Les invariants de l’extrême droite

par Gérard Dahan
lundi 22 décembre 2014

Du fascisme Italien au Front National en passant par le National Socialisme Allemand

 

En mai 2014, notre pays a vécu un séisme politique.

Le Front National, en changeant de président, a changé de stratégie, passant d’une position de dénonciation et de parti d’opposition à la volonté de se transformer en parti de masse lui permettant d’accéder à la conquête du pouvoir avec en point de mire une victoire à la présidentielle de 2017.

Ce changement de stratégie s’accompagne, bien évidemment d’un profond lifting du parti en termes d’image, la présentation d’une nouvelle respectabilité et la mise au placard des anciennes amitiés, des proximités gênantes, des références idéologiques et des thématiques trop connotées.

Nous avions l’habitude des « dérapages » réguliers de Jean Marie [1] qui choquaient l’opinion, mais si Marine est plus « consentuelle » que son père, les thèmes qu’elle développe sont-ils aujourd’hui si différents de ceux qu’il développait et de ceux des partis d’extrême droite qui ont illustré dans l’histoire du 20ème siècle, les horreurs et la barbarie ?
Les idées du Front National sont-elles aujourd’hui très différentes de celles du parti fasciste Italien et de celles du parti national-socialiste Allemand ?
La question peut paraître saugrenue, mais lorsqu’on rentre dans le détail des programmes, d’étranges analogies apparaissent.

 

Mon propos est ici de montrer que, malgré le temps et les dénégations, les thématiques du Front National sont globalement sensiblement les mêmes que celles qui ont fait le succès et la victoire de ces partis qui ont entraîné le monde dans l’affrontement.
Du parti fasciste au Front National en passant par le national-socialisme, l’extrême droite suit globalement une ligne et des principes identiques qui constituent les invariants de l’extrême droite.

 

Ces invariants sont des circonstances qui amènent leur montée et leur succès. Ce sont des principes, des valeurs, des thèmes qu’on retrouve aujourd’hui actualisés. Ce sont enfin des processus psychologiques utilisant les peurs de chacun, le repli identitaire, l’exclusion de l’autre et qui débouchent sur des attentes en réassurance et en sécurisation.

 

Les orientations politiques de l’extrême droite peuvent être appréhendées par le biais de ses valeurs centrales.

Ces valeurs sont principalement politiques et tournées vers les notions de force, de pouvoir, de domination, de nation, de territoire, de centralisation, de xénophobie, de traditions, de famille et de démographie.
Sur les valeurs, on retrouve dans le programme du FN les mêmes accents nationalistes, protectionistes, traditionnalistes, familialistes et natalistes que dans ceux du fascisme et du nazisme.

 

Mais pour en faire la démonstration, il n’est pas inutile de revenir sur les évènements, les contradictions et surtout les programmes qu’ont développé ces trois mouvements.

 

SOMMAIRE ET AVANT PROPOS  :

1. Un climat d’insatisfaction et de rancœurs
2. Crise économique et basculement de la classe moyenne
3. De l’utilisation de la violence au principe de l’Etat fort
4. Le recours aux « boucs émissaires »
5. L’ambivalence entre extrême droite et extrême gauche
6. Surdétermination du politique, méconnaissance de l’économie et « anticapitalisme » de surface.
7. Antiparlementarisme et préférence nationale
8. Totalitarisme et accès par les urnes
9. Conclusion : Les idéologies totalitaires triomphent lorsque les démocraties oublient ce qui les unit
Annexe 1 : Programme en 25 points du NSDAP (Parti National Socialiste) de 1920.

 

Il est difficile de comprendre la montée des mouvements d’extrême droite au début du 20ème siècle, sans prendre en compte 5 caractéristiques essentielles qui semblent se reproduire en ce début de 21ème siècle.

1. Un contexte de frustrations, de rancœurs et de crise économique :
Au lendemain de la 1ère guerre mondiale, on se situe dans un contexte de crise grave avec son lot de rancœurs et de frustrations. En Italie, à la sortie de la guerre, les militaires qui reviennent du front ne trouvent ni emploi, ni reconnaissance. Pendant la guerre le cout de la vie a augmenté de 450% et les caisses de l’Etat sont vides.
En Allemagne, la crise économique de 1929 touche la classe moyenne de plein fouet et la victoire du national-socialisme se situe à l’optimum de la crise.
Il n’échappera à personne qu’aujourd’hui, la France et l’Europe traversent une phase de crise tant politique qu’économique.

2. Le principe de l’Etat fort qui s’oppose au parlementarisme et à la démocratie
Face à ces nombreuses « turbulences » et une insécurité croissante, face aux désaccords qui déchirent la classe politique, face aux incertitudes de l’avenir, l’extrême droite a toujours – et c’est sa force – apportée des réponses simples. Elle affirme avec conviction, le rôle de l’Etat dans la définition des directions données, elle critique les atermoiements du parlementarisme et de la démocratie, elle rassure en insistant sur le poids des traditions et elle referme la communauté multiforme que représente un pays, en la réduisant à quelques critères basiques et stricts (génétiques, raciaux, ethniques, culturels, religieux…) définissant la nation.

L’Etat fort est présenté comme le rempart aux hésitations de la démocratie et comme le défenseur de la nation repliée sur elle-même. On retrouve le principe de l’Etat fort dans tous les extrémisme, à droite comme à gauche.

3. La focalisation de la responsabilité sur des boucs émissaires :
Une fois le principe et les limites de la nation posées. L’extrême droite a systématiquement recours à la désignation de boucs émissaires, extérieurs à la nation et qui évidemment ne cherchent qu’à la détruire : capitalistes internationaux, financiers apatrides, parlementaires et démocrates surpayés, étrangers, profiteurs, juifs...[2]. Bon nombre de ces boucs émissaires sont un peu toujours les mêmes, du fascisme au nazisme, le FN a rajouté dans la période actuelle, le parlementaire européen et l’immigré.

4. L’ambivalence entre extrême gauche et extrême droite.
L’extrême droite a toujours développé une ambivalence avec les thématiques d’extrême gauche. Ces mouvements surfent sur les frustrations économiques, s’appuient sur une critique sociale du système, utilisent une rhétorique « néo-révolutionnaire » en prônant toujours le retour au nationalisme. Mussolini a été très caractéristique de cette ambivalence entre droite et gauche, lui qui en quelques courtes années est passé du socialisme révolutionnaire à la fondation du fascisme. Le parti nazi entretenait cette même ambivalence : il se disait socialiste et « anticapitaliste ». Enfin le FN semble dans la lignée de ses illustres prédécesseurs. Ces partis mélangent critiques sociales traditionnellement de gauche et revendications nationalistes brouillant les discours.

