Macron-Bayrou : vers un couplé gagnant ?
par Fergus
mardi 10 janvier 2017
Si l’on en croit certains éditorialistes, il se murmure ici et là dans le microcosme médiatico-politique que François Bayrou, coincé entre François Fillon et Emmanuel Macron, pourrait soutenir ce dernier dans la conquête de la présidence. Une hypothèse à laquelle le récent sondage Elabe donne incontestablement du crédit...
En décembre dernier, je faisais le constat que, dans un centre « orphelin de candidat », l’OPA opérée sur cet espace politique par Emmanuel Macron dès l’annonce de sa candidature à la présidence de la République le 16 novembre avait de bonnes chances de réussir. À condition toutefois que François Bayrou ne s’aligne pas pour une 4e fois consécutive* dans la compétition électorale.
Il est en effet évident que, présents tous les deux sur la ligne de départ, Macron et Bayrou se neutraliseraient. Avec pour conséquence un plafonnement des voix de l’un comme de l’autre, et tout particulièrement du second nommé. À la clé, la certitude qu’aucun candidat « ni de gauche, ni de droite », comme se plaît à se positionner lui-même l’ex-collaborateur de la banque Rothschild, ne soit en mesure de disputer l’accession au 2e tour de la présidentielle aux deux favoris actuels Fillon et Le Pen.
Or, faisais-je remarquer, si ces deux-là étaient un peu moins égotiques – mais quel responsable politique de premier plan ne l’est pas ? –, le bon sens leur commanderait d’unir leurs forces. Soit en proposant un « ticket commun », Macron postulant à la présidence, Bayrou à un poste de Premier ministre ou au maroquin d’un grand ministère d’État ; soit, plus probablement, en scellant une alliance objective de nature à faire gagner le centre en brisant le bipartisme gouvernemental qui prévaut depuis des décennies.
Une telle alliance pourrait permettre au candidat Macron de rafler la mise en mobilisant un électorat allant des sympathisants sociaux-démocrates du PS – majoritairement hollandais –jusqu’à l’aile modérée – principalement juppéiste – de LR en passant par les différentes sensibilités du centre qui rejettent le ralliement à Fillon. À cet égard, les difficultés rencontrées par Valls sont du pain béni pour Macron qui, n’en doutons pas, doit croiser les doigts pour que le « TSV » (Tout sauf Valls) qui semble se dessiner débouche sur une victoire de Hamon ou Montebourg au 2e tour de la primaire de cette « Belle alliance » si mal baptisée**.
Le combat de trop
Valls absent, une large part de l’électorat du PS devrait effectivement se reporter très logiquement sur Macron. C’est d’ailleurs ce que confirme le sondage Elabe publié le jeudi 5 janvier par le quotidien économique Les Échos. Sans Valls mais avec Bayrou sur la ligne de départ, l’institut de sondage crédite Macron de... 20 à 22 % selon l’identité du candidat socialiste. Sans Valls et sans Bayrou, Elabe crédite Macron de 23 à 24 %, tout près de Fillon et grosso modo à égalité avec Le Pen (1 point derrière ou 1 point devant selon l’adversaire socialiste).
Certes, il s’agit là de données éphémères, mesurées avec toute la réserve que l’on doit accorder à un sondage réalisé si loin du scrutin. Elles n’en confortent pas moins la confiance de Macron et contribuent sans aucun doute à faire réfléchir le maire de Pau. Et cela d’autant plus que Fillon, qui lui avait récemment fait des propositions, vient de fermer la porte à un rapprochement présumé plus nuisible que bénéfique avec le Béarnais. Reste Macron qui, dès le 27 novembre, lui tendait la perche en ces termes : « J'appelle François Bayrou, s'il n'est pas à l'aise avec le programme de François Fillon, à nous rejoindre, car il y a beaucoup de convergences. »
Un appel de Macron auquel Bayrou aurait, si l’on en croit Le Parisien, répliqué trois jours plus tard devant ses amis : « Jamais je ne laisserai le centre à Macron ! » La porte est-elle fermée pour autant ? Peut-être, car le Béarnais est accro à la présidentielle et n’a pas encore renoncé à une 4e candidature. Mais si la dynamique qui porte actuellement Macron venait à être confirmée dans les prochaines semaines, alors cette candidature risquerait de se transformer pour Bayrou en pathétique combat de trop.
