M. le Président, de Franz-Olivier Giesbert

par Jean Lannes
jeudi 25 août 2011

Paru en avril dernier, M. le Président, le livre de Franz-Olivier Giesbert (Flammarion), a joui d’une importante couverture médiatique pour sa sortie en librairie. Un essai de journaliste, se voulant biographie, contant des « scènes de la vie politique » autour de Nicolas Sarkozy. Résumé et analyse.

Inutile de s’attendre à un chef-d’œuvre. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si ce livre est sorti au mois d’avril, juste avant l’été, car tel est son réel dessein : être un livre de vacances. Construit de petites anecdotes sur la personnalité et la politique du président, l’ouvrage est vague et les sujets ne sont qu’effleurés.

Ainsi, le lecteur n’y apprend-il pas grand-chose. On peut y voir un Sarkozy colérique, en mal d’amour, dominateur (et “nominateur”), irritable, pressé… bref, Nicolas Sarkozy tel que la majorité des Français le connaissent déjà. Au fil des courts chapitres, le patron du Point, qui reconnait avoir « toujours été un journaliste connivent » (p. 9), y aborde succinctement, comme dans une sorte de fourre-tout, l’affaire Bettencourt, celle de l’Epad, le dîner du Fouquet’s, la rupture avec Cécilia, la rencontre de Carla, le duel avec Villepin, et bien d’autres petites affaires à la fois bien connues mais essentielles, selon l’auteur, pour cerner la personnalité du Président.

Car malgré cette sensation de vide qui nous suit tout au long du livre, la pensée de Giesbert parvient tout de même à se frayer lentement un chemin. Selon le journaliste, la politique de Nicolas Sarkozy est intrinsèquement liée à sa personnalité.

Une personnalité au centre de sa politique et de sa côte de popularité

Son enfance de riche déclassé, par exemple, conditionne son rapport à l’argent et sa richophilie. Car «  voilà bien la faute originelle de la République sarkozyenne : s’être laissé marquer dès son avènement par le fer rouge de la ploutocratie » estime Giesbert (p.72). Ses origines hongroises aussi, incitent le chef de l’Etat à prouver sans cesse qu’il est bien meilleur que cette classe politique traditionnelle, bouleversant les codes.

« C’est un immigré de l’Est en partance pour les Etats-Unis et qui s’est arrêté par hasard à Paris » résumera bien Jérôme Monod, cité dans le livre. Car en effet, ce président amateur de coca-cola light et de yaourt 0% « ne correspond à rien de ce que la France a connu » ajoutera l’auteur (p. 226) avant d’imager : « Le chef de l’État a troqué le tricorne de l’Empereur contre les Ray-Ban à la Tom Cruise et le cheval contre un gros Airbus présidentielle qui en jette à tous ses copains de la bande du Fouquet’s » (p. 263).

Un Président loin, bien loin d’incarner la culture française, ou tout simplement la France, avec sa fascination de l’Amérique, du fric et de la vulgarité. « Notre inconscient collectif réclame un président statufié, qui incarne le pays et parle pour les siècles des siècles, un langage digne de figurer sur le marbre des stèles. Or le chef de l’Etat descend souvent de son Aventin pour s’exprimer comme les racailles des banlieues qu’il prétend combattre et dont, pour le plaisir de la transgression, il partage les codes » résumera Giesbert (p. 37).

Un président inclassable

Pour l’auteur, il est également inutile de vouloir classer Nicolas Sarkozy. « Il ne cesse de s’adapter à l’air du temps. Il n’est ni jacobin, ni bonapartiste, ni atlantiste, ni gaulliste, ni ultralibéral. Pour les besoins de sa cause, il est simplement prêt à revêtir alternativement tous les oripeaux » nous dit-il, décrivant un Président opportuniste et pragmatique (p. 17), un « idéologue de carnaval ».

Aussi, il ressort de ce livre, entre autres, le triste sort réservé aux sarkozystes, le Président ne se montrant généralement que très peu reconnaissant envers ses fidèles, préférant plutôt récompenser ses adversaires, histoire de les avoir un peu plus dans la main. « L’éloge maintient dans son cercle ; la critique vous y fait entrer  » analyse FOG (p. 213). Passons sur ses éternelles colères téléphoniques, son hyperactivité, son désir d’être le meilleur, le plus beau, le plus haut, interdisant à ses proches d’exister.

Si les nombreux défauts du Président sont au cœur de la ligne du livre, Giesbert ne se prive pas de saluer également ce qu’il estime être ses quelques qualités. Ainsi, le journaliste félicite-t-il la réactivité de Sarkozy pendant la crise de 2008, considérant que le chef de l’Etat est parvenu à ses aspirations de « taulier du monde » en organisant d’une main de maître ce dont personne ne voulait s’occuper : la régulation des marchés et la moralisation du capitalisme. Paroles et posture, me direz-vous, et c’est d’ailleurs certainement le cas. Sarkozy étant un habitué du discours à l’opposé des actes.

Nicolas Sarkozy a-t-il changé ?

Pour terminer, après avoir brossé le portrait d’un hyper-Président pris au piège de sa personnalité, après avoir survolé quelques anecdotes et analysé quelques proches de Nicolas Sarkozy, Franz-Olivier Giesbert se demande, dans l’épilogue du livre, si le Président n’a pas changé. Désormais, le journaliste le voit plus apaisé, plus calme, plus réfléchi, plus cultivé aussi (grâce à Carla). Et de se demander, comme à chacun de ses livres : « me suis-je trompé ? ».

Le pouvoir vieillit et rend sans doute plus sage. A lire Giesbert, le Nicolas Sarkozy du Fouquet’s et des haussements d’épaules a laissé place à un « père peinard » de la nation. « Ce qui soulevait le cœur et la colère des Français depuis son avènement, c’était son caractère, bien plus que sa politique. Il tente donc de changer le premier en gardant la seconde » résume-t-il (p. 270). Et de conclure : « Il est fait, il est fini ». Peut-être, Nicolas Sarkozy a-t-il pris quelques cheveux gris, peut-être a-t-il changé, mais trop tard, et de toute évidence… pas assez.

Telle est, en gros, la ligne qui ressort du dernier livre de FOG. Un essai plat, aux accents parfois people, duquel ressort tout de même, sur la fin, une pensée définie. Certains chapitres semblent avoir un rôle de remplissage et, comme dit plus haut, les sujets ne sont très souvent qu’effleurés. Le livre est construit sur de petites « scènes de vie politique », comme son titre l’indique, et est donc à des années lumières de la biographie sérieuse qu’il prétend être (à plusieurs reprises).

Un recueil d’anecdotes, tout au plus. Un essai moyen, loin d’être indispensable, qui, au final, ne vaut pas vraiment ses 19,90€, prix plutôt élevé pour un ouvrage de cette qualité.

Christopher Lings ( Enquête & Débat )

 

Couverture : Flammarion | Crédits photo : Portrait de Nicolas Sarkozy © Philippe Wojazer / Pool / EPA / Corbis


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