5. Les alliances dangereuses avec la droite classique.
La montée des extrêmes droites s’effectue en Europe dans les années 1920, dans un climat particulier de triomphe du socialisme soviétique. La victoire de la nouvelle URSS traumatise une partie des mouvements politiques tout en suscitant d’immenses espoirs chez d’autres. Dans les années qui vont suivre, la montée des extrêmes droites s’effectue parallèlement à la montée des mouvements socialistes. L’extrême droite va prendre appui sur cette montée et la peur qu’elle peut susciter, pour nouer des alliances avec la droite classique, la contrôler et triompher.
Notre époque génère presque autant de peurs. Nous avons le sentiment avec l’Europe de faire un pas dans le vide, et on peut aujourd’hui retrouver ces alliances dangereuses dans les thématiques reprises en France par la droite Sarkozyste qui probablement involontairement, en reprenant ces thèmes, a désenclavé le FN de l’extrémisme.

Reprenons chacun de ces thèmes accompagnés de quelques autres partagés par l’extrême droite.

 

1. UN CLIMAT D'INSATISFACTIONS ET DE RANCOEURS

Un des premiers invariants de la montée de l’extrême droite est le contexte de son développement. Fascisme comme Nazisme doivent leur fondation et leurs premiers succès aux insatisfactions et aux frustrations de catégories sociales inquiètes, en colère et en voie d’appauvrissement.

- Le parti fasciste Italien crée par Mussolini s’est constitué sur la rancœur des anciens combattants de la 1ère guerre mondiale, insatisfaits du manque de reconnaissance de la part du peuple Italien et de leurs difficultés à se réinsérer économiquement dans la société civile. Ils considéraient par ailleurs que l’Italie avait été flouée lors du partage des territoires au traité de Versailles de 1919.

- Le National socialisme était lui basé sur les rancœurs et la volonté de revanche dues aux remboursements extrêmement lourds auxquels avait été condamnée l’Allemagne à la suite de la 1ère guerre mondiale. La montée du national socialisme s’est faite sur ces bases, amplifiée par la montée des mouvements socialistes qui ont accru les peurs d’une partie de la population et de la droite.

- Le FN a utilisé les mêmes principes. On se souvient que Jean Marie Le Pen a été élu dans les années 50 en tant que député Poujadiste. Ce mouvement luttait déjà contre le parlementarisme et se proposait de défendre les petits commerçants qui se voyaient disparaître face à la montée des grandes surfaces. La défense des petits commerçants était un point central (N° 13) dans le programme du parti national socialiste et il existe toujours dans le programme présidentiel du FN de 2012.
Le FN oublie cependant :

- qu’aujourd’hui les « petits commerces » sont pour l’essentiel des franchises de réseaux de grande distribution,

- que « la grande distribution » est l’un des rares secteurs économiques où la France est en position dominante dans le monde

- et que les rares petites épiceries indépendantes sont souvent tenues par des Tunisiens…

De ce simple point de vue, la situation d’avènement du fascisme et du national-socialisme est assez proche de celle du FN aujourd’hui, dont la montée s’alimente des rancœurs et des craintes accumulées par nombre de catégories sociales : Petits commerçants en situation économique difficile, fonctionnaires craignant de voir leur situation se dégrader, préretraités touchés par les réformes d’allongement de la durée du travail, magistrats inquiets par le projet de suppression des juges d’instruction, Français inquiets de la montée de l’islamisme…
Ces catégories ont visiblement été ciblées dans une optique très marketing pour constituer aujourd’hui le programme de gouvernement en 21 points de Marine Le Pen.

 

2. CRISE ECONOMIQUE ET BASCULEMENT DE LA CLASSE MOYENNE

En Italie comme en Allemagne, la montée des partis fascistes et nazis ne résulte pas du vote et de l’adhésion des classes populaires, mais de l’inquiétude croissante de la classe moyenne face à l’aggravation de la crise, à son appauvrissement et à la montée du communisme.

- En Italie, pendant la 1ère guerre mondiale, le cout de la vie avait augmenté de 450%, les caisses de l’Etat étaient vides et l’industrie ne parvenait pas à absorber les soldats revenant du front. Cette insatisfaction se double d’une peur du communisme qui vient de prendre le pouvoir en Russie.

% des nationaux socialistes aux élections

- En Allemagne, la société Allemande est traumatisée par l’hyperinflation des années 1923, 1924, et le parti national socialiste (NSDAP) reste un groupuscule jusqu’en 1928. Il passe en moins de 5 ans d’un score de 2,6% des sièges au Reichtag en 1928, à 42% en 1933.
La succession rapide des élections a été due à la mise en minorité systématique du gouvernement du fait des blocages par les nationaux-socialistes.Les changement de résultats s’opèrent entre mai 1928 où le parti fait 2,6% et septembre 1930 ou il passe à 19,2%.

   

 Entre ces deux dates, la crise de 1929 à déferlé et les alliances avec la droite ont porté leurs fruits.

Il n’est donc pas si surprenant que le repli nationaliste s’accroisse autant aujourd’hui en France alors que les indicateurs économiques dégringolent et que la courbe du chômage explose.
Plusieurs études ont montré que le vote FN touchait en priorité les régions marquées par la désindustrialisation. La carte du vote FN montre que les scores sont importants, là ou la crise économique et le chômage impactent le plus. Ces cartes présentent également des similitudes fortes avec les cartes des taux d’immigration et les cartes de la délinquance.

% des voix FN aux Européennes 2014 Ined. % population immigrée (2009) et nb de moquées (cercle 2012) Insée Taux de chômage (Dares) 2013

 

3. DE L'UTILISATION DE LA VIOLENCE AU PRINCIPE DE L'ETAT FORT
 

L’utilisation de la violence :
Les partis d’extrême droite ont souvent cultivé une attirance pour la force, la violence et une proximité, à leur origine, avec les milieux militaires et paramilitaires.
Les premiers militants des partis fascistes et nationaux-socialistes étaient de jeunes hommes démobilisés qui s’appuyaient dans leurs actions, sur des démonstrations de violences et de force. Nous étions au lendemain de la 1ère guerre mondiale et ces militants revenant de la guerre étaient confrontés à la crise économique, à l’inactivité et au manque de reconnaissance.
Un classique des combattants sur le retour, de la 1ère guerre mondiale, à la guerre du Vietnam en passant par la guerre d’Indochine.
En Italie, le parti fasciste Mussolinien, pris donc très tôt une connotation militaire violente. Il entretint avec l’armée des rapports privilégiés. La circulaire Bonomi [3] offrait même les 4/5 de leur solde aux 50 000 officiers démobilisés s’ils intégraient les « faisceaux »[4]. Les amis de Mussolini multiplièrent les affrontements avec les socialistes et les syndicalistes (alors que Mussolini avait était lui-même un dirigeant du parti socialiste). En 1921 le PNF (Parti National Fasciste) instaura une politique de terreur, incendiant des milliers de maisons du peuple, de sièges syndicaux au cours d’affrontements qui firent des centaines de morts. Les chemises noires fascistes s’imposaient à leurs adversaires politiques par leur niveau de violence.
On retrouve cette même violence chez les nationaux-socialistes dès les années 20. Hitler crée une milice paramilitaire, les Sections d’assaut (SA), chargées officiellement de la sécurité dans les meetings, mais qui se distingueront surtout par leurs affrontements avec les socialistes Allemands et leur violence lors de ces affrontements. Là encore, cette réputation de violence et les « succès » qu’elle permettra, participera à l’attraction du NSDAP.[5]

Jean Marie Le Pen entre en politique en 1956, quelques mois après son retour d’Indochine. Grâce à l’influence d’un de ses chefs, il est placé sur la liste électorale poujadiste. Mais élu, il quitte l’assemblée pour s’engager en Algérie, révolté par le phénomène de la décolonisation qui met à mal sa fierté nationaliste.

