Lettre à quelques militants de l’UMP

par Michel DROUET
mardi 8 mai 2012

Comme vous j’ai suivi avec attention les résultats de l’élection présidentielle. Comme vous et à l’instar de nombreux français, j’ai manifesté mes sentiments, même s’ils n’étaient pas identiques aux vôtres.

Pour tout vous dire, j’ai voté à gauche comme je l’ai toujours fait, par conviction, par fidélité aux valeurs familiales qui m’ont été transmises et aussi parce que mon parcours, ma vie professionnelle et mon engagement citoyen ont conforté cette conviction tout au long de ma vie.

Toujours, j’ai été respectueux du verdict des urnes, même s’il ne me convenait pas, et, étant de gauche, j’ai eu beaucoup plus d’occasion que vous d’être abattu étant entendu que la droite républicaine aura été beaucoup plus longtemps au pouvoir que la gauche ces quarante dernières années.

Oui, j’ai été abattu bien souvent et si j’ai retenu mes larmes, préférant l’analyse à l’émotion, je te comprends fort bien toi, la jeune militante de l’Ump qui pleurait à la Mutualité du soir du 6 mai : sans doute ta première défaite. Tu étais émouvante et pas un seul instant je n’ai songé à me moquer.

J’ai apprécié le discours des vrais militants républicains, ceux dont on voyait qu’ils étaient marqués par cette défaite mais dont les réactions dignes, m’ont fait penser que je n’aurais eu aucun mal à engager un débat avec eux : sans doute pas pour que nous convainquions mutuellement, mais pour que nous faisions avancer la citoyenneté par l’échange.

J’ai été beaucoup plus réservé quand je t’ai écouté, toi la militante plus âgée, qui parlait de honte pour la France et vous qui, à l’évocation du vainqueur par le président sortant lors de son intervention à la Mutualité avez laissé déborder votre ressentiment (pour ne pas parler de haine) envers le vainqueur de cette élection en déclenchant une bronca.

Je t’ai vu à la télévision, toi le militant troyen, assistant commercial au chômage, qui évoquait avec une crainte non feinte, le recrutement de fonctionnaires supplémentaires, comme si cette perspective était susceptible de compliquer encore plus ton retour vers l’emploi.

J’ai été beaucoup plus réservé sur vos propos envers les immigrés qui « auront désormais tous les droits », vous le couple de restaurateurs du sud. J’ai eu l’impression que vous aviez oublié que notre pays s’est construit grâce aux apports de l’immigration, même si l’immigration clandestine doit être combattue avec force.

J’ai enfin été ahuri par toi, le militant décomplexé, qui n’a pas hésité à te pencher vers un micro à la mutualité pour dire avec force que tu faisais tes valises et que tu partais en Suisse. 

Vas-y, pars, et vite et n’oublie pas de rendre ta carte vitale et ta carte d’électeur avant de partir Puisque tu as fait le choix de l’exil fiscal, fais aussi celui de la cohérence en remboursant le coût de tes études et du système social qui a été mis à ta disposition pour devenir ce que tu es : quelqu’un qui a réussi, financièrement et professionnellement, sans doute, mais qui a totalement loupé sa vie d’homme, tout simplement.

D’où vient cette violence décomplexée ? A la crise sans doute, celle qui a été mise en avant par le candidat sortant pour expliquer ses échecs et la radicalisation de son discours, cette crise qui fait que les citoyens font le gros dos en espérant qu’elle passera à côté d’eux, celle qui exacerbe les égoïsmes de ceux qui sont dans la seule logique d’accumulation de richesses, comme s’ils avaient un sentiment d’immortalité, cette crise qui provoque le rejet de l’autre, différent, d’une autre religion, d’une autre couleur de peau ou bien simplement mal logé, mal payé, ou celui qui ne dispose plus de services médicaux de proximité parce qu’il habite en campagne et qui exprime un vote de rejet.

Alors, entre ceux qui veulent quitter le pays et ceux qui ont fait trop de chemin dans la radicalité pour qu’on puisse penser les convaincre du contraire, je vous fais confiance, vous les militants républicains déçus et toi la jeune militante dont la tristesse m’a touché, pour qu’un débat citoyen s’instaure, pour que l’on sorte des bréviaires partisans et des discours enflammés de ceux qui n’aspirent qu’à cliver pour tout simplement conserver le pouvoir ou le reconquérir.

J’attends du débat d’idées, pas des discours de haine et de mépris qui ne feront pas avancer la communauté nationale dans laquelle nous vivons, vous et moi.


Lire l'article complet, et les commentaires