Nul ne peut dire, à l’heure actuelle, ce que fera Bayrou. Apparemment, il n’est plus question qu’il se vende pour une poignée de lentilles estampillées Modem à ce Fillon par trop réactionnaire dont il condamne le positionnement thatchérien et dont il critique vertement un affichage chrétien inapproprié dans une république laïque. Mais tentera-t-il une 4e aventure présidentielle potentiellement porteuse d’un échec cuisant, eu égard à la préemption du centre par un Macron plus jeune et plus séduisant aux yeux des électeurs ? Ou bien fera-t-il le choix de cette alliance de l’Ancien et du Moderne capable, hors du traditionnel schéma bipartisan, de faire triompher le centre en ringardisant tout à la fois le PS et LR ?
Une bulle qui tarde à éclater
La décision appartient au maire de Pau. Mais quoi qu’il en soit, il est évident que, avec ou sans Bayrou, Macron va continuer d’aller de l’avant. « En marche », l’espère-t-il, vers un destin élyséen. Et force est de constater que l’ex-ministre de l’Économie suscite un réel intérêt de la part des électeurs en rejet du PS et de LR comme l’a montré l’énorme affluence à son grand meeting de la Porte de Versailles le 10 décembre : plus de 10 000 participants sans le soutien logistique d’un parti ni le relais de militants chevronnés !
Et ce ne sont pas ses derniers meetings qui ont démenti l’incontestable engouement que suscite Macron dans la population. À Nevers, le vendredi 6 janvier, c’est dans une salle bondée de 1000 places que s’est produit le candidat ; à tel point que Denis Thuriot, le maire « sans étiquette », a affirmé n’avoir pas vu une telle affluence pour un meeting politique dans sa ville depuis... Mitterrand ! Quant à la Grande Halle de Clermont-Ferrand elle a été insuffisante à recevoir les 3000 personnes venues écouter Macron le samedi 7 janvier.
Beaucoup de public, certes, mais pas de troupes structurées et peu de soutiens de premier plan, tempèrent les sceptiques. Un argument que balaie Macron : il sait qu’en politique, nombreux sont ceux qui volent au secours de la victoire en amenant avec eux militants et logistique. Dès lors, il mise sur la dynamique dont il bénéficie pour susciter des allégeances tant de la gauche socialiste que du centre et de la droite juppéiste. Présomption ou réalisme ?
La question se pose en effet. Et ce n’est pas un hasard si, depuis l’entrée en campagne de Macron, nombre d’éditorialistes et de commentateurs ont parlé, les uns de « bulle » appelée à éclater, les autres de « soufflé » destiné à retomber. Or, à l’instar de Trump aux États-Unis, rien de tel ne s’est passé jusque-là. Au contraire, Macron ne cesse de progresser. Au point que l’on commence à s’inquiéter très sérieusement dans les états-majors de LR et du FN d’un possible match à trois pour la qualification au 2e tour de la présidentielle. Un scénario catastrophe pour ces deux partis car il pourrait laisser sur le tapis Fillon ou Le Pen.
Un scénario qui, à n’en pas douter, ne manque pas de susciter une « tempête sous un crâne », selon la formule de Victor Hugo. En l’occurrence, celui de Bayrou qui, en 2017, peut trouver une occasion de relancer sa carrière en soutenant Macron, ou a contrario courir le risque d’être définitivement affublé d’une étiquette de « Has been » s’il concourt pour un score étique. En spécialiste hippique, Bayrou devra opter, soit pour une course en solo, au risque de se noyer dans la rivière des tribunes, soit pour un couplé qui pourrait se révéler gagnant au PMU électoral !
* Le Béarnais avait été candidat en 2002 (4e du 1er tour avec 6,84 %), en 2007 (3e du 1er tour avec 18,57 %) et en 2012 (5e du 1er tour avec 9,13 %)
* Cette bien curieuse appellation rappelle en effet le nom d’un lieudit emblématique de la bataille de... Waterloo. Faut-il y voir un présage ?
Note : Que l’on ne s’y trompe pas, cet article – rédigé comme observateur et non comme militant – n’a, en aucune manière, pour objet de soutenir la candidature de Macron. Celui-ci n’est en effet à mes yeux qu’un libéral parmi d’autres, porteur d’une politique antisociale entièrement ancrée dans le système qu’il prétend dénoncer. Électeur de Mélenchon en 2012, je le serai encore en 2017, en espérant qu’il pourra cristalliser sur son nom le vote des électeurs de gauche.