Les godillots de Macron

par Fergus
mercredi 12 juillet 2017

Pour la plupart, ils sont armés de bonnes intentions, les 308 députés labellisés « La République En Marche ». C’est notamment le cas de tous les novices venus de la société civile avec l’ambition de servir au mieux les intérêts de la Nation. Mais leur désir de se montrer dignes de leur fonction risque de se heurter à la volonté dominatrice de l’exécutif. Et pour cela ni Macron ni Philippe n’auront à leur imposer quoi que ce soit : la docilité de ces élus s’imposera d’elle-même...

Les députés LREM (photo Le Figaro)

Le nombre est impressionnant : 169 des 308 députés qui forment le groupe parlementaire La République En Marche n’ont jamais exercé le moindre mandat électif avant les législatives de 2017 ! La plupart d’entre eux n’avaient même jamais eu le moindre engagement politique avant de rejoindre les rangs d’En Marche ! puis de postuler avec succès à l’investiture LREM. Et c’est avec un bel enthousiasme que ces nouveaux élus ont fait leurs premiers pas à l’Assemblée Nationale. Leur objectif : servir « le projet de Macron pour la France », certes, mais en affichant « en même temps » leur détermination à rester eux-mêmes, à ne pas trahir les promesses faites à leurs électeurs de redorer le blason de la représentation nationale. À entendre ces élus, pas question de brader leur liberté de conscience, et a fortiori d’avaler des couleuvres pour lesquelles ils n’auraient pas d’appétit.

Comment ne pas adhérer à cette belle vision du travail parlementaire, centrée sur l’intime conviction qu’il appartient à chaque député, tant au sein des commissions que dans l’hémicycle, de défendre les intérêts du peuple de France ? Et cela en s’opposant, le cas échéant, aux manœuvres partisanes qui ont tant contribué à décrédibiliser l’action publique ces dernières décennies.

Voilà qui est fort sympathique, convenons-en. Mais allez savoir pourquoi, l’on ne peut s’empêcher d’observer tout cela avec un regard quelque peu ironique. Car ces femmes et ces hommes inconnus, investis de la belle mission de représenter ceux qui les ont élus, font à l’évidence preuve, pour la plupart d’entre eux, d’une déconcertante naïveté. Ils se rêvent en Condorcet, en Jaurès, en Lamartine, en Mirabeau ou en Tocqueville ; ils ne seront, comme leurs collègues venus des vieux partis par opportunisme électoral plus que par conviction, que des godillots anonymes du macronisme.

Et cela pour une raison simple : comme l’a annoncé Macron devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles le 3 juillet, le nombre des députés sera réduit d’« environ un tiers » en vue du prochain rendez-vous législatif. Une réforme de la loi électorale qui se traduira de facto par la suppression de près de 200 sièges et une profonde restructuration de la carte électorale ; avec à la clé des circonscriptions d’autant plus élargies que le président entend également introduire « une dose de proportionnelle ».

Il résultera de ces importants changements une grande insécurité pour les députés LREM qui, ayant pris goût à l’exercice parlementaire ou aux avantages qui lui sont liés, ambitionneront de se représenter en 2022. Or, qui peut sérieusement croire que la gouvernance Macron aura tourné le dos aux vieilles pratiques et révolutionné les processus d’investiture en vue de cette prochaine échéance législative ? À l’évidence, personne !

Et c’est ainsi que seuls les plus dociles des députés LREM toucheront le Graal sous la forme d’une nouvelle investiture dans 5 ans. Autrement dit, ceux qui auront voté sans sourciller les projets de loi présentés par l’exécutif, ceux qui se seront abstenus de tenir des propos critiques devant les micros des journalistes dans la salle des Quatre colonnes, et cerise sur le gâteau, ceux qui auront soutenu dans les médias la « remarquable action » du président de la République et de son Premier ministre. Tous les autres passeront à la trappe, et cela, Mesdames et Messieurs les député(e)s LREM le savent d’ores et déjà.

Plus que jamais Macron est « en marche », bien déterminé à aller le plus loin possible sur la route des réformes libérales. Et pour cela, rien de tel qu’être doté de solides godillots !


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