Les débuts du FN seront marqués par sa proximité avec les groupuscules néo-nazis ultra-violents (qui vaudront à Jean Marie Le Pen de perdre son œil) et les « coups de poings » de Jean Marie Le Pen resteront célèbres.
En mai 1997, sur le marché de Mantes-La-Jolie dans les Yvelines, Jean Maire Le Pen agresse une élue socialiste (dans le coin sur la photo) qui valurent trois jours d’interruption de travail, la police devra s’interposer pour stopper la violence du président du FN.

Marine Le Pen marque sa différence avec son père en évitant les dérapages antisémites et les épisodes violents, mais en reprenant les mêmes valeurs basées sur le réarmement et la culture de la peur.
Mais le culte de la force de l’extrême droite ne renvoie pas qu’aux modes d’action de ses militants, mais aussi et surtout aux qualités dont doit se prévaloir l’Etat.
 

L’Etat fort :

Mussolini comme Hitler ont fait l’apologie de l’Etat fort susceptible de s’opposer aux menaces extérieures comme intérieures. Le Front National martèle ce principe sur plus de 3 pages de son programme (et plus de 20, si on y inclue celles consacrées à l’autorité de l’Etat).
La domination territoriale et l’impérialisme prôné par les Etats fasciste et nazi étaient des principes de gouvernance et de relations avec leurs voisins. Le modèle économique de ces états forts n’était pas l’échange, la collaboration et la compétitivité, c’était l’impérialisme, la domination et la captation des richesses.

Cette conception illustre l’orientation de la réflexion économique des états fasciste et nazi renvoyant à leur vision unilatérale du partage des richesses.

Comment ne pas remarquer la similitude avec le programme du FN qui réaffirme lourdement le principe de l’Etat fort et propose de renforcer les dépenses militaires et de réaffirmer la dissuasion nucléaire.
Il n’est pas nécessaire d’être fin psychologue pour comprendre qu’un Etat qui se réarme est toujours un Etat qui inquiète ses voisins.
Le réarmement intensif est souvent corrélé à la culture de la peur qui génère tant de morts dans les Etats qui la cultivent, des USA à l’Afrique du Sud…[6] Les pays qui utilisent le plus les discours sécuritaires sont – dans l’histoire - systématiquement les pays les plus liberticides et les pays les plus meurtriers.

Le principe de l’Etat fort centralisé, s’oppose au parlementarisme accusé d’incapacité à tenir des positions fermes.

L’Etat fort est toujours présenté comme le rempart contre les menaces intérieures et extérieures mais aussi comme étant capable d’éviter qu’on abuse de ses générosités.
 

L’Etat Fort du Front National :

Dans le cas du FN, les menaces auxquelles doit faire face l’Etat, sont véhiculées par la mondialisation économique, par l’Europe, mais également par la décentralisation.
Les conseils généraux et régionaux considérés comme des « féodalités locales » et «  des chefferies dirigées par des roitelets entourés d’une cour pléthorique » [7] sont, dans le cadre du parlementarisme et du centralisme étatique, présentés comme responsables de la corruption, des privilèges et de l’indécisions. Le FN propose donc de limiter leurs compétences en concentrant les pouvoirs dans les mains de l’Etat. L’Union Européenne, qualifiée de « cheval de Troie de la mondialisation ultralibérale  » est responsable (on se demande comment sachant que ce sont des décisions d’entreprises) des politiques de délocalisation et de désindustrialisation.
 

Face à ces menaces, le programme du FN propose un Etat centralisé, protectionniste, nationaliste, non soumis aux règlementations européennes, xénophobe, familialiste, pratiquant le « patriotisme économique  »7, encadrant les lobbies financiers et renforçant la fonction publique.
Une politique conservatrice et repliée qui en quelques années, nous couperait de nos marchés et nous renverrait, comme le prônait le national-socialisme et le fascisme, à une forme d’autarcie économique. Mais le national socialisme compensait cette autarcie (on pourrait dire indépendance) par une appropriation des territoires et des richesses des autres nations.

Par ses décisions tranchées, son centralisme et son volontarisme de façade, l’Etat fort est réputé régler les problèmes qui se posent à la nation. Mais les solutions envisagées conduisent au repli et à l’impérialisme. Contrairement à ce que semblent ignorer les stratèges du FN, un Etat peut tenir un discours politique fort et s’effondrer économiquement.
Dans ce cas, la reprises des tensions nationales [8] et le rejet de la faute sur des « boucs émissaires » constituent de bons dérivatifs.

 

4. LE RECOURS AUX BOUCS EMISSAIRES

Hitler pratiquait ce qu’on appelle dans certaines théories de la communication « l’attaque en retour » c’est-à-dire qu’il reprochait à ses adversaires et avant que ceux-ci ne l’en accusent, de faire ce qu’il s’apprêtait à faire lui-même. Voici la transcription d’un discours qu’Hitler a prononcé en octobre 1941. On est abasourdi de constater que les reproches qu’il fait à Churchill correspondent à ce qu’il s’apprête à faire :

« …durant toutes les années pendant lesquelles je me suis efforcé d’amener à tout prix une entente, M. Churchill n’a jamais fait que répéter : « Je veux avoir ma Guerre ! » .

Il l’a maintenant, cette guerre ! Et tous ses co-fauteurs qui, comme lui, excitaient à la guerre et ne trouvaient rien d’autre à dire que :
« Nous aurons une guerre charmante » et qui, dès le 1er septembre 1939, se félicitaient mutuellement de voir venir cette charmante guerre, ils auront, entre temps, sans doute changé d’idée sur les charmes qu’elle présente.



