Macron l’illibéral

par Jordi Grau
vendredi 13 juillet 2018

Qu’on s’en désole ou qu’on s’en réjouisse, on considère généralement le chef de l’État comme un libéral. Pourtant, comme on va le voir, cette opinion est en grande partie fausse.

L’image et la réalité

 Emmanuel Macron aime à donner de soi-même l’image d’un libéral, notamment en matière politique. Lors de ses vœux à la presse, en janvier dernier, il a prétendu défendre la démocratie libérale contre une tentation « illibérale » : « Plusieurs régimes politiques sont tentés par l'illibéralisme politique et à chaque fois, c'est évidemment la presse qui est la première menacée »

 Comme l’explique Le Point, le chef de l’État visait dans ce discours un certain nombre de dirigeants politiques comme le premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui assume ouvertement le caractère « illibéral » de sa politique. Mais que signifie exactement ce mot ? Toujours d’après Le Point, Emmanuel Macron se référerait principalement « à la définition élaborée à la fin des années 1990 par le journaliste américain Fareed Zakaria dans son article intitulé « The Rise of the illiberal democracy » et publié dans Foreign Affairs. Un État illibéral serait celui dans lequel le suffrage universel apparaîtrait comme la dernière – et donc seule – manifestation de la démocratie. En résumé, il s'agit de pointer du doigt l'écrasement de tous les contre-pouvoirs possibles que ceux-là soient médiatiques, mais aussi intellectuels, institutionnels ou même syndicaux : l'ensemble des corps intermédiaires en somme. »

 Voilà donc l’image que le président de la République cherche à donner de lui-même : celle d’un homme soucieux de préserver les libertés publiques contre les tendances autoritaires ou dictatoriales de l’État. Cette propagande est-elle efficace ? Oui, dans une certaine mesure. J’écoutais récemment cette émission sur France Culture, sur le thème des « démocraties illibérales ». Ce que disaient les invités était généralement très intéressant, mais il était frappant de voir à quel point ils avaient intériorisé l’idée que le régime macronien était libéral. Ils ont parlé de la Hongrie, de l’Italie, de la Pologne, de Singapour, et même des États-Unis de Trump, mais presque pas de la France.

Cependant, il ne faudrait pas croire que M. Macron a réussi à persuader tout le monde qu’il est un libéral. Des voix s’élèvent – et pas seulement à l’extrême gauche ou chez les anarchistes – pour dénoncer les dérives de la République macronienne.

 

Macron est-il libéral sur le plan politique ?

Si la plupart des gens semble d’accord pour qualifier de libérales (ou de néolibérales) les mesures économiques du gouvernement, il n’en va pas de même pour ce qui est du respect des libertés publiques et de l’équilibre des pouvoirs. Par souci de méthode, je vais donc d’abord me demander si M. Macron est libéral sur un plan politique avant d’aborder le versant économique du problème, même si la distinction entre libéralisme économique et libéralisme politique est contestable.

 Le libéralisme politique, c’est un courant de pensée selon lequel la liberté des individus doit être soigneusement protégée contre les abus des gouvernants, grâce à des droits que tout le monde doit respecter, y compris les représentants de l’État. Cela implique, notamment une distinction et un équilibre entre les principaux pouvoirs étatiques (législatif, exécutif, judiciaire). Cela implique également l’existence de contre-pouvoirs au sein de la société civile : organisations non-gouvernementales, presse libre... Lorsque l’État est ainsi contrôlé, soumis à des règles juridiques qui encadrent strictement son action et protègent les droits des individus (droit de vote, liberté d’expression, liberté de s’informer, de circuler, etc.), on dit qu’on a affaire à un État de droit. Sans doute l’État de droit est-il un idéal qui n’est jamais complètement réalisé, tant il est difficile d’empêcher les représentants d’un État de se placer au-dessus des lois. Mais on peut tout de même dire que les États existants se rapprochent plus ou moins de cet idéal. Qu’en est-il de la France ? Depuis l’élection de M. Macron à la présidence de la République, est-elle davantage un État de droit ? Malheureusement, il semble que ce soit plutôt l’inverse.

 Trois faits pour étayer cette thèse :

- la politique menée à l’égard des migrants ;

- la pérennisation de l’état d’urgence ;

- la loi sur le « secret des affaires ».

 

La « fermeté » à l’égard des migrants

 J’irai rapidement sur le premier point. L’écrivain médiatique Yann Moix a contribué à faire connaître certaines exactions policières, dont il estime le gouvernement responsable. Mais des associations humanitaires avaient déjà dénoncé des violences comparables, comme on peut le voir ici ou .

