Les idées qui puent d’Eric Zemmour

par Canine
jeudi 13 janvier 2011

A l’occasion d’un énième procès contre le polémiste du Figaro, SOS Racisme se fend d’une espèce de campagne de pub anti Zemmour, basée sur quatre spots présentés sur Dailymotion. Tous ces spots se composent de phrases chocs de Zemmour reprises sans aucun contexte, et toutes se terminent par ces mots "Méfions-nous des idées qui puent".

Je ne trancherais pas directement le cas Zemmour, par contre, je vais prendre le temps d'examiner le concept "d'idées qui puent" promu par SOS Racisme.

D'abord, l'organisation elle-même : SOS racisme est une association ayant pour but de lutter contre le racisme. A ce niveau, ça semble simple, pourtant, ça mérite une nuance. Il existe au moins deux axes à ce qu'on appelle "anti racisme". J'appellerai le premier "le racisme c'est faux", et le second "le racisme c'est mal". Le premier est raisonné, rationnel, oserais-je même dire républicain, basé essentiellement sur des constats d'évidence biologique et physique. Le second est émotionnel, empathique, psycho-socio-anthropolgique-de-mes-deux, oserais-je même dire confus.

Illustration : est-ce que la solution finale proposée par Adolf Hitler, c'était faux, ou mal (ou même bien) ? Hitler avait (en gros) promis qu'en brûlant tous les Juifs du monde, on aurait la paix pendant 1000 ans. Déjà, pourquoi 1000 ans ? Pourquoi pas 992 ? Et qu'est-ce qui se passe dans 1003 ans ? Aucune réponse dans Mein Kampf à ce sujet. Ensuite, la solution finale, mais à quel problème exactement ? Si exterminer les Juifs peut permettre d'éradiquer le cancer, ça peut être bien. Hélas, les Juifs ne sont pas responsables du cancer (même pas dans Mein Kampf, c'est dire si c'est pas de leur faute). En fait, dans Mein Kampf, le problème juif se résume au problème juif, mais résoudre le dit problème résoudra quand même tout le reste. C'est parfaitement absurde, on ne peut pas obtenir de résultat sans équation. Je conçois que, devant les images des camps de la mort, on puisse trouver que la solution finale, c'était atroce, mais bien plus qu'atroce, c'était surtout parfaitement stupide, absurde, en un mot : faux. Tuer tous les Juifs ne peut pas apporter la paix pendant 1000 ans, c'est débile, et c'est un fait. (Je précise à ce niveau que mes diplômes ronflants et connaissances en histoire, archéologie, et autres filières distrayantes sans débouchés professionnels proposés gracieusement par les facs françaises me permettraient de développer nettement plus l'histoire de l'antisémitisme, mais ce n'est pas l'objet du moment, c'est juste un exemple pour étayer la distinction ci dessus opérée).



Aussi, si je ne suis pas antisémite, c'est pas parce que j'ai honte du régime de Vichy, c'est parce que ça n'a strictement aucun intérêt. Et ça me semble, de loin, la meilleure raison. Pourtant, quand les officines anti racistes de type SOS Racisme montent au front pour défendre un juif discriminé pour x ou y raison, les accusations de Pétainisme et consort sont toujours ce qui prévaut. Je ne compte plus le nombre de discussions politiques (même souvent sans rapport avec les Juifs directement) ou quelqu'un invoque "les zheures les plus sombres de notre histoire" pour tenter d'avoir le dernier mot. Quand quelqu'un balance ça, dans 90% des cas, rien ne rappelle vraiment les heures en question dans le propos, par contre, tout indique qu'à défaut d'avoir raison, quelqu'un essaye de prouver que l'Autre c'est le méchant, alors que lui c'est le gentil. Pas d’argumentation, aucun raisonnement, on accuse et on tente juste d'écraser par la censure morale. C'est le principal mécanisme qui anime la censure politiquement correcte, ou les personnes désignées par le néologisme plus juste, bien que moins français, "les bienpensants". Exemple tout en finesse produit par SOS racisme :

"Méfions-nous des idées qui puent"