Cette conjuration de démocrates, de Juifs et de francs-maçons a donc réussi, il y a deux ans, à précipiter d’abord l’Europe dans la guerre. Les armes devaient décider.
 Depuis lors se déroule une lutte entre la vérité et le mensonge. Et comme toujours, cette lutte se terminera par la victoire de la vérité. En d’autres termes : la propagande britannique, la juiverie internationale et leurs complices les démocraties, auront beau entasser les mensonges, elles ne changeront rien aux faits historiques. »

Ainsi, Hitler attribuait aux Anglais la volonté de déclencher la guerre et présentait l’Allemagne comme victime des volontés bellicistes de Churchill. Il associait dans les « fauteurs » de guerre, les démocrates, les juifs et les francs-maçons.
On retrouve les principes fondateurs du nazisme : antiparlementarisme, stigmatisation de la démocratie, culte de l’Etat fort, et antisémitisme (les juifs, qu’on assimileraient aujourd’hui aux banques, étant présentés comme des financiers apatrides ne vivant que pour le culte du profit).
Ces discours étaient applaudis comme l’expression de la vérité. 70 ans plus tard, il n’est pas inutile de montrer une fois encore, à quel point la volonté de croire et de repousser la faute sur l’autre est capable de convaincre les foules.

Une grande partie des thèmes qui ont assuré la montée du nazisme et les succès du fascisme sont toujours présents, à l’identique, de façon partielle ou actualisée dans l’extrême droite d’aujourd’hui. Les « boucs émissaires » du FN sont assez proches : Parlementaires, fonctionnaires européens, internationalisme, démocrates, banquiers, immigrés…
 

5. L'AMBIVALENCE ENTRE EXTREME DROITE ET EXTREME GAUCHE

L’extrême droite a toujours développé une ambivalence avec de nombreuses thématiques d’extrême gauche. On note que très souvent, elle s’appuie sur une apparente critique du capitalisme. Ces thèmes et cette apparente critique ont contribué à son succès auprès de la gauche et son impact auprès des populations qui souffrent le plus. Utilisant une terminologie et une rhétorique « révolutionnaire », elle semble promettre le changement social. Mais elle centre son débat autour du repli et de la priorité nationale et sur l’exclusion des autres qu’il s’agisse de races ou de nationalités.

Dans son programme, le FN considère que l’immigration est utilisée par « les puissances d’argent et le grand patronat pour peser à la baisse sur les salaires et les droits sociaux des travailleurs français » Une phrase qui pourrait sortir tout droit d’un texte du Parti Communiste…

Le fascisme qui se disait « anticapitaliste », était très caractéristique de cette ambivalence. Mussolini lui-même venait du Parti socialiste Italien et de sa tendance la plus extrême, le « socialisme révolutionnaire ». Le « socialisme révolutionnaire » condamnait le suffrage universel, les réformes sociales et le parlementarisme comme étant des manifestations d’un « réformisme » susceptible de faire échouer l’avènement de la révolution. Tout ce qui pouvait y faire obstacle ou la reculer était condamné. Le socialisme révolutionnaire comportait, les ferments radicaux et extrémistes qui vont par la suite s’épanouir dans le fascisme.
 

En Allemagne, le Parti National Socialiste ou « Parti national-socialiste allemand des travailleurs » se disait également anticapitaliste, « socialiste mais anticommuniste ». Il cherchait à rallier la classe ouvrière et à recruter parmi les couches moyennes. On y prêchait la lutte contre la finance internationale et « l'esclavage de l'intérêt »[9].
Dans son programme en 25 points de février 1920, on relève plusieurs points que le marxisme ne renieraient pas :
« 13. La nationalisation de toutes les entreprises appartenant à des trusts.
14. La participation aux bénéfices des grandes entreprises.
16. L’expropriation par les communes des grands magasins qui devront être loués à bas prix aux petits commerçants
17. La promulgation d’une loi permettant l’expropriation, sans indemnité, de terrains à des fins d’utilité publique – la suppression de l’imposition sur les terrains et l’arrêt de toute spéculation foncière. »

Pour l’économiste libéral, Ludwig Von Mises, l’ambivalence était telle qu’il observait dès 1944 que le nazisme avait appliqué la plupart des mesures préconisées par le Manifeste du Parti Communiste de Marx et Engels :

« Huit des dix points (du Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels) ont été exécutés par les nazis avec un radicalisme qui aurait enchanté Marx. »[10]

 

Ce mélange entre critiques sociales traditionnellement de gauche et revendication nationaliste brouille les discours et les clivages politiques, mais le nazisme est souvent plus considéré, comme une dictature « capitaliste » que « socialiste », car les Nazis ne supprimèrent pas la propriété privée des moyens de production.
Cependant, les conceptions nazies étaient proches en termes de centralisme politique et économique et de dictature, de celles des bolchevics.

On connaît l’extermination raciale du nazisme, on connaît moins ses déportations économiques. Pourtant, dès le début du IIIe Reich, des commerçants furent déportés à Dachau parce qu’ils avaient augmenté leurs prix.

 

6. SURDETERMINATION DU POLITIQUE, MECONNAISSANCE DE L'ECONOMIE ET ANTICAPITALISME DE SURFACE

Surdétermination du politique :

L’économie n’a jamais été le fort de l’extrême droite. Elle a toujours fait de la victoire politique, l’unique objet de son combat et tend à considérer que l’affirmation d’une volonté politique forte suffit à déterminer des conséquences économiques. C’est toute l’illusion de l’extrême droite qui la conduira inexorablement à remplacer la compétition économique par l’appropriation et le conflit militaire.
Hitler et Mussolini avaient de l’économie une vision simpliste marquée par une volonté de domination et de contrôle. De ce point de vue, Jean Marie et Marine Le Pen, via le Front National ont cette même vision et cette même conception d’une « surdétermination » du politique conduisant au centralisme.

Méconnaissance de l’économie et anticapitalisme de surface :

Le fascisme passa de 1919 à 1921 d’un programme social basé sur une conception interventionniste de l’économie à une conception libérale non interventionniste.
Le revirement du nazisme fut plus brutal. Il se manifesta en juin 1934, lorsqu’au cours de « la nuit des longs couteaux » Erich Röhm et les principaux dirigeant des SA, qui aspiraient à une véritable révolution sociale, furent éliminés. Hitler ne souhaitait pas de révolution et il voulait se rapprocher du « grand capital » pour assurer ses soutiens financiers et ses alliances avec la droite classique.

L’anticapitalisme d’Hitler était basé non, sur une compréhension des mécanismes économiques, mais sur une vision nationaliste, politique, coloniale et autarcique de l’économie[11].
Par définition, le capitalisme développe l’internationalisation des échanges. C’est ce principe qui détermine le nationalisme tant du parti nazi que du FN.

La vision économique d’Hitler était constituée de quelques principes simples : autosuffisance alimentaire et industrielle, priorité nationale, domination raciale et impérialisme territorial. Le développement des ressources économiques et des richesses de l’économie Allemande passait par la maîtrise de nouveaux territoires réquisitionnés par la force.

Le capitalisme, ses implications en termes d’échanges internationaux, de compétition étaient perçus comme des risques, contraires aux intérêts et aux priorités de la nation.