Au-delà de ces brutalités particulièrement choquantes, il y a le cas de tous ces migrants qui sont expulsés avant même d’avoir pu déposer une demande de droit d’asile, et la criminalisation des citoyens qui ont eu simplement le tort de faire preuve d’humanité, comme Cédric Herrou. Cf. à ce sujet ce rapport d’Amnesty International, qui ne vaut malheureusement que pour l’année 2017.

 On pourrait aussi mentionner le manque de préparation des pouvoirs publics à l’arrivée – pourtant prévisible – des migrants, et les conditions d’accueil déplorables qui en résultent. Ce n’est pas moi qui le dit, mais un défenseur de droits nommé Jacques Toubon. Sans doute s’agit-il d’un agitateur de l’ultragauche.

Enfin, preuve qu’il y a derrière toute cette dureté (cette « fermeté », comme ils disent) une volonté politique au plus haut sommet de l’État, comment ne pas parler de la loi « asile et immigration », dont l’objectif est clairement démagogique : il s’agit de réduire encore les droits des migrants et des demandeurs d’asile afin de complaire à une large fraction de l’électorat. On pourra lire ici ce que disait en février 2018 Christine Lazerges, présidente de la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme) sur le projet de loi.

Adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale le 23 avril dernier, ce projet de loi comprend – entre autres infamies – l’allongement de la durée maximale d’un séjour en « centre de rétention », qui passe de 45 à 90 jours. Rappelons que les « centres de rétention » sont de véritables prisons, où sont enfermés des migrants – et des demandeurs d’asile déboutés – le temps que les autorités organisent leur expulsion. Plus choquante encore, la disposition qui légalise la présence d’enfants dans ces prisons. Il y a quelques années, la France a déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour cette pratique. Le sera-t-elle encore, une fois que cet emprisonnement sera devenu légal ? L’avenir nous le dira. On s’habitue à tout, malheureusement. Beaucoup de gens dans le monde ont été choqués par la politique xénophobe de M. Trump, et notamment par le fait que des enfants mexicains sont durablement séparés de leurs parents. En comparaison de cette abomination, la France de Macron paraît presque humaniste, puisqu’elle réunit enfants et parents dans une même prison !

 

 L’État de droit, c’est ringard

 J’en viens maintenant au deuxième point de mon argumentation : la loi du 30 octobre 2017 « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ». Avec cette loi, M. Macron pérennise une bonne partie des mesures d’état d’urgence qu’il était censé abroger. Concrètement, cela veut dire plus de pouvoir pour la police et moins de pouvoir pour la justice. Police partout, justice nulle part, comme disait Victor Hugo. Avant même l’élection de M. Macron, la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme) avait prévenu que rendre l’état d’urgence permanent revenait à mettre fin à l’État de droit. On pourra trouver sur ce lien une interview de la présidence de la CNCDH, et un texte de cette même CNCDH sur cet autre lien. J'en cite un extrait en annexe.

 Qu’en est-il, maintenant qu’a été votée la loi du 30 octobre 2017 « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » ? Certaines mesures de l’état d’urgence, éventuellement modifiée, ont été maintenues, dont l’assignation à résidence de « toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics ». Cette assignation à résidence comporte l’obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou de gendarmerie, et ce jusqu’à une fois par jour. Elle pourra être prolongée jusqu’à 12 mois. S’agira-t-il seulement de prévenir de nouveaux attentats ? On peut en douter, quand on sait que l’état d’urgence a servi en 2015 à assigner à résidence des militants écologistes. Ordre public, que d’abus on commet en ton nom !

Un autre article controversé porte sur les contrôles d’identité dans toutes les zones situées dans un rayon de 10 kilomètres autour des ports et des aéroports internationaux. Cela revient à légaliser, dans les parties les plus densément peuplées du territoire français, la pratique délicieusement raciste du contrôle au faciès. Pour plus de renseignement, on pourra lire en annexe ou en cliquant ici un texte de Christine Lazerges, présidente de la CNCDH.

 

Pas de pitié pour les fouille-merde !

Passons rapidement sur la troisième mesure prouvant le caractère illibéral de M. Macron : la fameuse loi sur le « secret des affaires ». Deux pétitions ont été rédigées contre le projet de loi, chacune ayant recueillie plus de 500 000 signatures. On pourra les trouver ici et . La première, promue par Élise Lucet, a été signée par plusieurs journalistes très célèbres, et pas nécessairement d’extrême gauche, comme David Pujadas ou Christophe Barbier. Elle dénonçait un projet de loi liberticide qui, sous prétexte de protéger le secret commercial, était une entrave très sérieuse à la liberté d’informer. On trouvera en annexe le texte de cette pétition. Ces mobilisations citoyennes ont permis quelques amendements atténuant la gravité du projet de loi. Cependant, les lanceurs d’alerte et les journalistes ont toujours des soucis à se faire, comme l’explique notamment ce texte de Reporters Sans Frontières.