Ou comment réduire le débat d'idée au niveau du sens olfactif.
En effet, encore plus fort que "le mal", il y a le "qui pue". On aurait pu avoir un "Méfions-nous des idées stupides", mais les gens ne sont pas dupes, ils demandent des arguments pour justifier la dite stupidité, afin de la mesurer à l'aune de leur propre intelligence ; hélas, on serait alors tombé dans un débat "vrai/faux" et ça, c'est par leur truc chez SOS, trop compliqué, il faut expliquer, et pas se content de beugler et accuser l'autre d'être un méchant. Pour le méchant, un classique "Méfions-nous des idées qui rappellent les zheures les plus sombres de notre Histoire" aurait pu faire son effet, mais soyons honnête, le Point Godwin, ça marche de moins en moins bien, sans doute à force de crier au loup. Non, ramener le débat dans le domaine du "qui pue", ça c'est top.

Que peut-on répondre à ça ? "Non, mes idées ne puent pas, elle sentent comme la rosée du matin" ? "Pardon, je fonce manger des pastilles au patchouli" ? Non, franchement, c'est l'arme parfaite. Je relisais récemment le premier livre de La République de Platon, et le passage où Platon justement, explique à Thrasymaque que la justice ne doit pas être à l'avantage unique du plus fort, mais à l'avantage du plus juste, car le juste est plus fort que le fort. Discussion raisonnée, à la fois simple et complexe, exemple parfait de construction dialectique, que je considère, de part son évidence et sa place dans le bouquin, comme la fondation du concept de République. Dans le débat, Thrasymaque, en dépit de son engagement volontaire, presque viril dans la dialectique, perd à chaque ligne un peu de terrain, pris dans la nasse de la logique arithmétique platonicienne. Que n'a t-il pas eu le brillant réflexe de répondre : "Platon, je me méfie de tes idées qui puent". Et là, paf, implacable, débat fini, plus de République, Platon obligé de bredouiller "mais non, je euh, pardon, je cours chercher mes pastilles au patchouli". Nan vraiment "tu pues", c'est quand même le stade ultime de la rhétorique. Attention quand même, il y a une faille dans le raisonnement. En effet, si l'autre a le réflexe de répondre, "non, c'est tes idées à toi qui puent" on risque de tomber dans le classique dilemme de la cour de récré niveau primaire "c'est celui qui dit qui y est" (qui sera abrégé dès le collège par "non, c'est ta mère qui pue").

Encore une fois, je ne trancherai pas le débat qui oppose Zemmour à SOS Racisme, d'autant qu'un juge va le faire sous peu. Je constate par contre, que définitivement SOS Racisme n'est pas sur le terrain du débat, de l'argumentaire, de la pédagogie, du vrai et du faux, mais définitivement dans l'invective, la censure morale, la com', bref, le mal (et sa forme évoluée, le "qui pue").

Fait d'autant plus regrettable qu'aujourd'hui, en France, quand un juif se fait passer à tabac par une bande non juive, c'est de l'antisémitisme, c'est très très grave, ça peut provoquer jusqu'à des déplacements de ministres (même quand c'est pas un(e) vrai(e) juif(ve)). Quand un français d'origine arabe ou un Noir se fait passer à tabac (ou refuser un emploi) par un non d'origine arabe ou non Noir, c'est grave aussi, mais moins, le fait sera repris sur les sites anti racisme et les journaux, mais aucun ministre ne se déplacera. Quand un Blanc se fait passer à tabac, et ce même alors que les agresseurs ne cachent pas une seconde la motivation raciale de l'agression, c'est pas du racisme, c'est la-faute-à-la-société, au chômage, etc.. aucun collectif anti racisme ne relayera l'info. (exemple au pif). Et quand un asiatique se fait passer à tabac, et même si ses agresseurs font étalage de propos racistes, et bien pouet pouet. Comment en arrive-t-on à une classification pareille, si le racisme, c'est universellement faux pour tout le monde ? Et bien en le traitant comme universellement mal. En effet, "le mal" repose sur la culpabilisation par rapport à ce qui aurait été bien, et plus un peuple/ethnie/communauté peut prétendre avoir souffert de discrimination, plus il aura le droit d'avoir mal, de se plaindre, et de réclamer. Cela ne manquera pas de créer une compétition victimaire (selon l'expression homologuée par les grands journaux quotidiens), et donnera immanquablement lieu à des tensions ethniques, qui aboutiront elles-mêmes à des actes de racisme.


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