Gottfried Feder, économiste allemand autodidacte fut l’un des premiers membres du parti nazi. Il a joué un rôle décisif dans la conception hitlérienne de l'économie dont il devint le théoricien.. Il réclamait la nationalisation de toutes les banques et l’abolition des intérêts bancaires. Il avait écrit, en 1919, un « Manifeste pour la rupture de l’asservissement aux intérêts » qui influença profondément Hitler.

« Lorsque j'entendis le premier cours de Gottfried Feder sur « la répudiation de la servitude de l'intérêt du capital », je compris immédiatement qu'il devait s'agir ici d'une vérité théorique d'une importance immense pour l'avenir du peuple allemand. La séparation tranchée du capital boursier d'avec l'économie nationale présentait la possibilité d'entrer en lutte contre l'internationalisation de l'économie allemande, sans toutefois menacer en même temps par le combat contre le capital les fondements d'une économie nationale indépendante. »[12]

Les conceptions économiques d’Hitler étaient opposées à l’internationalisme financier. Assez proches de celles du FN aujourd’hui. On retrouve la même opposition à l’internationalisation, aux banques, à ses représentants et à l’intérêt. Il insistait notamment sur la séparation du capitalisme financier et de l’économie. On retrouve ce même principe dans le programme du FN.

La finance internationale et le capitalisme étaient –pour lui - symbolisés par les riches juifs apatrides qui n’avaient que la recherche du profit comme morale. Le nazisme avait donc fait plusieurs oppositions simples qu’on retrouve toujours reprises par l’idéologie d’extrême droite[13] :

1- L’opposition de la finance internationale à la nation et à ses intérêts. On retrouve ce principe dans le programme du Front National sous la forme de la préférence nationale.
2- L’opposition de la recherche du profit dans l’économie de marché à une économie centralisé contrôlée par un Etat guide de « l'intérêt général ».

Cependant, le sort des juifs réglé, l’anticapitalisme des nazis va considérablement s’émousser et son mentor économique, Feder, finira à l’écart, ses opinions anticapitalistes ayant pour effet de limiter les supports financiers obtenus auprès des grands industriels allemands.
Un parti « populiste » n’a pas de programme économique strictement défini. Sa ligne, ce sont les insatisfactions populaires et les opportunités.

Les conceptions économiques du FN ont pu, selon les époques, se réclamer de l’ultra-libéralisme comme d'inspiration plus social-démocrate et leur programme économique accumule les incohérences et les mesures qui pourraient s’avérer désastreuses.

Ainsi, le point sur la dette prévoit « la déprivatisation de l’argent public », mesure assez comparable aux principes nazis, qui en cherchant à lutter contre la dette et en permettant la création monétaire par l’Etat, entraînerait une reprise importante de l’inflation.

Les conséquences de la sortie de la zone Euro prônée par le FN, et le retour au Franc pourrait être les suivantes :

Ne pensons pas, à une reprise de nos exportations en direction des autres pays européens, ce qu’angéliquement espère le FN. Les pays européens, furieux contre la France d’avoir fait exploser la zone Euro, ne seront pas particulièrement bien disposés à son égard.

La loi « achetons Français »[14] que préconise le FN, ne pourrait être mise en place que par des systèmes de taxation des exportations ou d’interdiction de concourir sur les marchés nationaux pour les entreprises des autres pays. Ces mesures pourraient entraîner en retour dans un cadre européen la mises en place de mesures identiques de la part de pays qui sont notre principal marché.

Le protectionnisme est rarement à sens unique. 
 

7. ANTIPARLEMENTARISME ET PREFERENCE NATIONALE

Les partis fascistes et nazis présentent le paradoxe d’être parvenus au pouvoir par les urnes mais d’avoir rapidement mis fin au système parlementaire ayant permis leur accession en transformant leur gouvernement en dictature.

Le parti fasciste devint un parti unique en 1926, 4 ans après l’accession de Mussolini au pouvoir et le parti national-socialiste juste quelques mois après la prise de pouvoir d’Hitler.

Les premiers acte du nazisme et du fascisme furent de s’opposer au parlementarisme, d’abolir le multipartisme et de renforcer le centralisme.

Le centralisme d’Etat prôné par le FN n’est, on peut le craindre, pas sans arrières pensées et d’aucun pourraient considérer qu’il amorce les conditions d’une gestion dictatoriale.

Antiparlementarisme et rejet de la démocratie
L’antiparlementarisme, le rejet des parlements, des politiciens et par extension de la démocratie est une caractéristique fondatrice de l’extrémisme. Le parlementarisme et son « indécision », sont toujours utilisés comme justification de la nécessité d’un Etat fort. La démocratie fait donc partie des « boucs émissaires » de l’extrême droite.

Le Parti National Socialiste était ouvertement « anti-démocratique » et « antiparlementaire ». L’un des points de son programme en 25 points précisait :

« Nous combattons la pratique parlementaire, génératrice de corruption, d’attribution des postes par relations de Parti sans se soucier du caractère et des capacités ».

La démocratie y est décrite comme un système politique corrompu, incapable de décisions, dominée par les juifs, et dont la faiblesse est fondée sur le système parlementaire. Le parlementarisme s’oppose à la conception de l’Etat fort , dirigiste, centralisé, axé sur les « intérêts de la nation ».

Le Front National ne déroge pas à cet antiparlementarisme qui s’exprime aujourd’hui en priorité sur l’Europe mais également sur les pouvoirs décentralisés que sont les conseils généraux et régionaux.

Cependant, l’antiparlementarisme n’est pas une caractéristique de la seule extrême droite, c’est un point que partagent tous les extrémismes.
 

Rejet de l’immigration, xénophobie,
Le nazisme incluait évidemment des critères d’immigration et de préférence nationale, Le programme du 1920 insiste pour que « tous les non-Allemands établis en Allemagne depuis août 1914 soient immédiatement contraints de quitter le Reich  », et que « tous les directeurs et collaborateurs de journaux paraissant en langue allemande soient des citoyens allemands  ». [15]

Le FN présente l’immigration associée à un anticapitalisme de circonstance. Elle serait favorisée par « les puissances d’argent et le grand patronat », générant une concurrence déloyale vis-à-vis des travailleurs français et accroissant leur chômage.

On retrouve un classique du discours nazi qui associe nationalisme, anticapitalisme et socialisme.
 

Le rejet de l’immigration, thème particulièrement instrumentalisé, est l’un des points forts du programme du FN qu’il présente comme porteuse de tous les dangers et complémentaire d’un retour de la « fierté nationale ». La France a toujours été un pays d’immigration. Notre culture est un « patchwork » d’influences multiples.

Le FN propose de diviser par 20 de l’immigration légale passant de 200 000 entrées par an à 10 000 entrées.

