« Les Républicains » : un nouveau parti de droite, vraiment ?
par Boogie_Five
samedi 18 avril 2015
Il reste des énormes différences de taille entre le parti républicain américain et le futur parti "Les Républicains" en France. A commencer par l'héritage historique : aux USA les républicains ont Lincoln ayant aboli l'esclavage, nous on aura pour le moment...Sarkozy qui débat sur le halal. Avec Nixon, ils ont eu le Watergate puis l'impeachment, et en France ce sera "no gate" puis l'immunité présidentielle envers et contre tout. Avec Bush ça a été le 11 septembre, en France ce sera une merguez qui se plante dans un cassoulet...
Bon trêve de bêtises, d'autant que la dernière blague n'est pas respectueuse pour les victimes de Charlie Hebdo. Sarkozy aurait appelé son nouveau parti "les patriotes" ou "les nationaux", le contenu de son programme en serait resté le même : lui au-dessus de la France, tel Naboléon avec ses troupes de travailleurs aguerries, dopées aux heures supplémentaires défiscalisées, prêtes à donner l'assaut au marché mondial. C'est le mouvement perpétuel avec zéro réflexion sociale et culturelle : on ferait bien de délocaliser les panthéons et les tombes des grands écrivains, au cas où ils auraient une attaque post mortem.
Mais j'avais dit que j'arrêterais. Oui, "Les Républicains", c'est ça ! Bon, honnêtement ça va pas changer grand chose, peut-être ça va jouer sur 1 % de l'électorat. Ce qui est intelligent c'est la dénotation un peu martiale, à la romaine avec un côté distinctif, hiérarchique. On cherche parmi vous - "Les" - mais tout le monde en même temps, ceux qui veulent bien s'y reconnaître et se montrer avec distinction parmi nous, la masse indéfinie - "Des" républicains comme tous les autres, ce ne sont pas "Les Républicains", les vrais, les purs, les durs. En fait, contrairement à ce qu'on pourrait croire, c'est très clivant comme nom de parti - c'est un peu : t'es soit avec nous soit contre nous, alors qu'il existe des républicains en dehors du parti issu du RPR...
Justement Rassemblement Pour la République, c'est exactement la même chose, sauf que "Les" remplace "Rassemblement Pour la", donc la différence se trouve dans le pluriel de "Les", et toute l'astuce est là : il y a la République et il y a "Les Républicains", il reste Les possibilités de faire coexister ensemble plusieurs visions de "La République" ; le projet de Sarkozy est alors de faire le "remake" de 2007 où il avait réussi à fusionner le nouvel électorat FN et l'électorat de la droite "dite" républicaine. Depuis 2002, il n'a jamais changé de stratégie et continue de plus belle étant donné le score du FN : libre-échange à fond pour les élites et les intellectuels qui réussissent (au-dessus de 10 000 euros par mois, faut pas déconner quand même !) et politique conservatrice avec des accents réacs sur le coeur de base de l'électorat de droite : beaucoup d'immigration, ok, mais pour les petits cadres on vous laisse "le privilège de l'enraciné depuis des siècles" face aux nouveaux arrivants, en mangeant une bonne côte de porc tranquillement sans être emmerdés par tous ces bic... Excusez-moi, j'allais me lâcher.
Effectivement, depuis les années 1970, la droite refait toujours la même stratégie, en accusant du reste la gauche de le faire implicitement pendant qu'elle-même le fait explicitement - mystère de la politique française... Toujours la même rengaine de la droite qui promet de résoudre les problèmes d'immigration et de sécurité en apportant de plus en plus d'eau au moulin, en se déchargeant du social et des conséquences politiques négatives sur la gauche, qui encaisse et n'a rien dit pendant un bon moment. Les années fric, les années 80, les émeutes, les premiers attentats terroristes, la première intifada, tout cela a marqué les esprits.
Reste à savoir si la droite française a été et sera un acteur de premier plan tout au long de ces années de libéralisation pendant laquelle la confusion s'est étendue à tout le pays. Il est fort probable que la droite "dure" n'a été qu'une forme d'opportunisme qui prenait dans la société les éléments dont elle avait besoin pour continuer, mais sans chercher à changer quoi que ce soit à la situation générale du pays. C'est le chaos et c'est ainsi, il ne sert à rien d'espérer, il faut se protéger et pourquoi pas acheter un antivol et des couteaux. Mais aujourd'hui le mensonge risque de remonter à la surface : comment peut-on prétendre changer la situation lorsqu'en réalité on a toujours laissé faire, malgré les quelques confettis lancés aux réactionnaires les plus enragés ?
La gauche a sûrement laissé faire elle aussi, mais au moins, elle a rarement prétendu, depuis les années 1970, qu'elle allait régler ces problèmes d'un claquement de doigt, elle a eu au moins cette modestie. Trop peut-être, et c'est certainement pour cela qu'elle se trouve dans cette situtation aujourd'hui. Paradoxalement, alors qu'elle dispose davantage de l'appareil conceptuel pour gérer des problèmes auxquels la droite avait parfois des réponses velléitaires et simplistes, la gauche, qui a longtemps jalousé le pouvoir économique de la droite, s'est fourvoyé dans la course à l'argent et c'est bien ça qui l'a tuée avant tout, et non les problèmes de sécurité et d'immigration...
Excusez-moi d'avoir été long, mais quand Sarko revient, il fallait bien que je vide mon sac. C'est bon, je suis débarrassé maintenant, j'ai fait le plein pour aller jusqu'en 2022, sans m'arrêter et me poser dans ce grand cirque.