Les propositions de réforme de la commission Balladur : l’officialisation de l’hyperprésident !

par Jean-Michel B.
vendredi 2 novembre 2007

L’article rappelle quelques-unes des propositions les plus importantes de la commission Balladur de réforme de la Constitution et s’inquiète d’une évolution vers une hyperprésidentialisation de la Ve République comme le propose ladite commission.

La commission présidée par l’ancien Premier ministre Edouard Balladur a rendu son rapport qui est publié au JO n° 252 du 30 octobre 2007. Le fait que nous puissions avoir accès à ce rapport est une bonne chose en soi mais c’est peut-être la seule que représente ce rapport.

Pour avoir analysé ce qu’il propose pour clarifier le rôle du président de la République, on ne peut que rester pantois devant la tournure hyperprésidentielle qui est proposée. Le rapport part du postulat que le régime de la Ve République a évolué chemin faisant vers un régime présidentiel, eh bien maintenant ! allons y complètement !!! Le rapport ne soulève même pas l’hypothèse qu’on pourrait aller vers un régime moins présidentiel. Par exemple, pour que les choses soient plus claires en termes de choix des électeurs, il est proposé que le premier tour des élections législatives corresponde au deuxième tour des élections présidentielles. Il est évident qu’avec une telle proposition, il ne sera même pas possible de prendre le temps du recul et de la réflexion quant au choix des députés. En ce qui les concerne, il ne sera même plus la peine qu’ils fassent campagne, il leur suffira d’être « arrimés » au candidat susceptible de l’emporter pour qu’ils soient sûrs d’être élus. Et leur responsabilité personnelle dans le vote des lois ? Balayée en se cachant derrière le vote en faveur du président. Quant à leur indépendance éventuelle pour le vote des lois, on l’a un peu vu dernièrement où le président Sarkozy aurait dit : « Qu’est-ce qu’ils veulent ces députés ? Ils oublient déjà qu’ils se sont fait élire grâce à moi et sur mon programme ! » Donc la clarification des rôles entre le président de la République et le chef du gouvernement, le Premier ministre, c’est tout le pouvoir au Président et « circulez, il n’y a rien à voir ! »

Heureusement que la commission Balladur prétend avoir une vue équilibrée des choses et propose en contre partie que l’Assemblée nationale obtienne un droit de regard sur la nomination des hauts fonctionnaires. On peut penser qu’avec une Assemblée nationale élue dans les conditions mentionnées plus haut, les choix qui seront faits par les députés ne seront guère différents de ceux qui leur auront été proposés par le président de la République ou gare à toi député de la majorité présidentielle qui aura osé voter différemment de ce qui t’était proposé.

Car enfin, a-t-on vraiment besoin d’aller vers un régime encore plus présidentiel que celui que nous avons actuellement. On a coutume de dire pour justifier la Ve République que la IVe République avait mis en place un régime où les décisions étaient difficiles à prendre et où sévissait une certaine indécision. On ne va pas faire ici un plaidoyer en faveur de la IVe République mais n’allons pas si vite vers un régime hyperprésidentiel où, à la limite, le président élu par le suffrage universel n’aura qu’à désigner les parlementaires comme le font certains présidents d’association qui une fois élus par l’Assemblée générale désignent les membres qui composent le bureau.

Peut-on dire qu’aujourd’hui le gouvernement n’a pas les moyens de décider quand il le veut, assurément non. On a dit qu’il fallait que le président de la République puisse s’exprimer devant la représentation nationale et le candidat Sarkozy a persiflé le système actuel en raillant le ridicule achevé à ses yeux qu’il faille qu’il s’exprime par personne interposée. Dans les propositions de la commission Balladur, le président peut s’exprimer à l’Assemblée nationale, avec débat, mais sans vote. Où engage-t-il sa responsabilité en venant s’exprimer à l’Assemblée nationale ?

Aujourd’hui, les citoyens ont besoin d’espaces de liberté et ont besoin d’avoir l’assurance que toutes les opinions pourront s’exprimer librement. Déjà avec le système actuel, on n’est plus tout à fait sûr de cela quand on voit le « lavage de cerveau » auquel les téléspectateurs sont soumis sur toutes les chaînes, de fait, avec ce que dit ou ce que fait le président de la République, on peut s’interroger sur ce que sera notre PAF - paysage audiovisuel français - si le régime bascule entièrement dans un régime présidentiel et où seule l’opinion du chef de l’Etat aura besoin de compter. D’ores et déjà avec plus de 1 000 collaborateurs directs, le président de la République peut avoir un avis sur tout. Après la mise en œuvre des mesures proposées par la commission Balladur, combien en aura-t-il et sera-t-il encore nécessaire qu’il y ait un gouvernement avec des ministres chargés de suivre tous les aspects de la vie publique ?

Le chemin qui s’annonce dans le futur avec la complexité des situations (tant en politique nationale qu’en matière de politique internationale) nécessitera encore plus de concertations et de responsabilisation des uns et des autres, celle des députés en particulier, pour ne pas faire entièrement dépendre leur élection de celle du président de la République. Il sera justement nécessaire qu’ils gardent le recul suffisant pour avoir leur liberté de conscience pour mieux décider le moment venu et en être comptables devant leurs électeurs : la « caporalisation » des députés telle qu’elle est envisagée n’est pas une bonne chose. On ne peut que regretter la décision malheureuse qu’a prise Lionel Jospin en 2002 de procéder à l’inversion du calendrier électoral et à faire en sorte que l’élection présidentielle précède celle des députés. Car, on l’aura constaté, cela fait deux fois maintenant que les élections législatives ne sont plus qu’une formalité qui découle de l’élection présidentielle venant de se tenir.

Une bonne démocratie nécessite des contre-pouvoirs efficaces pour éviter les abus, malheureusement force est de constater que la commission Balladur, à laquelle participait pourtant une personnalité comme Jack Lang, n’a pas produit une copie qui va dans le sens de la démocratie et du respect des droits des citoyens, à l’exception peut-être du droit d’initiative populaire ou référendum, même si on ne peut que constater le caractère très compliqué de ce qui est proposé où de manière cumulative, 20 % des députés et 10 % des électeurs inscrits sur les listes électorales (plus ou moins 4 millions de personnes dont il faudra vérifier qu’elles sont bien inscrites sur les listes électorales, bonjour le travail de vérification qui sera sans doute confié aux mairies, détentrices des listes électorales....).

Au demeurant, ce ne sont que des propositions. Il revient, bien entendu, déjà, au chef de l’Etat de trancher mais pour ma part, si ces propositions sont soumises à référendum comme une des propositions de la commission Balladur le prévoit, pour toutes les raisons évoquées plus haut je ne pourrai que voter NON à une réforme constitutionnelle entérinant l’hyperprésidentialisation de la Ve République.


Lire l'article complet, et les commentaires