Les jeux sont faits pour le premier tour de 2012

par Bernard Dugué
mercredi 18 janvier 2012

Les médias ne cessent de nous prévenir, méfions-nous des sondages. La preuve par les chiffres. Des tableaux pédagogiques sont servis au spectateur pour illustrer le propos. Regardez bien, ici les intentions de votes exprimées en janvier et à droite, le résultat sorti des urnes. Eh oui, quelle différence. Il n’y a donc aucune raison de faire confiance aux sondages parus en janvier et d’ailleurs, en règle générale, il ne faut accorder crédit aux résultats des instituts de sondage. Ce qui n’empêche pas les journaux de commander des études d’opinion et les professeurs de statistique de venir les commenter sur le plateau en compagnie des éditocrates de référence qui sont à l’analyse politique ce que les agences de notations sont aux produits financiers. La plupart des journaux foncent dès lors que des chiffres sont disponibles. Cela donne le sentiment qu’une campagne se déroule, ajoutant un peu de piment à l’ennui quotidien des petites déclarations, un ennui que Gérard Longuet a troublé en comparant François Hollande au capitaine désinvolte qui planta son navire Costa dans un rocher. Evidemment, si par mégarde un sondage plaçait Marine le Pen devant Nicolas Sarkozy, les chiffres feraient l’objet d’un tsunami politique comme lorsque que le triple A fut dégradé par une agence. Cette campagne politique se décline sur deux styles, la croisière s’ennuie et la croisière s’agite. Pour agiter les esprits, il faut imaginer un paquebot où dans chaque cabine, un écran donne les indications du tableau de bord dont dispose le capitaine. C’est un peu ça la campagne présidentielle en 2012, jugée par nombre d’observateurs comme plutôt ennuyeuse, bien plus que les précédentes.

 

Dans ce contexte, il est interdit de dire que les jeux sont faits. Et pourtant, je vais le dire et tenter de réfléchir sur cette hypothèse. L’élection de 2012 ne ressemble à aucune des précédentes. L’agitation de campagne a commencé il y a déjà quelques mois et on va dire, au moment de la désignation du candidat socialiste. François Hollande est maintenant un candidat visible, qu’on a vu, revu, entendu et réécouté. Les Français se sont fait une idée, comme pour Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon et Marine le Pen plus présente qu’auparavant. Même chose pour François Bayrou. Le résultat final sera produit par une réaction électorale presque alchimique. Les électeurs passant de l’état solide à l’état gazeux, qualifiés de volatiles, pour ensuite redevenir solide et condenser leur choix vers un candidat. La réaction paraît néanmoins avancée et c’est cette hypothèse qui fait penser à une élection dont on peut connaître le résultat maintenant, voire fin janvier. Il n’y aura pas la montée de Bayrou qui bénéficiait en 2007 d’un effet de surprise et d’une campagne qui fut passionnée à défaut d’être passionnante, notamment avec les candidats favoris qui tous deux, suscitaient la dévotion chez les uns et la détestation d’autres électeurs. Ségolène Royal a péché par son côté peu rassurant et surtout une machine socialiste désunie. Ce n’est plus le cas pour Hollande en 2012. Bayrou, on sait qui il est et on n’attend rien de plus ; de surcroît, il n’a pas pris assez soin de créer une machine électorale puissante. Le seul élément impondérable d’ordre structurel, c’est l’entrée en campagne de Sarkozy qui se fera sans doute fin mars. Le choix est tactique. Une entrée prématurée n’aurait aucun intérêt si ce n’est de laisser le président s’user à défendre un bilan très médiocre et s’agiter dans un programme sans idées en prenant coups sur coups. D’où le forcing des réformes agitées ces temps-ci malgré le caractère inapproprié vu qu’il faut passer par le Parlement et que la session s’achève en février. Une fois en campagne, Sarkozy ne livrera rien de plus que ce qu’on lui connaît, aussi son score ne bougera plus trop.

 

Les jeux semblent faits. Mais nul ne peut exclure quelques éléments perturbateurs. Notamment une erreur fatale à un candidat. On ne sait jamais. Les journalistes savent être féroce mais l’opinion ne semble pas tenir rigueur de quelques approximations. Nadine Morano s’est fait ramasser en se trompant sur la TVA allemande. Pour qu’un candidat chute dans les intentions, il faudrait qu’il accumule une suite de bévues impensables à imaginer. Chaque candidat se doit d’être prudent, de ne pas se tromper sur les chiffres et les signaux, ne pas tomber dans le panneau, ne pas franchir la ligne jaune, sinon, il sera vite repéré par la patrouille avec cette profusion de radars médiatiques prêts à flasher dès lors qu’un excès de langage est commis par un candidat ou bien qu’un dépassement non autorisé des dépenses publiques se produit. Normalement, les candidats ne devraient pas se faire prendre. Ils ont bien potassé leur programme comme on étudie le code, ont droit à quelques erreurs comme pour passer le code, enfin, ont pas mal d’heures de conduite pour éviter de se planter dans le décor à l’occasion d’une manœuvre politicienne imprudente. Seul Jean-Marie le Pen jouait sur ces erreurs de conduite et ces phrases intempestives mais au fond, il n’avait pas l’intention d’obtenir son permis de conduire pour la France.

 

Il reste maintenant le contexte économique et géopolitique, avec quelques événements imprévisibles pouvant dévier le résultat. On se souvient des attentats de Madrid qui auraient coûté la place à José-Maria Aznar. En 2012, on peut tout envisager et surtout l’improbable, un accident nucléaire. Ou quelque faits dont la probabilité n’est pas nulle, comme la faillite de la Grèce ou alors une dégradation supplémentaire de la notation des agences. Mais ces éventualités sont peu probables, eu égard aux 500 milliards d’euros injectés par la BCE pour trois ans de répit. Alors on y va, les jeux sont faits, même si quelques fluctuations minimes se produisent en cas de retrait de Morin et Villepin. Hollande, 28 ; Sarkozy, 24 ; le Pen, 20 ; Bayrou, 13 ; Mélenchon ; 8, Joly ; 3, Chevènement, out, Villepin, out ou bien 2, Morin, 1.

 

Pour le second tour, il ne faut pas oublier que la gauche reste minoritaire. Ensuite, rendez-vous pour les législatives où là, je serais bien plus prudent car le résultat risque d’être incertain. 



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