Lettre à mon député

par TRUC
mardi 18 février 2020

Madame la Députée,

 

DE LA REFORME DES RETRAITES 

“L’indispensable dialogue”

 

Suite à la réception de votre lettre intitulée “Retraites, l’indispensable dialogue”, je me permets d’user de ce qu’il reste encore de mon droit d’expression libre de citoyen pour vous répondre au sujet des retraites. Droit d’autant plus d’actualité après l’enfumage et le fiasco des Cahiers de Doléances, ces derniers croupissants maintenant au fond des archives municipales ou départementales, relégués aux oubliettes de l’Histoire.

La première question qui me vient à l’esprit est la suivante : comment avez-vous pu élus(e) de tous bords laisser faire cela ?

 

Le Conseil National de la Résistance avait mis en place, à la fin de la 2e Guerre Mondiale, un système de retraite par répartition qui garantissait depuis plus de 70 ans un financement en partie indépendant des politiques, des technocrates et surtout de la main-mise totale du secteur privé (banques, assurances et fonds d’investissement). Système qui malgré quelques imperfections, des corrections apportées ou des ajustements nécessaires, fonctionnait sans que personne ni trouve grand chose à redire et qui s’était adapté à tous les changements de société au fil des décennies (démographie, vieillissement de la population, évolution des technologies, parts des “actifs” et des “inactifs”, etc, etc.). Je ne dirais pas que le système actuel était parfait, mais le bien fondé d’une réforme doit servir à corriger certaines imperfections ou injustices, pas de le détruire. Remplacer le financement par participation par un financement par capitalisation et épargne (retraite à points) revient tout bonnement à offrir sur un plateau d’argent (sans jeu de mots) l’épargne et les retraites de millions de gens à des fonds d’investissement privés. Ce point crucial du changement de système de financement vient bien avant toutes autres discussions en partie stériles, toute désinformations gouvernementales ou médiatiques, et toute gesticulations syndicales sur l’âge pivot ou le prétendu déficit nécessitant des changements radicaux.

 

On ne parle plus que de l’âge pivot. mais quel avantage pour les gens d’une retraite à taux plein plus tôt ou plus tard si celle-ci est inférieure à ce qu’ils auraient perçu avant la réforme même avec une décote ? Maintenant de l’âge pivot jusqu’au tombeau, les gens risquent d’être défavorisés ou d’être obligés de continuer à travailler (comme aux Etats-Unis). C’est ce que semble souhaiter le gouvernement. 42 ans à “gagner sa vie” ou le “droit de vivre” ne semblent pas suffire à pouvoir profiter d’un repos mérité ou d’une fin de vie décente.

 

L’ancien système était déficitaire ? De combien ? De 12 milliards ? Sur un budget global d’environ 320 milliards ? Qu’est-ce que cela représente par rapport à la dette des hôpitaux, à celle de la SNCF, du scandale du CICE, de l’évasion fiscale, de notre contribution à l’UE, du train de vie de certains élus, aux gaspillages d’Etat ou aux privatisations ? Lionel Jospin n’avait-il pas constitué un fond de réserve en son temps ? N’y-avait-il pas déjà eu des modifications antérieures pour pérenniser ce système avant que vous décidiez non pas d’y toucher, mais de le détruire ?

 

Quant aux régimes spéciaux, ils étaient au nombre d’une centaine en 1950. Il n’en subsiste plus que 42 aujourd’hui. Tous les spécialistes s’accordent à penser qu’au cours de l’histoire et de l’évolution de la société et de la transformation de l’industrie, ils sont appelés à disparaître. De plus les salariés concernés ne représentent qu’environ 16 % des salariés sur environ 18 millions. Autrement dit, attaquer et justifier une réforme qui concerne tout le monde par le biais de la soi-disant injustice des régimes spéciaux, dont je ne fais pas partie, cela n’était pas honnête et défendable.

 

