Macron et son bilan 2018

par olivier cabanel
jeudi 27 décembre 2018

Pour être le plus objectif possible, un bilan doit se baser sur des chiffres, et ils sont révélateurs.

Pour qu’ils soient les plus indiscutables possibles, il convient de croiser les sources, et plutôt deux fois qu’une.

Du coté de la présidence, 2018 est une année que Macron n’est pas prêt d’oublier, allant de déconvenues en déconvenues, et sa chute vertigineuse dans les sondages est proportionnelle aux espoirs que ses électeurs portaient en lui.

On est passé très vite du dégagisme ambiant, lequel lui avait permis la victoire, à la pire des désillusions.

Tout a commencé à se gâter avec l’annonce, en janvier, des 80 km/h sur les routes, faisant chuter sa popularité de 40 à 35 %... la timide tentative de remonter, grâce à la complicité de JP Pernaut, s’est dégonflée comme un mauvais soufflet au fromage lors du « pognon de dingue » de juin, suivie par « la piscine de Brégançon »...sondage à 32 %...l’affaire Benalla en juillet, doublée par la gaffe «  je traverse la rue et je vous trouve du travail  » a accéléré la chute à 25% d’opinions favorables, et l’apparition des gilets jaunes en novembre l’a enfoncé à 20% fin décembre.

Il est probable qu’il aura de la peine à s’en remettre, d’autant que la stratégie tentée de pourrissement de la situation s’est vite avérée improductive : il a finalement cédé, mais bien trop tard, insuffisamment et maladroitement,

Pourtant gouverner c’est prévoir, et il faut croire qu'il n’a pas fait la bonne lecture de la situation, alors qu’ils étaient nombreux à avoir compris que tout allait se gâter.

Même Wauquiez l’avait senti, déclarant le 15 février 2018, devant l’EM de Lyon : « ça va mal, très mal... », (lien) suivi par Mélenchon qui twittait le 22 mars  : « Macron, ça va péter ». lien

Bien avant eux, Manuel Valls avait pronostiqué le 6 février 2013, sur l’antenne d’Europe 1  : « il y a un risque d’implosion ou d’explosion sociale ». lien

Deux ans après, le 22 juin 2015, Dupont-Aignan avait twitté : « on gagne du temps, mais ça va péter, et la facture va arriver ».

L’année précédente, le 27 aout 2014, même Fillon avait twitté : « les français sont à la limite de la révolte  ».

Fermons le ban avec Philippe Martinez, alors patron de la CGT, qui déclarait le 18 octobre 2015 : « j’ai une vraie crainte d’explosion sociale  ». lien

Mais revenons à 2018.

Le 2 juillet, Fred Vargas écrivait dans les colonnes du « Soir » : « ça va péter ».

Le 9 juillet 2018, Alain Minc faisait quasi la même prédiction : « à force d’humilier les corps intermédiaires, on court le risque d’une révolte majeure  ». lien

Le grand comédien Jacques Weber, interrogé par « Le Monde », le 2 septembre suivant, écrivait : « à un moment, il faut arrêter le baratin. Un jour, ça va péter ». lien

Il était suivi de peu par l’ex-président Sarközi qui, dans les colonnes du Figaro, déclarait le 24 septembre 2018 : « avec Macron, ça risque de très, très mal finir  ». lien

Le pire est à venir, car c’est Macron lui-même qui avait twitté, alors qu’il n’était que candidat : « 20 ans qu’on a abandonné nos classes moyennes, ça ne peut plus durer  ! ».

Il faut croire qu’il y a des défaillances dans sa mémoire...

Au-delà des 12 mois passés, certains se laissent aller à la prédiction, et leurs analyses ne sont pas inintéressantes.

Ainsi dans le JDD, on découvre sous la plume de Michaël Bloch des éléments de réflexion qui méritent le détour.

Le politologue décrit en 4 points que le pire est à venir, car la croissance est maintenant en danger, alors que lors de l'arrivée au pouvoir de Macron, elle était solide, le pétrole peu cher, et les taux d’intérêt encore très bas.

Mais ça pourrait ne pas durer.

Comme l’explique Philippe Waechter, directeur chez OAM (Ostrum Asset Management), la croissance pour n’être que de 1,2 contre 1,7 annoncés par le gouvernement.

Rappelons qu’elle avait baissé de 0,7 points en 2018 par rapport à 2017.

Et Waechter de prédire « on va avoir un vrai coup de frein sur l’activité », ajoutant « 2019 sera une année très compliquée sur le plan budgétaire »... la dette publique du pays se rapprochant dangereusement du seuil symbolique des 100%.