Le chiffre moyen de 200 000 entrées par an est réel, et correspond pour plus de 40% à des regroupements familiaux ou matrimoniaux. Les 2/3 de ces regroupements s’effectuent dans des familles comportant des Français (conjoint, parents ou enfants) 14. Par ailleurs en trente ans, de 1982 à 2011, et ramenée en pourcentage de la population, la proportion d’immigrés a augmenté en France de 1,2 % (de 7,2 % à 8,4 %).[16]
 

L’immigration est présentée comme ayant un coût important évalué à 70 milliards d’Euro par an par le FN[17] . Mais il oublie de dire que si ce coût est évalué à un peu moins de 70 milliards, elle en rapporte 72 milliards. Et la quasi totalité des Economistes et démographes s’accordent pour considérer qu’avec le vieillissement de la population, l’immigration deviendra de plus en plus nécessaire dans les pays d’Europe.

L’immigration est présentée comme une source de tensions, de constitution de ghettos, de « conflits inter-ethniques » de communautarisme et bien évidemment « d’islamisation » de la société Française.
Autant de caractéristiques qui dressent un portrait prédateur de l’immigré.
La volonté d’islamisation de la société française par une minorité d’extrémistes religieux est réelle [18], mais elle n’impacte pas la grande majorité des Français et immigrés musulmans qui en sont souvent les premières victimes.
Pour avoir fait de nombreuses études dans le domaine de l’intégration, savez-vous ce qui invariablement abolit les tensions intercommunautaires dans une société ? La mixité. Si un arabe, un juif, un noir, un rom rentrent dans votre couple ou votre famille, vous allez le connaître, vous lui parlerez et vous vous rentrer compte qu’il vous ressemble.[19]
C’est d’ailleurs par la mixité que notre pays a progressivement intégré non seulement les invasions dont il a été l’objet, mais aussi les vagues d’immigration qui l’ont traversé (Italienne, Espagnoles, Arménienne, Russes, Arabes…).

Nationalisme et préférence nationale.
Le nationalisme s’est développé à la fin du 19ème siècle autour des notions de langue et de culture. En cherchant à limiter la définition de son ouverture, certaines dérives y ont amalgamé des notions de race, d’ethnie, de religion. Le concept de nation a toujours été délicat à manipuler et jamais très éloigné du rejet de l’autre.

S’il a été politiquement utile dans l’histoire, dans la phase de constitution des Etats et dans celle de la décolonisation, à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, on peut penser qu’il est aujourd’hui une forme de repli alors que nous sommes dans une autre étape de notre histoire. Dans cette étape, la mondialisation des échanges est devenue déterminante et elle amène à la constitution de blocs économiques.
 

Le nazisme percevait l’internationalisme comme une menace. C’est ce qui va déterminer son « anticapitalisme », sa critique du profit, des banques, des juifs et évidemment son nationalisme. Mais « l’anticapitalisme » des nazis s’arrêtera lorsque les impératifs politiques changeront.

Le FN procède des mêmes angoisses et c’est ce qui détermine ses critiques des immigrés, de l’Europe, son nationalisme et sa volonté de centralisme.

Le FN appelle au retour de la fierté nationale au retour des traditions, et propose : « Le rétablissement du principe d’égalité et de méritocratie : le bannissement des pratiques de discrimination positive dans tous les secteurs de la société (école, université, entreprise, administration) ».[20] C’étaient également des point centraux dans le programme du parti nazi dans des termes quasi identiques : « L'esprit national doit être inculqué à l'école dès l'âge de raison  ». et de la même façon, il considérait que le système parlementaire était l’inverse de l’égalité et conduisait à la corruption et aux privilèges. 

 

Le principe de la « préférence nationale », développé par le FN, est un principe de repli économique et de protectionnisme.

Le repli a toujours généré des dysfonctionnements. Qui n’a pas remarqué qu’aujourd’hui on trouve beaucoup de médecins d’origine étrangère dans nos hôpitaux tout simplement parce que notre système d’enseignement médical, jugulé par le protectionnisme de l’ordre des médecins, n’en a pas suffisamment formé.

 

Les programmes sociaux de du Front National ne sont pas guidés par l’application de principes de solidarité et de justice sociale et encore moins de critique du système capitaliste, mais par celui de la « préférence nationale ».
L’Etat étant le garant de cette préférence nationale, dans son programme[21], le FN place en premier les principes de l’Etat fort et de l’autorité de l’Etat et il amorce une « recentralisation » des décisions.

 

8. TOTALITARISME ET ACCES PAR LES URNES :

Une des erreurs classiques, s’agissant des régimes totalitaires, consiste à penser qu’un régime arrivé au pouvoir par les urnes ne peut pas être un régime totalitaire puisqu’il a respecté les principes démocratiques.

Ce fut pourtant le cas du fascisme et du nazisme qui sont tous les deux arrivés légalement au pouvoir, surfant sur les peurs, sur la crise économique, sur les ressentiments de l’après guerre et assurant leur victoire par la collaboration avec les droites classiques.
Cependant, avec leur prise de pouvoir, le multipartisme pris fin et les libertés progressivement supprimées.

Un parti totalitaire peut donc parfaitement arriver au pouvoir par les Urnes. Nous en avons eu de nouveaux exemples à l’occasion des printemps arabes de 2011 ou les pouvoirs arrivés par les urnes, Ennahda en Tunisie et les Frères Musulmans en Egypte se sont avérés être des fossoyeurs de libertés.

 

Les parallèles entre fascisme, national socialisme et Front National :

 

Fascisme et national socialisme

Front national

Contexte

Après-guerre, traumatisme de la révolution bolchévique, peur de la montée du socialisme en Europe, rancoeurs de la défaite (Allemagne) , du paiement des lourdes indemnités de guerre (Allemagne), du partage injuste des territoires (Italie), hyperinflation de 1923. Crise économique de 29, spéculations, effondrement bancaire, appauvrissement.
 

Traumatisme du référendum de 2005 sur la constitution Européene.

Crise des subprimes et de la zone Euro. Spéculations et agressions spéculatives, nécessité de renflouement des économies européennes endettées.

Critiques du poids de la dette du fait de l’impossibilité des Etats de recourir à la création monétaire, critique du transfert de pouvoir vers Bruxelles.

Argumentation

Nationalisme, anticapitalisme, socialisme, critique du parlementarisme, des banques et de la démocratie.

Nationalisme, critique des parlements (européens et régionaux), des banques et de la finance.

Boucs émissaires

Internationalisme, capitalisme, autres nations, financiers apatrides, banques, juifs, francs-maçons

Europe, Bruxelles, parlementarisme, européen et régional, immigration, musulmans et islam.

Solutions

Etat fort et centralisé, culte du guide, concentration des pouvoirs, milices privées violentes, racisme, suppression du multipartisme, dictature, réarmement, autarcie économique et impérialisme territorial.

Etat fort, renforcement des services publics, renforcement de la centralisation, politique sécuritaire, financement de la dette par la création monétaire, réduction de l’immigration, repli sur les traditions et retour de la fierté nationale.

