LR : plébiscite pour Bruno Retailleau !
par Sylvain Rakotoarison
lundi 19 mai 2025
« Aujourd’hui, alors que le pays se trouve dans une situation grave, la droite est de nouveau écoutée. Et c’est pourquoi demain, elle peut gagner. J’en suis profondément convaincu. Mais nous devons d’abord, et sans tarder, donner une incarnation à notre mouvement, pour lui donner un nouvel élan. » (Bruno Retailleau, le 2 avril 2025, profession de foi).
Il est des congrès serrés, où les scores sont très rapprochés. Le congrès du parti Les Républicains de ce dimanche 18 mai 2025 n'aura pas du tout été serré : le Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a été véritablement plébiscité par les militants de LR pour devenir président de leur parti. Son unique concurrent, Laurent Wauquiez a subi une désastreuse défaite sur le plan personnel : sa personnalité, son insincérité, son cynisme ont agacé plus d'un des adhérents de LR, et cette fois-là, on peut le dire car les deux candidats prônaient à peu près le même fond idéologique de droite dite dure.
Revenons aux données chiffrées. La rivalité entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau depuis février 2025 a redonné de la vitalité à ce parti moribond et peut-être que c'est cette nouvelle guerre des chefs qui a été très profitable, au contraire de ce qu'affirmaient les deux protagonistes. Seuls les adhérents de LR au 17 avril 2025 pouvaient voter, si bien qu'une vague d'adhésions, ou plutôt, de réadhésions d'anciens adhérents déçus, a submergé les fédérations. Je l'évoquais déjà le mois dernier.
Il faut voir l'évolution : le nombre d'adhérents a triplé en deux mois ! C'est passé de 43 859 adhérents au 13 février 2025 à 121 617 au 17 avril 2025, ce qui est énorme.
L'autre élément de vitalité, bien sûr, c'est la participation, mais il était prévisible que ceux qui ont adhéré entre février et avril 2025 allaient voter puisque c'était l'unique but de cette adhésion. Il fallait voter de manière électronique, c'est-à-dire sur Internet. 98 110 ont participé au vote, c'est-à-dire 80,7% de participation, ce qui est également énorme pour un parti politique (il suffit de regarder le futur congrès du parti socialiste). Ce sont des données officielles, mais généralement confirmées par des huissiers et autres contrôleurs car les candidats pensaient leur score très serré. Cette fois-ci, ce n'était pas le cas.
En outre, il y a eu très peu de blancs et nuls, 374, ce qui signifie bien que l'enjeu était effectivement entre les deux candidats. Inutile de dire que le parti Les Républicains, héritier de l'UMP qui, elle-même, était censée être la fusion entre le RPR et l'UDF, n'est plus qu'un repaire d'ex-RPR aile dure. C'est certes difficile de dire cela car beaucoup d'adhérents LR n'étaient pas nés politiquement avant l'UMP, mais il paraît certain qu'il n'existe plus aucun centriste dans ce parti qui devait pourtant rassembler la droite et le centre à l'initiative du Président Jacques Chirac en 2002.
Cela ne me fait donc pas déplaisir de constater que François Bayrou avait évidemment raison en 2002 lorsqu'il avait refusé de rejoindre l'UMP, étant persuadé que la volaille centriste allait se faire plumer par l'aile la plus dure du RPR. Ce qui est amusant aujourd'hui, c'est que c'est François Bayrou qui est au pouvoir, à Matignon, et que toute l'argumentation de Laurent Wauquiez était basée sur l'indépendance de LR vis-à-vis de François Bayrou et Emmanuel Macron.
Mais cela ne lui a pas suffi à reprendre l'avantage. Et de loin. À l'origine, Laurent Wauquiez était le favori, et pensait même que son élection à la présidence de LR serait une formalité. Après tout, il avait déjà été président de LR, élu par les militants, du 10 décembre 2017 au 2 juin 2019. L'échec de LR aux européennes de 2019 a été fatal à Laurent Wauquiez, si bien qu'il s'est replié dans sa présidence du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes qu'il occupait depuis le 4 janvier 2016 (jusqu'au 4 septembre 2024). Il a laissé passer l'élection présidentielle 2022 ingagnable, et il a cru que son fidèle Éric Ciotti allait tenir boutique à sa place. Erreur, il n'a pas fallu longtemps pour que le sieur Ciotti rejoignît le RN et Marine Le Pen.
Laurent Wauquiez a pris alors une position courageuse : quitter son repli régional et revenir à l'Assemblée Nationale, là où se passait le véritable combat politique (au contraire de ses collègues Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Jean-François Copé, etc.). Il doit d'ailleurs son mandat de député aux macronistes. Le 10 juillet 2024, il a pris (sans demander aux autres) la présidence du groupe LR à l'Assemblée, si bien qu'avec Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, il formait un binôme pour négocier les futurs gouvernements. Au départ, Laurent Wauquiez voulait rester dans l'opposition, puis, voulant l'Intérieur, n'a plus voulu appartenir à un gouvernement en dehors de la place Beauvau.
