LR entre l’enclume Macron, et le marteau Zemmour

par Laurent Herblay
vendredi 8 octobre 2021

L’ascension de Zemmour est peut-être encore plus dangereuse pour LR que pour Marine Le Pen. D’ailleurs, ce dernier vient de leur prendre la troisième place dans un sondage sur le premier tour des présidentielles. Dans le même temps, le processus de désignation du candidat LR à la présidentielle ressemble de plus en plus à un jeu où deux voitures foncent l’une vers l’autre, en comptant sur l’autre pour éviter le crash. Et si LR finissait la séquence électorale de 2022 dans l’état du PS en 2017 ?

 

Candidats à l’autodestruction

Bien sûr, tout semble possible dans cette élection qui promet d’être pleine de surprise, la première étant l’ascension de l’essayiste et journaliste au rang de possible adversaire de Macron au second tour. Ne pourrait-il pas même être le futur président de la République, étant donné le rejet à l’égard du président sortant ? Mais la candidature de l’essayiste pourrait aussi exploser comme une bulle, tant nous sommes loin de l’échéance. Même s’il semble surtout prendre à Marine Le Pen pour le moment, on peut se demander s’il n’est pas plus dangereux pour LR que pour le RN. En effet, son électorat ressemble à celui des dits Républicains : âgé et plutôt aisé, quand l’électorat du RN est plutôt jeune et populaire. Il pourrait draîner, à date, la partie des électeurs RN les plus proches sociologiquement de la droite.

Plus globalement, Zemmour est un concurrent terrible pour LR dans la mesure où le parti de droite est en porte-à-faux depuis l’élection de Macron, dont la politique et l’électorat sont très proches de LR. C’est ce qui a poussé tous les principaux candidats à la candidature du parti à prendre des positions très dures sur la question migratoire, quitte à prendre de grandes libertés avec l’UE qu’ils ont contribué à construire. C’est probablement le sujet sur lequel il est le plus facile de s’opposer à Macron, même si sa politique s’inscrit dans la droite lignée des politiques du passé, droite comprise. Mais ce faisant, n’ouvrent-ils pas un boulevard à Zemmour, plus crédible que ceux qui sont comptables de la politique menée de 2002 à 2012, et dont des amis sont aussi au pouvoir depuis l’élection de Macron en 2017 ?

En outre, on ne peut pas dire que les trois principaux candidats à la candidature de LR sont enthousiasmants. Tous sont issus, à la base, de l’aile modérée, et donc très proche idéologiquement de la majorité au pouvoir. Pécresse et Bertrand avaient quitté leur parti du fait de la droitisation menée par Wauquiez, et Barnier n’a de gaulliste que le nom, lui qui s’est épanoui comme technocrate européen. L’ancien commissaire semble plaire aux notables de son parti, étant le seul des trois à y être resté, mais il manque de notoriété, et les idées qu’il avance sur l’immigration, incluant une remise en cause des règles de l’UE, semblent trop opportunistes pour être crédibles. L’attractivité de Pécresse a été testée il y a 10 jours, et son émission, avec Darmanin, a fait quatre fois moins d’audience que Zemmour et Mélenchon.

Et si Bertrand est légèrement devant dans les sondages, je ne crois pas que ce soit un meilleur candidat. S’il a raison de dire que les primaires sont étrangères à la tradition de la Cinquième République, une nouvelle importation étatsunienne très contestable, le reste de son discours n’est pas du tout convaincant. Il faut dire que s’il a été transparent lors de sa campagne pour les élections régionales, il a trop souvent dit tout et son contraire. Sa prétendue volonté de rassemblement est absurde : il veut purement et simplement l’abdication de ses rivaux. Plutôt que de s’encombrer d’éléments de communication indéfendables, il ferait mieux de s’en tenir à son refus des primaires, qui rétrécissent des candidats qui doivent rencontrer le peuple plutôt que quelques militants. Assener « pensez-vous que je serais là si je n’étais pas le mieux placé ?  » est totalement ridicule. Du coup, il sonne profondément malhonnête.

Même son programme n’inspire pas confiance. Tellement occupé à construire des discours effarants sur la primaire LR, Bertrand est en pilotage automatique d’un point de vue idéologique. Il se contente d’un copier-coller de la campagne de Sarkozy de 2007, entre dénonciation de l’insécurité et et éloge du travail, reprenant l’idée d’une défiscalisation des heures supplémentaires. Pourtant, tous les dispositifs d’exonération de cotisations sociales finissent par avoir des conséquences et imposent des coupes dans les budgets publics. Et pour apparaître plus social, il propose une augmentation de moitié du budget de la prime emplois pour toucher les classes moyennes, mais ce genre de mesure s’attaque aux conséquences des problèmes et non à leurs causes, et finirait par imposer des coupes ailleurs….

Bref, avec des candidats aussi peu inspirants et un contexte globalement très défavorable, entre Macron et Zemmour, LR pourrait bien aborder l’élection présidentielle de 2022 dans la même position que le PS en 2017. Bien sûr, rien n’est joué, mais dans un contexte difficile, et avec ce processus tardif et compliqué de sélecton du candidat dont on se demande comment il peut bien finir, l’avenir de LR est en jeu.


Lire l'article complet, et les commentaires