Lettre à Henri Proglio

par PELLEN
vendredi 7 octobre 2011

L'importance socio économique de l'enjeu nucléaire, pour notre pays, ne peut tolérer plus longtemps qu'EDF et Areva, acteurs nationaux majeurs de l'énergie, se tiennent à l'écart du volet pédagogique de la campagne électorale.

Lettre à monsieur Henri Proglio, Président Directeur Général d’EDF,

22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris

 

Monsieur le Président,

 

Il ne vous a probablement pas échappé que les élections présidentielles de 2012 font planer une grande menace sur la production électronucléaire française. À en juger par vos récentes prises de positions, il semble inutile de vous convaincre que, dans les contextes économique et géopolitique actuels, l’abandon de tout ou partie de cette production porterait non seulement un coup très dur à la santé économique du pays, à ses finances publiques et au confort de ses habitants, mais mettrait gravement en péril les équilibres sociaux, financiers et stratégiques de l’entreprise EDF ; sans parler des désastreuses conséquences environnementales qu’entraînerait la substitution d’une production électro fossile – essentiellement charbon – à une production électronucléaire.

Vous êtes le chef d’une entreprise nationale et, à ce titre, tenus à une certaine subordination vis-à-vis de votre tutelle. Mais cette subordination consiste davantage en une obligation de résultats, découlant du caractère sélectif de votre nomination, qu’en l’application servile d’instructions politiques, versatiles par essence. En 1946, le législateur n’a pas assigné à EDF la banale mission de produire et de commercialiser sans état d’âme n’importe quelle électricité, mais bien la mission stratégique de fournir au pays un système électrique pérenne, économiquement et techniquement optimisé, par delà l’instabilité des gouvernements successifs de la France. Ainsi, la responsabilité de votre mandat et la valeur ajoutée que les Français sont en droit d’en attendre se situent-ils principalement au niveau de l’optimisation des intérêts supérieurs de la Nation, confondus avec ceux de l’entreprise EDF.

En conséquence, si vous estimez que les argumentaires fallacieux de certaines professions de foi mettent l’un et/ou l’autre en péril, votre devoir de serviteur de l’État est de les décrédibiliser publiquement à vos concitoyens et à votre gouvernement, sans craindre la trop facile accusation d’immixtion dans la campagne électorale. Rétablir, chaque fois que nécessaire, la vérité scientifique, technique, économique, voire écologique ne relève pas du subjectif ni n’attente aux convictions de chacun sur la souhaitable condition statutaire de l’entreprise, par exemple.

Il est donc du plus haut intérêt collectif que les cadres habilités de la nation française ne laissent pas médiatiquement dire n’importe quoi sur un enjeu socio économique aussi vital, pour elle, que celui de l’énergie – fût-ce par les candidats eux-mêmes –, sans corriger toute fausse allégation par des communiqués officiels.

Avec les autres signataires d’un courrier qui devrait vous parvenir en un grand nombre d’exemplaires, je vous exhorte, monsieur le Président, à prendre les responsabilités citoyennes prescrites par votre fonction, en plaçant notamment le service communication d’EDF et celui de RTE au service d’une pédagogie de l’énergie, dont le corps électoral n’a jamais eu autant besoin. Découvrant que l’énergie est désormais une composante déterminante de son bien être, ce dernier prend conscience que, de toute son Histoire, pareille pédagogie de circonstance ne lui a jamais été aussi nécessaire. C’est pourquoi il apparaît profondément pervers aux millions d’électeurs, faisant de la question nucléaire un critère de sélection décisif, de se découvrir otage du clivage partisan, manichéen, qui caricature depuis trop longtemps la vie politique française. Semblable obligation de vote par défaut les irritent d’autant plus que, parmi les forces politiques en présence, une formation ultra minoritaire joue, dans cette élection, un rôle tactique disproportionné à sa taille, exploitant sans vergogne le plus méprisable des clientélismes. En matière d’énergie, sa pratique inique du chantage à l’alliance a déjà coûté très cher à la France.

Au demeurant, il n’y aurait pas vraiment de quoi s’inquiéter de la combine si le maître chanteur était notoirement à la hauteur des responsabilités convoitées. Hélas, le potentiel culturel de ses cadres les plus en vue, largement occupé par l’idéologie et par la rhétorique creuse et abondante d’un militantisme désuet, témoigne d’une indigence proprement consternante dans les deux registres cruciaux, sur lesquels va se jouer l’élection : énergie et économie. Aussi, pourrait-il en cuire douloureusement à notre pays d’avoir accordé une confiance même indirecte à des thèses dont l’Allemagne ne va pas tarder à démontrer qu’elles sont largement illusoires.

Dans son dernier ouvrage, François de Closets engage solennellement les Français à se mettre « en congé d’élection », dans le but de laisser les candidats perplexes sur les aspirations réelles de leurs concitoyens, jusqu’au jour du scrutin. Ce qui vous est demandé ici, monsieur le Président, c’est ni plus ni moins que de favoriser une initiative civique, analogue : celle de rendre crédible la solennelle mise en garde sondagière suivante, aux mêmes candidats : Attention, mesdames et messieurs, la ligne de partage des eaux électorales pourraient très bien ne plus se superposer, et de loin, à celle de la séparation « droite-gauche », sur laquelle vous comptez  !

Dites vous bien, monsieur le Président, que la Nation française pourrait, plus tôt qu’on ne le croit, savoir infiniment gré à la direction d’EDF d’avoir éventuellement rendu possible l’émergence d’une certaine ligne nucléaire de partage des suffrages ayant salutairement bouleversé la donne électorale de 2012.

L’auteur de ces lignes est un ingénieur d’EDF, en retraite, qui s’honore d’avoir modestement contribué à l’éclatante réussite de la mise en exploitation d’un parc électronucléaire dont nombre de pays envient à la France le comportement exemplaire. Cet ingénieur ne se résout pas au procès caricatural qu’une propagande ne reculant devant aucun mensonge instruit contre un fleuron de notre industrie dont nos compatriotes pourraient, demain, regretter amèrement le sabordage. Parce que ladite propagande associe dans un même mépris les promoteurs de ce fleuron, ses concepteurs et le personnel qui l’exploite, l’ingénieur ne se résignera jamais à sa possible disparition partielle ou totale, sans combattre. C’est précisément ce qu’il fait ici en engageant le plus grand nombre possible de ses concitoyens à joindre leurs signatures à la sienne par envois séparés. Par la présente, il les engage aussi à demander instamment à monsieur Proglio d’inciter son collègue Luc Oursel à engager activement Areva dans l’opération pédagogique d’intérêt public, sollicitée d’EDF.

 

Ces cosignataires ne manquent pas d’assurer l’un et l’autre de leur haute considération.

 

André Pellen, ex ingénieur d’EDF et Président du CCRR Toulon ;

755 chemin des Folies, Quartier Cabaudran, 83330 LE BEAUSSET

 

Le 7 septembre 2011 


Lire l'article complet, et les commentaires