Bruno Retailleau, lui, a pris ses responsabilités. Michel Barnier l'a choisi comme Ministre de l'Intérieur le 21 septembre 2024 et confirmé par François Bayrou le 23 décembre 2024 avec le rare privilège d'être un Ministre d'État. Depuis ainsi près de huit mois, Bruno Retailleau est sur le pont, en déplacements incessants sur tous les lieux des drames en France. Son efficacité n'est peut-être pas au rendez-vous (on verra au bilan), mais son discours de vérité plaît, sa sincérité n'est pas mise en doute (au contraire de son adversaire interne) et surtout, il est devenu une personnalité nouvelle de la vie politique.
En fait, c'est faux, il existe politiquement depuis des décennies, aurait sans doute été le Premier Ministre de François Fillon si ce dernier avait été élu en 2017, mais les Français ne le connaissaient pas et il est ainsi arrivé avec la lumière des projecteurs. Les Français sont en train de le découvrir.
Le score des adhérents de LR est sans appel. Bruno Retailleau a obtenu 72 629 voix, soit 74,3%, tandis que Laurent Wauquiez n'a eu que 25 107 voix, soit 25,7%. En gros, trois quarts pour Bruno Retailleau et un quart pour Laurent Wauquiez. Il n'y aura finalement pas de guerre des chefs car les militants ont définitivement tranché.
Je ne sais pas comment va réagir Laurent Wauquiez dans les mois à venir, mais sa perspective présidentielle sera d'autant plus bloquée que lui-même a fait campagne contre une primaire ouverte pour 2027. Le parti va être administré par son rival et ce dernier sera en bonne posture pour, éventuellement, présenter une candidature LR à l'élection présidentielle de 2027. J'écris "éventuellement" car il paraît peu responsable que le bloc commun qui gouverne aujourd'hui se présente désuni en 2027 face au RN et à la gauche mélenchonisée (qui, contrairement à ce qu'on dit, est capable de revenir à un niveau élevé, de l'ordre de 20% de l'électorat, car Jean-Luc Mélenchon jouit de son grand talent souvent sous-estimé et d'une absence d'autres rivaux à gauche).
Cette victoire de Bruno Retailleau ne fait pas non plus l'affaire du RN. Certainement interdit de candidature de Marine Le Pen, le RN aura du mal à concurrencer Bruno Retailleau sur ses thèmes favoris (sécurité, immigration) avec un à peine trentenaire qui n'a jamais rien fait de sa vie (à part jouer à TikTok), j'ai nommé Jordan Bardella.
Laurent Wauquiez a perdu par un manque complet de discernement. Il n'a jamais existé parce qu'il était chef de parti, il a existé parce qu'il était ministre à l'époque de Nicolas Sarkozy. Au même titre que Nicolas Sarkozy est devenu présidentiable parce qu'il était Ministre de l'Intérieur, pas parce qu'il était président de l'UMP, le parti n'était qu'un moyen de gagner, pas sa légitimité de candidat.
C'est aussi ainsi pour Bruno Retailleau, c'est sa légitimité ministérielle qui l'a fait triompher dans un parti de gouvernement qui n'était plus au gouvernement de 2012 à 2024 (pendant douze ans). C'est Bruno Retailleau qui a redonné un peu de fierté aux militants de LR et surtout, qui leur a redonné un peu d'espoir en l'avenir.
Enfin, je termine sur une analogie : le 16 novembre 2006, s'est déroulée une primaire interne au PS pour choisir son candidat à l'élection présidentielle de 2007. Les socialistes avaient été très secoués par leur absence au second tour en 2002. Trois candidats se sont présentés : deux très connus et bien "capés", Laurent Fabius (ancien Premier Ministre, ancien Ministre de l'Économie et des Finances, ancien Président de l'Assemblée Nationale, ancien premier secrétaire du PS), Dominique Strauss-Kahn (ancien numéro deux du gouvernement, ancien Ministre de l'Économie et des Finances), et un ancienne sous-ministre qui n'avait pas eu beaucoup de médailles sur son tableau politique, Ségolène Royal. Les apparatchiks du PS étaient évidemment favorables aux deux premiers, mais les militants socialistes ont préféré la plus populaire, Ségolène Royal, car, malgré ses handicaps, elle était la seule à présenter un espoir d'avenir (en fait, un Désir d'avenir !), la perspective d'une victoire à l'élection présidentielle de 2007. Cela n'a pas marché, mais cela aurait pu, car elle a réussi à mobiliser de nombreux nouveaux électeurs. Ségolène Royal a eu 60,6% des militants du PS, DSK 20,7% et Laurent Fabius 18,7%. Les sondages ont tranché !
En donnant les clefs de leur parti à leur seul ministre populaire et visible Bruno Retailleau, les adhérents de LR ont aussi exprimé leur désir de revenir à l'avant-scène de la vie politique et, pourquoi pas (mais je n'y crois pas pour autant), gagner la prochaine élection présidentielle. Quant à Laurent Wauquiez, il va tranquillement retourner à l'ombre, comme l'ont fait d'autres avant lui, entre autres, Jean-François Copé.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (18 mai 2025)
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