Les travaillistes passent de Macron à Mélenchon
par Laurent Herblay
samedi 26 septembre 2015
Certes, cela ne s’est pas fait d’un seul coup. Après Tony Blair, il y avait eu Gordon Brown, puis Ed Milliband, qui marquaient déjà une inflexion à gauche progressive après le théoricien de la gauche de droite. Mais il y a quinze jours, les adhérents du Labour ont choisi la rupture, avec Jeremy Corbyn.
Cette rupture venue de la gauche
Le résultat de l’élection du leader du parti travailliste a été une véritable surprise. Après la victoire de David Cameron et la défaite d’Ed Milliband, beaucoup pariaient sur un candidat centriste, un retour de flamme des années Blair, où le parti travailliste avait dominé la vie politique britannique, pour affronter des conservateurs qui semblent en partie suivre ce même chemin. Certains attribuaient justement la défaite au positionnement trop à gauche d’Ed Milliband, qui avait battu de peu son très centriste de frère lors de la précédente primaire. Au printemps, la candidature de Jeremy Corbyn, parlementaire depuis trente ans, à la gauche de la gauche du parti travailliste, semblait une anecdote de cette élection. Mais finalement, il a écrasé les autres candidats en réunissant 59% des voix des votants dès le premier tour !
Pourtant, Jeremy Corbyn est l’anti-thèse complète de Tony Blair, « le plus dur des gauchistes les plus durs » pour The Economist. Il propose des nationalisations, une augmentation des dépenses publiques financée par la banque centrale, un « assouplissement quantitatif pour le peuple », un contrôle des loyers, la gratuité des universités. Pour la bible des élites globalisées, il serait coupable d’une admiration coupable pour Hugo Chavez, Vladimir Poutine, Syriza ou le Hamas et serait carrément « anti-américain, anti-Israël, anti-OTAN et même anti-Union Européenne, ‘une conspiration du marché dérégulé’ ». Au final, c’est un peu comme si Jean-Luc Mélenchon revenait au Parti Socialiste et en prenait le contrôle en rassemblant près de 60% des suffrages des adhérents dès le premier tour de la primaire !
Que penser d’un tel choix ?
Il peut paraître paradoxal que les adhérents du parti travailliste choisissent un leader qui semble si éloigné du centre de la vie politique britannique, au point que The Economist le voit fondamentalement inéligible. Mais on peut donc y voir un message d’espoir, un signe que le peuple n’adhère pas à la doxa globalisée et néolibérale qui domine les vies politiques de nos partis. D’ailleurs, c’est ce que les Grecs avaient exprimé en élisant Syriza, avant qu’Alexis Tsipras sacrifie ses promesses sur l’autel du dieu euro. Bref, il n’y a pas que le chemin de la gauche dite de gouvernement en France, en Italie ou en Allemagne, qui, dans ces deux pays, trouve même le moyen de gouverner avec la droite.
Cette élection révèle une nouvelle fois le caractère profondément intolérant, pour ne pas dire totalitaire, des néolibéraux comme The Economist, qui se contente de qualifier le nouvel élu de passéiste et refuse tout véritable débat. Faut-il y voir un bon signe, y compris sur la question européenne ?