Les socialistes recentrent Royal
par LM
mercredi 13 juin 2007
Cette fois-ci, l’option Bayrou n’aura pas suffi à madame Royal pour sauver les meubles : le centriste a rejeté l’invitation et le bureau national du PS a rappelé à la reine du Poitou qu’elle n’était pas calife à la place de son compagnon. Le 17 juin s’annonce mal pour l’ex-égérie rose.
Elle aura quand même essayé, encore une fois. Comme après le premier tour des présidentielles, Ségolène Royal, en manque de solution, sans sens tactique, et privée d’équipe digne de ce nom à ses côtés, a tenté, juste après la piquette de dimanche dernier, de joindre à nouveau son amant orange, François Bayrou, pour lui réclamer une alliance, un ralliement, ou au moins une consigne de vote. Ségolène est allée siffler là-haut sur la colline, avec son bouquet d’églantines (ou de roses ?), elle a attendu, attendu, mais il n’est jamais venu, laï laï laï laï... Comme entre les deux tours de la présidentielle, le bel amant orange aux grandes oreilles n’a pas daigné se déplacer si haut, ou si bas, pour se pacser avec l’audace faite femme socialiste, qui, il y a quelques mois encore, demandait aux électeurs français de se montrer intelligents, en l’élisant à l’Elysée. A croire qu’ils sont un peu bêtes, ces électeurs.
Marie Ségolène a rejoué une nouvelle fois l’"ensemble c’est tout" avec le centre. Mais le centre courtisé cette fois-ci pèse autant qu’un Suisse face à Nadal : François Bayrou, naguère capitaine d’un grand vaisseau à faire rougir bien des océans, se retrouve aujourd’hui à la tête d’une flottille famélique, juste de quoi ne pas se sentir seul, mais guère plus. Avec au mieux deux ou trois députés dimanche prochain, l’ancien troisième homme du Béarn n’a plus trop le moral ni l’envie d’y croire encore. Certes, il assure que ses (ou son) député(s), même isolé(s), se battront « comme des lions » pour faire prévaloir leurs idées, mais deux lions au milieu de 400 hyènes préfèrent en règle général aller se reposer à l’ombre d’un arbre en attendant que ça passe. Bayrou n’a pas répondu favorablement au message de Royal. Il n’a même pas daigné la recevoir. Elle, comme lui, sont dans le camp aujourd’hui des battus, elle, comme lui, font partie des anciennes révélations qui n’auront pas réussi à confirmer. Mais si Bayrou accepte assez dignement son statut d’has been, ou plutôt d’has not been, Ségolène, elle, s’imagine encore leader.
Leader, mais de quoi ? De la gauche, évidemment, ou ce qu’il en reste. Des socialistes, surtout. Elle le dit, elle l’affirme, elle est la plus à même (17 millions de voix) à conduire les socialistes vers la modernité. Elle est la plus à même à comprendre dans quel sens et de quelle façon le PS doit se reconstruire. Le problème, c’est que madame Royal, sur ce point-là comme sur la nécessité de s’allier au Centre, n’est d’accord qu’avec elle-même. Personne d’autre. Ni François Hollande, qui, s’il reconnaît à sa compagne le droit de « téléphoner », parlant même de « démocratie téléphonique », ajoute dans la foulée que lui n’entend pas appeler quiconque, ni Pierre Mauroy,qui,, hier soir, a rappelé que « les stratégies d’alliance du parti relevaient des instances du parti et du premier secrétaire et de personne d’autre », fermez les guillemets. Le Bureau national du PS « à l’unanimité » a approuvé cette mise au point. Autrement dit : Ségolène, t’es pas la chef, c’est pas toi qui décide, t’es gentille de ne pas utiliser le téléphone du parti pour tes coups de fil personnels. Sans mauvais esprit, on pourrait voir là le début de la fin de l’impunité présidentielle dont bénéficiait Royal jusque-là. Fini les 47%, fini Charléty, fini la démocratie participative, et fini surtout les approximations, les errements, les décisions prises à l’emporte -ièce, à pile ou fa(r)ce. Fini de jouer. Dans quelques jours, le PS demandera sans doute à miss Ségolène de rendre son tablier de reine des gauches. Le cirque Royal devra replier son chapiteau.
On peut pourtant parier que l’intéressée aura du mal à admettre de rentrer dans le rang. Elle hurlera sans doute à la division, aux querelles de parti, aux aigreurs de quelques -ns qui auraient du mal à la voir contrôler le PS dans quelques mois. On peut parier que Ségolène fera comme si de rien n’était. Sur France 2, lundi soir, elle a imité Bayrou devant Chazal, en tançant ce pauvre Pujadas pour un reportage anodin dans lequel elle avait cru voir une manipulation de l’information. Il y avait là, dans ces quelques minutes sans bravoure la Royal professorale, autoritaire et sentencieuse qui désormais ne convainc plus personne, déroule dans le vide d’effarantes platitudes et se raccroche à des branches déjà copieusement sciées. Rien à voir avec ce dont la gauche a besoin pour remonter la pente et redevenir une puissance politique de premier ordre, ce qui arrivera, de toute façon, par simple mouvement de balancier. La droite est aujourd’hui triomphante, mais la gauche se fera de nouveau entendre, bientôt. Avant, sans doute, la fonte des glaciers.
D’ici là, Pierre Mauroy (et Michel Rocard dans la foulée) jusqu’à présent protecteur admirateur fan grand-père de Ségolène, a décidé de siffler la fin de la récréation. Lui non plus n’y croit plus, en a soupé des élucubrations du principal défaut de François Hollande. Du haut de sa grande expérience, l’ancien Premier ministre de François Mitterrand a compris (un peu tard ?) que les socialistes, ouverts ou non, méritent mieux qu’une femme-symbôle.