Les trois chances de François Hollande

par Fergus
jeudi 24 novembre 2011

Il a déjà bénéficié de deux d’entre elles, il reste la troisième. François réussira-t-il là où Ségolène a échoué ? Allez savoir...

 

La première chance de François Hollande date de mai 2011. Chacun garde en mémoire les images d’un homme hirsute et abattu, comparaissant tel un minable délinquant devant un juge de New York. Quelques heures plus tôt, Dominique Strauss-Kahn était encore le puissant patron du FMI et le favori de la présidentielle de 2012, l’homme dont tous les sondages indiquaient qu’il deviendrait le 7e président de la 5e puissance mondiale.

 

Encore fallait-il, pour ce Français de Washington tout auréolé de son expertise financière, franchir l’obstacle de la « primaire citoyenne ». Et cette étape, nettement plus triviale pour un phénix planétaire au regard déjà tourné vers l’Élysée, s’annonçait paradoxalement plus difficile que de terrasser Nicolas Sarkozy. Au vu du très large électorat qui s’est déplacé pour aller voter lors de cette primaire inédite, et compte tenu du jeu des alliances au sein du Parti Socialiste, nul doute que le challenge eût été redoutable pour un François Hollande opposé à Dominique Strauss-Kahn. Et les chances de l’emporter bien minces pour l’élu corrézien face à un homme dont la voie semblait d’ores et déjà tracée.

 

C’était compter sans les pulsions de DSK : oublieux durant quelques fatales minutes du prestigieux destin qui lui semblait promis, l’érotomane compulsif dont le portrait s’est dessiné depuis tout au long d’un feuilleton à rebondissements, s’est plus sûrement sabordé qu’un marin dément précipitant son navire sur les récifs. Dominique Strauss-Kahn coulé, l’horizon s’est soudain dégagé pour François Hollande, vainqueur de la primaire citoyenne face à une Martine Aubry enfermée par le « pacte de Marrakech » dans un statut de doublure de Strauss-Kahn.

 

La deuxième chance de François Hollande est paradoxale mais pourtant bien réelle. Elle réside dans l’imbroglio de la négociation PS-EELV en vue de trouver un accord législatif pour 2012. Il en est résulté un texte plutôt équilibré qui acte notamment le nombre de circonscriptions promises aux écologistes et la fermeté du candidat socialiste sur la réduction du parc nucléaire français, la construction de l’EPR et la production de « mox ». Tout cela au prix d’une tragi-comédie pleine d’éclats de voix, de portes qui claquent et de déclarations tonitruantes, comme le veut cette tradition du boulevard si prisée du personnel politique français. Naturellement, la droite ne s’est pas privée d’exploiter ces bisbilles, et c’est à grand renfort de déclarations outrées, toutes marquées du sceau habituel des éléments de langage de la propagande élyséenne, qu’elle s’est répandue dans les médias en surjouant l’indignation.

 

Comme on pouvait s’y attendre, ces cafouillages surmédiatisés, alliés à une communication élyséenne aussi mensongère qu’éhontée à la sortie du G20, se sont traduits, après l’euphorie engendrée par la primaire citoyenne, par un tassement significatif de François Hollande dans les intentions de vote. Un tassement pourtant normal et prévisible tant les niveaux atteints par le candidat du PS étaient en décalage avec la réalité sociopolitique du pays.

 

Bien que relatif (Hollande l’emporte toujours de manière très nette sur Sarkozy au 2e tour), ce recadrage a évidemment donné du grain à moudre à une majorité en déshérence qui s’est prise à croire qu’en dépit de son bilan calamiteux, une réélection de son champion restait possible en 2012. D’où les coups portés par les porte-flingues de l’UMP en direction de François Hollande. Or, c’est précisément dans ces difficultés que réside cette deuxième chance du candidat socialiste : trop haut trop longtemps dans les sondages, il eût risqué de baisser sa garde au moment d’aborder la bataille décisive ; de même, l’incertitude d’une négociation à venir avec EELV eût-elle fait peser, dans le contexte nucléaire actuel, une menace sur la cohésion de la gauche à un moment clairement inopportun.

 

L’accord avec EELV étant signé, et le candidat du PS étant par ailleurs ramené à des projections électorales plus en rapport avec le paysage politique français, François Hollande voit désormais sa campagne se dessiner sur des bases assainies. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il s’agira d’une promenade de santé, bien au contraire. Mais comme l’a écrit Saint-Exupéry : « L’homme se découvre lorsqu’il se mesure à la difficulté ». Souhaitons pour la gauche que Hollande ne se découvre pas seulement lui-même, mais qu’il fasse découvrir à la nation qu’il a, comme tout porte à le croire en dépit d’une apparence débonnaire, le tempérament d’un battant et, au delà, d’un vainqueur. Soyons sûrs qu’il s’y prépare. Qui plus est, il y est aidé par Jean-Luc Mélenchon avec son « capitaine de pédalo », et par Eva Joly avec son « bois dont on fait les marionnettes » : en se livrant à des attaques outrancières contre le candidat socialiste, ces deux là, et surtout la candidate d’EELV, viennent lui prêter main forte en se coupant d’une partie importante de leurs électeurs potentiels dont la priorité est pourtant connue sans la moindre ambiguïté : battre Sarkozy, et par conséquent ne rien faire qui soit de nature à hypothéquer une victoire de la gauche en 2012.

 

Précisément, la troisième chance de François Hollande se nomme... Nicolas Sarkozy. Eu égard à son comportement consternant, à ses innombrables mensonges, et à la désastreuse politique antisociale qu’il a menée depuis son accession à la présidence, le sortant continue de cristalliser le rejet d’une large majorité de Français. Même dans son propre camp, des pans entiers de l’électorat UMP de 2007 font durablement défaut, notamment chez les personnes âgées, les catholiques modérés et les héritiers du gaullisme social. Nicolas Sarkozy devra donc tenter de reconquérir les électeurs qui lui ont tourné le dos, soit pour se repositionner au centre, voire en soutien de François Hollande, soit pour se rallier à la crinière blonde de Marine Le Pen. Un défi qui risque d’être particulièrement ardu : brosser les frontistes dans le sens du poil par des mesures radicales, c’est évidemment se couper du centre-droit : quant à donner des gages trop visibles aux centristes, c’est à coup sûr interdire tout retour des néo-frontistes dans le giron de l’UMP.

 

Il va de soi que rien n’est joué, et de nombreux évènements sociaux ou économiques peuvent encore influer sur le cours d’une campagne qui n’a pas encore réellement démarré. Mais François Hollande dispose d’un solide capital. Á lui de ne pas gaspiller ses chances par des initiatives intempestives ou des fautes rédhibitoires. Mais comme dit le proverbe avec sagesse : « Chat échaudé craint l’eau froide ! ». Gageons que la séquence qu’il vient de vivre permettra au candidat socialiste de resserrer les boulons dans sa propre équipe et de procéder aux indispensables réglages que nécessite une machine de guerre. Car c’est bien de cela qu’il s’agira : une guerre sans cadavre, certes, mais une guerre quand même. La preuve : les snipers de l’UMP sont déjà prêts !

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