On pourra également aller sur le site de l’association Acrimed pour y visionner des vidéos très instructives. L’un des intervenants y explique notamment que la loi sur le secret des affaires est une transposition d’une directive européenne, qui a failli avoir lieu déjà sous le quinquennat de M. Hollande. Comme quoi, les lobbyistes des multinationales ont de la suite dans les idées, et ils bénéficient d’un haut degré de complicité chez les politiciens français et européens.

 

Et sur le plan économique ?

On vient de voir ce qu’il en était du libéralisme politique de M. Macron. Ce Président, qui se dit si attaché à la liberté de la presse et aux libertés publiques, mène une politique xénophobe, sape les fondements de l’État de droit et s’attaque éhontément à la liberté d’informer. Est-il si différent, au fond, d’un Viktor Orbán ?

Passons maintenant à la politique économique de M. Macron. Certains aspects de celles-ci sont indubitablement libéraux. Je pense tout particulièrement aux tristement célèbres ordonnances qui, dans la continuité de la loi El Khomri, ont considérablement réduit les droits des salariés au profit des chefs d’entreprise. Avec M. Macron, la République est en marche… vers le 19ème siècle.

Il ne faudrait cependant pas croire que la politique économique du gouvernement actuel soit intégralement libérale. Il est vrai que le libéralisme pur et dur n’a sans doute jamais existé. Le libéralisme réellement existant a toujours accordé plus de libertés aux plus riches et aux plus instruits qu’aux personnes des classes populaires – surtout si elles avaient le mauvais goût d’être étrangères ou d’appartenir à une minorité ethnique ou « raciale ».

Mais revenons-en à M. Macron. Faisons tout d’abord une remarque très simple : il n’est pas possible de séparer totalement la vie économique des autres domaines de la vie sociale. Voilà pourquoi il y a des liens entre le libéralisme politique et le libéralisme économique. S’attaquer au premier, c’est s’attaquer à certains aspects du second. Restreindre les droits des migrants et des demandeurs d’asile, c’est restreindre la liberté de circulation des personnes, qui est un des piliers du libéralisme économique. Préserver le « secret des affaires » contre les lanceurs d’alerte et les journalistes, c’est empêcher les consommateurs d’être informés sur les entreprises. Cela va donc contre un autre pilier du libéralisme économique : la concurrence libre et non faussée.

De manière générale, le libéralisme économique de M. Macron vise essentiellement à favoriser les puissants contre les faibles : les riches contre les pauvres (dont les aides vont être rabotées, sous le prétexte qu’elles ne suffisent pas à les sortir de la pauvreté) ; les patrons contre les salariés ; les grosses entreprises contre les faux indépendants, victimes de l’ubérisation de l’économie, etc. En témoigne, par exemple, le recul du gouvernement par rapport à son projet de réforme de l’impôt sur les successions. Toute une respectable tradition libérale s’oppose – avec plus ou moins de vigueur – au principe de l’héritage, institution qui favorise un comportement de rentier plus que des investissements utiles à l’activité économique. C’est pourquoi M. Macron et ses collaborateurs avaient envisagé de réformer l’impôt sur les successions, afin de l’alourdir – pour les plus gros héritages – et de favoriser les donations. Bizarrement, ils sont revenus sur ce projet….

 

Conclusion

Si on cesse un moment de considérer la France comme le centre du monde et l’année 2018 comme le moment le plus important de l’histoire humaine, on s’aperçoit que la présidence de M. Macron n’a rien de très original. Elle s’inscrit dans un processus déjà ancien, et qui s’observe dans de nombreux pays. On pourrait le résumer ainsi. Les plus riches deviennent toujours plus riches et toujours plus puissants. Les inégalités progressent, non seulement dans le domaine économique, mais aussi dans le domaine de l’instruction et de l’accès au pouvoir politique. La minorité des privilégiés se désintéresse de plus en plus du sort des masses. Pour augmenter encore sa fortune, elle casse le droit du travail, cesse de financer les services publics et la protection sociale et soustrait allègrement son argent au fisc. Ce faisant, elle suscite toujours plus de rancœur de la part des classes populaires et d’une fraction des classes moyennes. Pour prévenir tout risque d’une révolution, deux types de mesures sont régulièrement adoptés :

Quand on a compris cela, on se rend compte que le principal adversaire n’est pas le « néolibéralisme », ni l’« illibéralisme » : c’est une oligarchie capitaliste, qui fait feu de tout bois pour faire perdurer son pouvoir ad aeternam. Peu lui chaut qu’on l’accuse d’être trop libérale ou pas assez libérale. Tel le loup de la fable, elle est prête à sortir n’importe quel sophisme pour justifier sa domination.

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Annexes

 

Extrait de Contre un état d’urgence permanent, un texte de la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme) de décembre 2016

L’intégralité est accessible ici.

