Les trains trop larges : la faute de l’Europe ?

par Laurent Herblay
jeudi 22 mai 2014

C’est une des nouvelles qui a dominé l’actualité d’hier : l’annonce que la SNCF a commandé des trains trop larges pour les voies, ce qui va imposer pour 50 millions de travaux pour raboter les quais. Certains demandent la tête du patron de la SNCF. Et si les coupables étaient ailleurs ?

Et Ubu sépara RFF de la SNCF
 
Bien évidemment, l’affaire semble totalement ubuesque. Néanmoins, il convient aussi de la remettre à sa juste place. RFF consacre des milliards chaque année à la rénovation du réseau, ce qui signifie que l’addition évoquée représentera environ 1% de son budget annuel. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas un drame non plus. Ensuite, il faut bien voir que ce n’est pas la première fois que des équipements doivent être ajustés à un appareil plus grand, comme cela a été le cas avec l’A380 d’Airbus, qui a imposé de gros travaux aux aéroports qui l’accueillent. Néanmoins, dans ce cas, il faut quand même noter que tout avait en général était anticipé, ce qui n’a pas été le cas ici.
 
Mais une partie non négligeable de la responsabilité de ce problème vient aussi de la coupure de la SNCF en deux entités, avec la création de RFF, qui gère le réseau, alors qu’auparavant, la SNCF gérait à la fois le réseau et les trains. Personne n’ayant évoqué de cas similaire sur la période antérieure, on peut croire que l’ensemble des contraintes est mieux pris en compte et anticipé quand une même entreprise gère à la fois le réseau et l’exploitation. Or, ce sont les règles européennes qui demandent de séparer les deux, de manière à favoriser l’arrivée d’acteurs privés dans l’exploitation. C’est le shéma qui est à l’œuvre pour l’électricité, avec RTE, séparé d’EDF. L’UE est donc responsable.
 
Le PS et l’UMP sont responsables

Du coup, les déclarations des socialistes (le ministre des transports jugeant l’affaire « rocambolesque », Ségolène Royal la trouvant « consternante » et Valérie Rabault demandant carrément la démission de Guillaume Pépy) sont malhonnêtes. Le Parti Socialiste, quand Lionel Jospin était premier ministre, a accepté la libéralisation et la coupure en deux de la SNCF, qui explique sans doute en grande partie le couac des trains trop larges pour les gares et le retard dans l’élargissement des quais. Il est fort probable qu’une SNCF unifiée, si elle avait commandé les mêmes trains, aurait bouclé les travaux en amont pour permettre une exploitation sereine des nouvelles rames, plus confortables.

Mais l’UMP n’est pas mieux placée pour critiquer ce problème car l’ancienne majorité a également soutenu le projet de découpage de la SNCF et donc porte une part de responsabilité dans ce fiasco. Plus globalement, cela montre l’intérêt du service public traditionnel et que la libéralisation n’est pas forcément porteuse de progrès, mais aussi de disfonctionnements. Il est bien évident que le découpage du service public selon les normes bruxelloises démultiplie les possibilités de disfonctionnement, comme le montre cette triste affaire. Malheureusement, elle est appliquée dans d’autres domaines, notamment l’énergie. La question est de savoir quels seront les trains trop larges de ce secteur…
 
Bien sûr, il y a eu un disfonctionnement dans le fonctionnement de la SNCF et de RFF, mais s’il y a eu problème, c’est aussi parce qu’il y a désormais deux entités au lieu d’une, et de cela, la responsabilité vient de l’Union Européenne, qui demande cette séparation, et du PS et de l’UMP, qui l’ont accepté.

Lire l'article complet, et les commentaires