Ces acquis sociaux du CNR, dont tout le monde bénéficiait, ont été obtenus pour certains par nos aïeux, dont peut-être les vôtres, par leur participation à la libération du pays, et pour d’autres par des combats sociaux qui ont émaillé notre histoire commune. Pourquoi faudrait-il qu’une nouvelle génération balaye d’un revers de la main un héritage ancestral et une culture historique dont manifestement elle se moque ou qu’elle ignore ? Au nom de quelle politique et sur quelles injonctions ? L’Europe et ses GOPE dont vous ne pouvez ignorer ni l’existence, ni leur contenu ? Pour permettre à des fonds d’investissements privés de faire main-basse sur une partie de l’épargne des français (l’un des plus importants d’Europe, français à qui l’on reproche sans leur dire qu’ils épargnent de trop et n’investissent pas assez) ?. C’est une honte sociale que d’assister sans pouvoir rien faire, ou si peu, mesure après mesure, réforme après réforme, décret après décret, à la destruction de cet Etat, de son héritage, de son histoire, de sa culture, et de ses structures au profit de privés. Car enfin la retraite à point c’est de confier la possibilité au pouvoir privé, sans que personne ne puisse intervenir (et surtout pas les principaux concernés) sur la valeur du point (cf Suède : 3 dévaluations du point). Vouloir faire croire aux gens que la valeur du point sera garantie, non fluctuante, et non révisable (à la hausse comme à la baisse) en fonction de différents facteurs (démographie, limite budgétaire, seuil du PIB, évolution de société ou garantie législative), est un mensonge éhonté, et vous le savez. Aucune loi, norme ou promesse ne peut être exemptée d’être amendée, modifier ou même supprimée. Le tout enveloppé de simulateurs approximatifs, d’affaires style Delevoye, de flous sur les impacts futurs, etc, etc.

 

Sachez, Madame, que la privatisation est un vol du bien public, une destitution de la protection sociale et de ses acquis au détriment du peuple que vous, élus, êtes censés défendre, protéger et sécuriser. Vous voulez à tout prix adapter la société à l’économie, la soumettre à la finance et la privatiser, ce qui sera préjudiciable pour le plus grand nombre. Avec la privatisation, la punition est double pour le contribuable : une fois dans ses impôts et une fois dans le paiement du service. Pour les retraites ce sera une fois en cotisant et une fois en épargnant. Une existence ne se résume pas à : “combien je coûte, combien je vaux, combien je rapporte”. Il faut savoir que l’on ne peut pas supprimer une mesure ou un acquis social aussi facilement que vous le croyez : on doit les racheter. C’est une loi en politique, et d’autres avant vous en ont fait les frais.

 

Vous participez à un pouvoir, mélange d’imposture et d’antidémocratie, entré par effraction dans l’Histoire, qui viole les Droits de l’Homme, qui bafoue la Constitution, qui méprise son peuple, qui ignore ses revendications, qui falsifie l’Histoire, qui censure les médias, qui enfreint les lois, le tout mené par un personnage ressemblant de plus en plus à un personnage de roman de Stephen King, entouré de membres dont beaucoup ont un passé plus que sulfureux. Un pouvoir qui passe son temps à faire gagner de l’argent à ceux qui n’en plus besoin (tant mieux pour eux), et à paupériser ceux qui en ont le plus besoin (tant pis pour eux, “ils ne sont rien”). C’est en tout cela que ce gouvernement ne mérite ni respect, ni considération, ni légitimité. Un pouvoir qui d’après les dires d’une député fort courageuse est “une association de malfaiteurs” doublées de collusions trop nombreuses pour être ignorées (nombre de départs ou de démissions records). Sans parler des confusions, de l’amateurisme, de l’inexpérience et de réformes bâclées (cf Conseil d’Etat sur la réforme en question). Exit le dialogue, place au LBD. Plus un pays s’enfonce dans la crise (politique ou sociale) plus les libertés individuelles se réduisent à néant.

 

Tout ceci se résume à un affront à l’Histoire, une négation des acquis les plus fondamentaux auquel les gens sont légitimement en droit d’obtenir et de conserver pour leurs enfants et les générations qui vont suivre. En détruisant le passé social de la France, vous ôtez tout espoir d’une fin de vie meilleure pour les futurs retraités et toute foi en l’avenir pour les plus jeunes. Je ne puis hélas qu’assister impuissant à la lente déliquescence de mon pays par un Capitalisme toujours plus prédateur, avec la complicité de gens soi-disant “élus démocratiquement” soutenus par le pouvoir financier et médiatique, dont ils sont les serviteurs. 

 

Mais, pour finir, je pense qu’en politique tout système finit par se retourner contre ceux qui le soutiennent. Cela ne sera que justice. A quand la dissolution de l’Assemblée ? Quid de votre ré-élection ? Un jour j’espère, que tous ces gens seront redevables face à l’Histoire comme d’autres l’ont été avant eux. Quant à moi je vais m’abstenir de voter pour ne plus participer à l’ascension de gens qui nous mentent, qui nous trahissent, qui nous paupérisent et nous volent.

 

Veuillez agréer, Madame la Député, l’expression de mes sentiments et opinions sincères et distingués.

 

Lionel TRUC


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