoisie (ceux qui sortent des universités et des grandes écoles) ont toutes les raisons d’être mécontents (2) et ce sont historiquement les « cadres » qui font réussir ces révolutions. Ces trentenaires financent des retraites qu’ils savent ne jamais pouvoir obtenir, ils sont exclus en grande partie de l’accès à la propriété (leurs salaires ne leurs permettent plus d’acheter ni à Paris ni pratiquement ailleurs en France) et sont absents des discours politiques.

Alors si révolution il y a, quelle forme prendra-t-elle ?

Les jeunes Français de 1789 n’avaient d’autre choix que de changer les choses dans leur pays pour se construire un avenir. Aujourd’hui, de plus en plus de ces Français quittent leur pays pour « faire la révolution » à l’étranger.

La révolution ? Si la mondialisation est cette révolution, alors le champ de bataille est mondial. Lorsqu’on traverse les aéroports internationaux récemment construits (Barcelone, Casablanca, Shanghai...) on voit ces pays se projeter dans l’avenir. La France quant à elle semble s’être arrêtée dans les années 1970 (date de construction de l’aéroport CDG). Depuis on a préféré construire un porte-avions (comme au temps de la Guerre froide) ou ériger une grande bibliothèque à la gloire d’un monarque défunt.

Installé à Casablanca, je vois passer ces trentenaires (probablement les mêmes que l’on croise à Shanghai, Bangalore ou Londres). Il y a notamment, les fils de l’immigration qui, une fois acquis savoir-faire et un peu de capital, retournent dans le pays de leurs parents, mais ce ne sont pas les seuls. Il y a aussi nombre de Français qui quittent un pays à la dérive et qui viennent se construire ici un avenir. Ce n’est pas facile de quitter ses habitudes, mais beaucoup pensent qu’ils n’ont pas trop le choix.

On me rétorquera que je parle d’une minorité (les jeunes bien éduqués capables de s’expatrier) qui de surcroît se comporte de manière « égoïste ». Peut-être ; cependant je ne voulais pas aborder ce billet sous l’angle de la « morale » mais sous l’angle de la réalité. Dans les choix de tout être humain, il y a un arbitrage qui se fait entre le bien-être personnel et celui du groupe (famille, amis, voisins).

Il n’y aura probablement pas de prise de la Bastille en France, de grand soir, car les révolutionnaires seront ailleurs. Les élections nous apporteront Sarkozy ou Royal (voire Bayrou), mais il n’y aura pas de rupture. Il y trop de privilèges et de privilégiés qui se tiennent par la barbichette. Il faudra encore du temps et beaucoup de déceptions pour que les choses changent, attendre de nouvelles élections (2012 ? 2017 ?), une nouvelle génération d’hommes politiques.

Un jour, certainement, ces trentenaires ou leurs enfants feront le chemin dans l’autre sens pour venir reconstruire, une fois acquis le savoir-faire à l’étranger. Alors rendez-vous dans dix ans, quand la génération d’Internet prendra peut-être le pouvoir en France...

(1) Démocratie 2.0 : la prochaine révolution sera politique.
(2) Démocratie 2.0 : le système vieux.


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