Lucie Castets : le combat contre l’effacement
par La voix de Kali
lundi 7 juillet 2025
Longtemps perçue comme une figure montante de l’union de la gauche, Lucie Castets semble aujourd’hui condamnée à une lente disparition politique. Sans parti, sans mandat, sans relais solides, elle multiplie les tentatives pour rester dans le jeu. Mais après le désaveu public récent de Jean-Luc Mélenchon, l’illusion d’une possible retour au centre du jeu de la gauche s’est effondrée.
Retour sur un combat acharné contre l’effacement, entre stratégie brouillonne, isolement croissant et rendez-vous manqués.
Mélenchon et le coup de grâce
Le 3 juillet, Jean-Luc Mélenchon publie un billet de blog dont une phrase n’échappe à personne : « Certains veulent jouer dans la cour des grands… »
De qui parle-t-il ? Ben voyons, qui voudrait jouer dans la cour des grands ? Lucie Castets bien sûr ! Parmi d’autres. Autrefois promue en coulisse comme candidate Première ministre d’un gouvernement de coalition, elle n’a, selon lui, ni la stature ni la légitimité pour prétendre incarner la gauche. Il écrit même "La proposition de Lucie Castets fut arrachée en dernière minute ». « Personne ne la connaissait ni ne l’avait rencontrée avant cela dans le groupe qui devait décider".
Ce désaveu cinglant, venant de celui-là même qui l’avait un temps portée, a tout du coup de grâce. Et surtout, il vient confirmer ce que beaucoup pressentaient : Lucie Castets a perdu l'aura. Depuis des mois, elle se bat pour ne pas disparaître, à coup d'apparitions médiatiques, de tweets et d'appels à l'union.
Une ascension fulgurante, sans ancrage
Sa montée en puissance à l'été 2024 est fulgurante. Elle incarne une alternative apaisante, féminine, représentant la société civile, hors des clivages partisans. Son nom surgit pour Matignon, suggéré par Olivier Faure, dans un contexte de recomposition post-législatives.
Mais cette mise en avant repose sur du vide stratégique : Castets n’a ni mandat, ni parti, ni base électorale. Elle n'est issue d'aucun appareil structuré et n'a jamais été élue. Très vite, cette absence d'incarnation concrète lui revient en boomerang. Macron ne la nommera pas.
Les erreurs de départ : intransigeance et dogmatisme
À l’été 2024, forte de sa soudaine visibilité, Castets commet plusieurs erreurs politiques majeures.
- D’abord, elle refuse tout compromis : ni ralliement à un groupe parlementaire, ni stratégie d’ancrage local avant de se raviser quelques semaines plus tard...trop tard.
- Elle adopte une communication souvent radicale, frisant parfois l'activisme comme quand elle affirme vouloir régulariser tous les immigrés.
- Elle multiplie les tribunes, les sorties médiatiques décalées au regard de l'actualité : on se souvient de la fameuse visite de l'usine Duralex en plein jeux olympiques.
- En octobre 2024, elle vise une législative partielle en Isère. L’occasion de légitimer sa parole par un mandat. Mais elle refuse de siéger dans le groupe LFI. Résultat : elle renonce.
Ce refus du jeu politique classique — combiné à une forte exposition médiatique — produit un effet contraire à celui qu'elle espère : elle agace plus qu’elle ne rassemble.
Une stratégie de retour… sans relais
Ayant échoué à être nommée première ministre, Lucie Castets tente alors une stratégie de retour par l’union. Fin 2024, avec Marine Tondelier, elle propose une “plateforme commune” pour 2027, une convention, une primaire citoyenne.
Mais ni LFI, ni le PCF, ni Place publique ne la rejoignent. Marine Tondelier reste sa seule véritable alliée mais c'est justement ce point qui lui a été reproché par Mathilde Panot récemment, la plateforme ayant été perçue par LFI comme un refus de s'aligner sur le leadership de Mélenchon pour 2027.
Sa tentative d'union débouche sur une image d'isolement renforcé.
Bagneux, ou l’union vide
Juillet 2025. Elle organise une réunion à Bagneux pour lancer un “Front populaire 2027”. Mais les absents sont plus remarqués que les présents.
- Le PCF décline et critique la méthode.
- Place publique ne vient pas.
- LFI boude.
Ce qui devait être un tournant devient un non-événement. Castets se retrouve à tenir seule le flambeau d’une union… qui ne veut pas d’elle.
Mélenchon referme la séquence
Le billet de Mélenchon vient saper sa dernière tentative de retour au centre du jeu. Il l’écarte symboliquement : elle n’a pas l’étoffe. Elle joue un rôle qui n’est pas pour elle. Elle est même "égotique" selon ses termes. Il vise en même temps les repentis de LFI : Ruffin, Autain etc.
En fin limier de la politique, il sait que l'union des autres gauche ne peut que fragmenter l'électorat et lui ôter toute chance de réitérer son score de 2022. Il frappe donc fort.
Désormais, même en cas de censure, Castets ne sera pas la candidate de la gauche. Ni le trait d’union, ni la médiatrice, ni la solution.
Une disparition en direct
Le plus frappant dans le parcours de Lucie Castets, c’est cette manière de s’éloigner lentement sans que personne ne semble vouloir la retenir. Elle a tenté. Elle s’est battue. Mais elle n’a pas su transformer l’essai.
Faute de parti, de victoire électorale, ou de ligne claire, elle reste dans un entre-deux. Et aujourd’hui, elle incarne moins un avenir qu’un moment. Une figure de passage.
L'effacement finira sans doute par gagner
Lucie Castets s’est battue contre l’effacement. Mais la politique ne pardonne ni les erreurs de débutants, ni les fragilités structurelles. Elle restera peut-être comme l’incarnation d’une occasion manquée, d’une tentative sincère mais solitaire de réconcilier une gauche éclatée.
Le plus dur pour elle n’est peut-être pas de disparaître du jeu, mais de voir que personne ne l’y retient vraiment.