Cela pourrait provoquer une nouvelle baisse du chômage, d’autant que la croissance en 2019 pourrait être impactée par le retournement mondial de la conjoncture.

De plus, selon le politologue, le prélèvement à la source risque d’aggraver la crise sociale, car en janvier, les français vont découvrir une baisse de revenus sur leur fiche de paye, d’autant que l’APL va être calculée sur la base du revenu en cours.

En point 3, l’expert estime que Macron a perdu tout capital politique pour réformer, et que la réforme voulue des retraites et de l’assurance chômage sont des chantiers potentiellement explosifs.

De plus, la réforme de la constitution envisagée par Macron est perturbée par la première revendication des GJ, à savoir le RIC (référendum d’initiative citoyenne).

Et finalement, l’affaire Benalla et la crise des GJ ont, pour Michaël Bloch, un point commun : elles ont montré l’absence de poids lourds politiques prêts à défendre le chef de l’état en cas de difficultés.

A l’exception du 1er ministre, qui assure qu’il n’est pas démissionnaire, Macron n’a aucune solution de rechange sur son banc de touche politique, et comme l’écrit le journaliste : « il ne peut donc même pas espérer faire un coup de poker politique pour relancer son quinquennat ». lien

Ajoutons que justement l’affaire Benalla est en train de refaire des vagues.

Ce dernier a été remarqué à N’Djamena, le 4 décembre, et à l’occasion de ce voyage, il aurait rencontré le frère du chef de l’état tchadien, lequel est à la tête de la DGRS (direction générale de la réserve stratégique)

Or on sait que Macron s’est rendu le 22 décembre au Tchad, et y a rencontré Idriss Déby, le dictateur tchadien.

Lors de son séjour, il s’est dressé sur ses petits ergots, loin de la colère du peuple français, assurant : « la seule force aujourd’hui qui fait face au terrorisme au Sahel, c’est la force française  ». lien

Rappelons que la France et le Tchad sont liés, entre autres, par le pétrole via la raffinerie de Djarmaya, laquelle avait été la cible en 2015 d’un attentat terroriste. lien

De là à faire le rapprochement entre le voyage de Benalla et celui de Macron il n’y avait qu’un pas, que de nombreux politologues n’ont pas hésité à franchir.

On comprend la gêne du président de la république française, lequel a tenu a faire savoir « que Benalla n’était en aucun cas un intermédiaire officieux ou officiel ».

On ne demande qu’à le croire.

Et on comprend aussi que les doutes s’insinuent dans les esprits tant les déclarations sont contradictoires.

De son coté l’intéressé évoque des propos « diffamatoires et calomnieux prononcés par certaines personnes de l’entourage du président de la République », assurant « s’être trouvé au Tchad avec une délégation de 6 personnes étrangères qui vont faire 250 millions d’investissements ».

Il ajoute : « ça n’a rien à voir avec l’Elysée... », précisant par contre qu’il a bien rencontré le chef de l’état tchadien, Idriss Déby...et non pas son frère. lien

Sauf que les 1ers couacs apparaissent : Benalla avait assuré avoir prévenu l’Élysée avant d’effectuer ce voyage...lequel assure n’avoir eu l’information que récemment, il y a une semaine. lien

Ajoutons par ailleurs que Benalla a bien eu une relation avec Alexandre Djouhri, l’un des personnages clef de l’affaire libyenne, ce qui avait été révélé par « Libération » le 2 octobre dernier, et ce que l’intéressé à finalement reconnu auprès de Médiapart. lien

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Voilà qui n’augure rien de bon pour Macron et l’année qui commence.

Il y a quand même une bonne nouvelle, Benalla, très énervé, a déclaré menaçant : « je ne me tairais plus !  »... ça va être l’occasion pour lui de lever toutes les zones d’ombre qui l’entourent. lien

Finalement, Benalla est pour Macron « le petit sparadrap du capitaine Haddock  », dont il ne parvient pas à se débarrasser.

http://moserm.free.fr/moulinsart/images/sparad5.jpg

Rappelons que tout a commencé le 1 er mai 2018, il s’était affublé d’un casque de CRS (lien) puis l’Élysée l’a limogé en juillet (lien), il est réapparu menant les bleus champions du monde tout droit à l’Élysée fin juillet alors qu'il était officiellement limogé, (lien) et le voilà qui revient... un boulet supplémentaire pour la présidence.

Comme dit mon vieil ami africain : « la bouche de l’homme brûle plus que le feu ».

Le dessin illustrant l’article est de Lacaï

Merci aux internautes pour leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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