C’est ce ciment populiste, amalgames d’inquiétudes, de ressentiments, d’aspirations de force, de promesses de sécurité, dde xénophobie et de critiques sociales, qui constituent souvent les liants principaux de l’extrême droite et qu’on retrouve aujourd’hui, presque à l’identique, dans les thématiques du Front National.

 

9. CONCLUSION : LES IDEOLOGIES TOTALITAIRES TRIOMPHENT LORSQUE LES DEMOCRATES OUBLIENT CE QUI LES UNIT :

La victoire du nazisme fut la conséquence de la France de « faire payer » l’Allemagne » et de la volonté de revanche des Allemands sur les Alliés, la conséquence de la révolte de la classe moyenne du fait de l’hyperinflation de 1923 et des épreuves endurées suite aux impacts de la crise de 1929 sur l’économie allemande, mais aussi et surtout, elle fut la conséquence de l’alliance de la droite allemande classique avec les nazis pour l’aider à lutter contre la montée du socialisme.

La victoire du Front National en 2017 pourrait être la conséquence :

Si nous devons retenir une leçon de l’histoire, c’est que nous sommes responsables de la montée des idéologies totalitaires.

Ni le grand capital, ni les fonctionnaires, ni les banques, ni les petits commerçants, ni les immigrés ou leurs descendants… NOUS, vous et moi.

Ni les démocrates, ni les juifs, ni les spéculateurs, ni les arabes, ni les francs-maçons, ni les patrons, mais nous tous par notre aveuglement notre mesquinerie, nos intérêts personnels et notre division.

Nous tous pouvons être responsables de cette répétition dramatique de scénario.
Et nous en serons responsables ensuite devant nos enfants et devant l’Histoire.

 

 

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Annexe 1 : Le Programme en 25 points du NSDAP (Parti National Socialiste 1920)

 

« Le programme du Parti ouvrier allemand est un programme à terme. Lorsque les objectifs fixés seront atteints, les dirigeants n’en détermineront pas d’autres dans le seul but de permettre, par un maintien artificiel de l’insatisfaction des masses, la permanence du parti.

1. Nous exigeons la constitution d'une Grande Allemagne, réunissant tous les Allemands sur la base du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

2. Nous exigeons l'égalité des droits du peuple allemand au regard des autres nations, l'abrogation des traités de Versailles et de Saint-Germain

3. Nous exigeons de la terre et des colonies pour nourrir notre peuple et résorber notre surpopulation.

4. Seuls les citoyens bénéficient des droits civiques. Pour être citoyen, il faut être de sang allemand, la confession importe peu. Aucun Juif ne peut donc être citoyen.

5. Les non-citoyens ne peuvent vivre en Allemagne que comme hôtes, et doivent se soumettre à la juridiction sur les étrangers.

6. Le droit de fixer la direction et les lois de l'État est réservé aux seuls citoyens. Nous demandons donc que toute fonction publique, quelle qu'en soit la nature, ne puisse être tenue par des non citoyens. Nous combattons la pratique parlementaire, génératrice de corruption, d'attribution des postes par relations de parti sans se soucier du caractère et des capacités.

7. Nous exigeons que l'État s'engage à procurer à tous les citoyens des moyens d'existence. Si le pays ne peut nourrir toute la population, les non-citoyens devront être expulsés du Reich.

8. Il faut empêcher toute nouvelle immigration de non-Allemands. Nous demandons que tous les non-Allemands établis en Allemagne depuis le 2 août 1914 soient immédiatement contraints de quitter le Reich.

9. Tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs.

10. Le premier devoir de tout citoyen est de travailler, physiquement ou intellectuellement. L'activité de l'individu ne doit pas nuire aux intérêts de la collectivité, mais s'inscrire dans le cadre de celle-ci et pour le bien de tous. C'est pourquoi nous demandons :

11. La suppression du revenu des oisifs et de ceux qui ont la vie facile, la suppression de l'esclavage de l'intérêt.

12. Considérant les énormes sacrifices de sang et d'argent que toute guerre exige du peuple, l'enrichissement personnel par la guerre doit être stigmatisé comme un crime contre le peuple. Nous demandons donc la confiscation de tous les bénéfices de guerre, sans exception.

13. Nous exigeons la nationalisation de toutes les entreprises appartenant aujourd'hui à des trusts.

14. Nous exigeons une participation aux bénéfices des grandes entreprises.

15. Nous exigeons une augmentation substantielle des pensions des retraités.

16. Nous exigeons la création et la protection d'une classe moyenne saine, la remise immédiate des grands magasins à l'administration communale et leur location, à bas prix, aux petits commerçants. La priorité doit être accordée aux petits commerçants et industriels pour toutes les livraisons à l'État, aux Länder ou aux communes.

17. Nous exigeons une réforme agraire adaptée à nos besoins nationaux, la promulgation d'une loi permettant l'expropriation, sans indemnité, de terrains à des fins d'utilité publique - la suppression de l'imposition sur les terrains et l'arrêt de toute spéculation foncière.

18. Nous exigeons une lutte sans merci contre ceux qui, par leurs activités, nuisent à l'intérêt public. Criminels de droit commun, trafiquants, usuriers, etc. doivent être punis de mort, sans considération de confession ou de race.

19. Nous exigeons qu'un droit public allemand soit substitué au droit romain, serviteur d'une conception matérialiste du monde.

20. L'extension de notre infrastructure scolaire doit permettre à tous les Allemands bien doués et travailleurs l'accès à une éducation supérieure, et par là à des postes de direction. Les programmes de tous les établissements d'enseignement doivent être adaptés aux exigences de la vie pratique. L'esprit national doit être inculqué à l'école dès l'âge de raison (cours d'instruction civique). Nous demandons que l'État couvre les frais de l'instruction supérieure des enfants particulièrement doués de parents pauvres, quelle que soit la classe sociale ou la profession de ceux-ci.

21. L'État doit se préoccuper d'améliorer la santé publique par la protection de la mère et de l'enfant, l'interdiction du travail de l'enfant, l'introduction de moyens propres à développer les aptitudes physiques par l'obligation légale de pratiquer le sport et la gymnastique, et par un puissant soutien à toutes les associations s'occupant de l'éducation physique de la jeunesse.

22. Nous exigeons la suppression de l'armée de mercenaires et la création d'une armée nationale.

23. Nous exigeons la lutte légale contre le mensonge politique conscient et sa propagation par la presse. Pour permettre la création d'une presse allemande, nous demandons que :

a. Tous les directeurs et collaborateurs de journaux paraissant en langue allemande soient des citoyens allemands.

b. La diffusion des journaux non-allemands soit soumise à une autorisation expresse. Ces journaux ne peuvent être imprimés en langue allemande.

c. Soit interdite par la loi toute participation financière ou toute influence de non-Allemands dans des journaux allemands. Nous demandons que toute infraction à ces mesures soit sanctionnée par la fermeture des entreprises de presse coupables, ainsi que par l'expulsion immédiate hors du Reich des non-Allemands responsables. Les journaux qui vont à l'encontre de l'intérêt public doivent être interdits. Nous demandons que la loi combatte un enseignement littéraire et artistique générateur d'une désagrégation de notre vie nationale, fermeture des organisations contrevenant aux mesures ci-dessus.

24. Nous exigeons la liberté au sein de l'État de toutes les confessions religieuses, dans la mesure où elles ne mettent pas en danger son existence ou n'offensent pas le sentiment moral de la race germanique. Le Parti en tant que tel défend le point de vue d'un christianisme positif, sans toutefois se lier à une confession précise. Il combat l'esprit judéo-matérialiste à l'intérieur et à l'extérieur, et est convaincu qu'un rétablissement durable de notre peuple ne peut réussir que de l'intérieur, sur la base du principe : l'intérêt général passe avant l'intérêt particulier.

25. Pour mener tout cela à bien, nous demandons la création d'un pouvoir central puissant, l'autorité absolue du parlement politique central sur l'ensemble du Reich et de ses organisations, ainsi que la création de Chambres professionnelles et de bureaux municipaux chargés de la réalisation, dans les différents Länder, des loi-cadre promulguées par le Reich.

Les dirigeants du Parti promettent de tout mettre en œuvre pour la réalisation des points ci-dessus énumérés, en sacrifiant leur propre vie si besoin est. »

 

[1] On se rappelle les célèbres « Durafour crématoire » et l’épisode du « point de détail »…

[2] Les francs-maçons cumulent plusieurs caractéristiques qui les désignent à la vindicte populaire : c’est un réseau d’influences et de solidarités patronales (comme voulaient d’ailleurs l’être les « faisceaux »), ils comportent un aspect internationaliste et enfin ils s’opposent aux pouvoirs religieux.

[3] Du nom du ministre Italien de la guerre de 1920-21

[4] Le mot faisceau qui au pluriel en italien s’écrit « fasci » conduira au mot « fascista » qui pourrait être traduit par le mot de « ligue ». Ces « faisceaux de défense », prirent comme symbole, un fagot de branches accolées à une hache. Ces faisceaux (ou fagots) de branches, véhiculaient donc la notion de force par l’union : une branche seule peut être brisée, mais elle résiste si les branches sont réunies en fagot. Ils renvoyaient également à l’opposition entre Italie du nord industrielle et riche et Italie du sud paysanne et pauvre et renvoyait enfin aux « faisceaux siciliens des travailleurs », des mouvements paysans socialistes qui, à la fin du 19ème siècle, s’étaient opposés aux propriétaires terriens en Sicile. Le mouvement fasciste Italien faisaient donc à l’origine clairement référence au socialisme révolutionnaire tout en étant un mouvement contre-révolutionnaire.

[5] Dans un autre ordre d’idée, on retrouve aujourd’hui cette attraction pour la violence chez les centaines de jeunes gens qui s’enrôlent pour le djihad sans aucune idée de ce qui les attends.

[6] Cette culture de la peur et la liberté de vente des armes à feu sont les principales différences qu’établit le cinéaste Michael Moore dans sont film « Bowling for Colombine » sur le massacre de 1999 dans la ville du même nom. Selon le bureau des Nations unies contre la criminalité et la drogue (UNODC), alors que la moyenne mondiale du taux d’homicide se situe entre 6 et 7 homicides par an pour 100.000 habitants, l'Afrique du sud enregistre un taux de 32,2 homicides pour 100.000 habitants (après avoir été supérieur à 50 en 2007) et les USA évoluent entre 5 et 6 pour 100 000 habitants. La France est à 1,8 homicides pour 100 000 habitants. Les pays les plus « meurtriers » sont les pays d’Amérique centrale et du sud aux mains des cartels (Vénézuela, Honduras, Guatemala) dont les.taux d’homicides sont supérieurs à 100 pour 100 000 habitants et les pays les moins « meurtriers » sont certains pays asiatiques (Japon, Singapour) dont les taux d’homicide sont inférieur à 1. http://www.unodc.org/documents/gsh/pdfs/2014_GLOBAL_HOMICIDE_BOOK_web.pdf

[7] cf : http://www.frontnational.com/pdf/Programme.pdf, p. 3, p.5 p.8

[8] Le programme du FN en comporte les ferments à travers notamment la renégociation des Zones Economiques Exclusives (Zones territoriales côtières)

[9] Voir plus loin.

[10] Ludwig Von Mises, Omnipotent Government, The Rise of the Total State and Total War, 1944 by Yale University Press. Dès 1912, il avait mis en garde contre la manipulation de la masse monétaire, prédisant la crise de 1929.

[11] Qui se souvient que le mot « ersatz » tire sont origine des produits de remplacement développés par l’économie Allemande du fait de ses conceptions autarciques dans les années 30.

[12] Adolf Hitler, Mein Kampf, p.212

[13] Certains crimes antisémites récents ont pu rappeler à quel point ces associations et ces préjugés pouvaient être toujours actuels. Des affaires judiciaires comme celle de Youssouf Fofana qui tortura pendant une semaine un jeune juif sous prétexte qu'étant donné sa religion, il devait avoir de l’argent ou celle de Mohammed Merah en sont le témoignage.

[14] Conçue sur le modèle du « Buy American Act » de 1933, elle pourrait être crédible dans la cas d’un « Buy European Act » proposé par Sarkozy début 2012, mais beaucoup moins dans un cadre Franco-Français.

[15] Points 8 et 23 du Programme en 25 points du NSDAP.

[16] Cité par « Le Monde » : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/08/06/sept-idees-recues-sur-l-immigration-et-les-immigres_4467506_4355770.html

[17] Ce chiffre est lié probablement à l’étude de l'économiste Xavier Chojnicki en 2010, qui avait été chargé par le gouvernement d'une étude sur le coût de l'immigration et qui fait désormais autorité. Or, l'étude, concluait que, « la contribution nette globale de l'immigration au budget de l'Etat était positive et de l'ordre de 12 milliards d'euros pour l'année 2005 ; un immigré aurait effectué en moyenne un paiement net de l'ordre de 2 250 euros contre un peu plus de 1 500 euros pour un autochtone. ». L'étude estimait ainsi à 68,4 milliards d'euros les prestations versées aux immigrés et à 72,02 milliards leurs cotisations.

[18] Gérard Dahan, « Les Frères Musulmans : Internationale islamiste et stratégie rampante » http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-freres-musulmans-143062

[19] C’est un principe contre lequel les théoriciens du nazisme se sont violemment opposés. Alfred Rosenberg, dont l'influence fut importante dans la théorisation du nazisme, affirmait dans « Le Mythe du vingtième siècle » (1930), que l’Histoire pouvait se réduire à une lutte des races entre elles et il présentait l’homme nordique comme menacé par le métissage.

[20] http://www.frontnational.com/pdf/Programme.pdf

[21] Tout comme dans les programmes du Parti National Fasciste et du Parti National Socialiste.


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