« 6. La CNCDH souligne que la logique de l’état d’urgence interdit de penser la réponse à la menace terroriste en des termes qui ne soient pas exclusivement sécuritaires. Par la rhétorique martiale permanente qu’elle mobilise, elle empêche de replacer le débat sur des bases rationnelles, seules aptes à fonder une politique efficace. Une telle démarche s’impose d’autant plus rapidement que, pour la CNCDH, l’inscription de l’état d’urgence dans la durée fait courir à la démocratie des dangers qui sont principalement de quatre ordres.

  1. En premier lieu, l’amplification des pouvoirs de l’administration fait, de façon immédiate, courir le risque d’une propagation des restrictions à l’exercice des libertés publiques allant bien au-delà du champ de la lutte antiterroriste, par l’effet d’un détournement progressif de la procédure de l’état d’urgence, transformant celle-ci en un instrument du maintien de l’ordre public. Cette extension est à double détente. D’une part, des mesures individuelles sont fréquemment motivées par des considérations étrangères à celles ayant présidé à la déclaration de l’état d’urgence. Des interdictions de séjour ou des zones de protection ont ainsi été décidées en-dehors de tout risque terroriste. D’autre part, l’arsenal mis à disposition des préfets par l’état d’urgence s’est élargi, pour venir doubler des mesures que ceux-ci sont autorisés à prendre, dans des conditions nettement plus étroites, au titre de leur pouvoir usuel de police générale.
  2. En deuxième lieu, en touchant presque exclusivement des personnes de confession musulmane réelle ou supposée, et en aggravant le sentiment d’être victimes d’ostracisme, les mesures prises sur le fondement de la loi de 1955 compromettent la cohésion nationale. En particulier, parce qu’elles sont visibles et stigmatisantes, les perquisitions et les assignations à résidence sont de nature à susciter durablement ressentiment et suspicion de part et d’autre. Aussi bien, l’inscription dans la durée de l’état d’urgence menace de diviser la société et de défaire le lien de citoyenneté, à un moment où l’unité nationale est, de façon pleinement justifiée, proclamée comme symbole de la solidité et de la dignité de la République.
  3. En troisième lieu, cet état d’urgence qui tend à devenir permanent est de nature à bouleverser les rapports entre les citoyens, la loi et la puissance publique. L’action de l’administration se veut prédictive, afin de prévenir la réalisation du risque. Les faits et gestes d’une personne, consignés dans des « notes blanches » dont l’origine n’est pas identifiable, peuvent, sans être contraires à la loi, être qualifiés de menaçants pour l’ordre public et justifier comme tels une mesure restrictive de liberté. Cette prise en compte d’agissements qui ne sont pas par eux-mêmes illégaux n’est pas sans évoquer une mise sous tutelle des libertés fondamentales, dont l’exercice s’exposerait à réinterprétation de la part des pouvoirs publics. Le juge ne décide plus l’ingérence dans les droits de l’individu. Son intervention se fait après coup, sur saisine de l’intéressé à qui il revient d’agir pour la défense de ses droits. La répression pénale n’est pas évincée pour autant, le non-respect de mesures telles que l’assignation à résidence, l’interdiction de séjour ou de manifester, étant réprimé par des peines d’emprisonnement. »

 

Extrait de la loi du 30 octobre 2018 « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme »

On trouvera le texte intégral en cliquant sur ce lien.

« Art. L. 228-1.-Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre.

« Art. L. 228-2.-Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de :
« 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ;
« 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ;
« 3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation.
« Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites.

 

Extrait d’une note de Christine Lazerges, présidente de la CNCDH, sur la loi du 30 octobre 2017

L’intégralité peut être trouvée en cliquant sur ce lien.

« L’article 19 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017, qui fait partie du Chapitre III intitulé « Contrôles dans les zones frontalières » a inséré de nouvelles dispositions à l’article 78-2 du CPP sur les contrôles d’identité. L’article prévoit également une modification de l’article 67 du code des douanes et des conditions de vérification des titres de séjour des « personnes dont la nationalité étrangère peut être déduite d'éléments objectifs extérieurs à la personne même de l'intéressé ». Le texte a étendu les contrôles d’identité frontaliers dans un rayon maximal de 10 kilomètres autour des gares, des ports et des aéroports et a doublé le temps de contrôle des titres autorisant le séjour, passant de 6 heures à 12 heures. Il existe une véritable inquiétude sur l’extension de ces contrôles d’identité, sur leur durée et leur application dans l’espace. Les mesures prises ne semblent pas nécessaires ni proportionnées au but poursuivi (la lutte contre le terrorisme ?) et risquent de créer des contrôles discriminatoires, fondés sur l’apparence. Quels sont les individus qui vont être concernés par ces contrôles ? Des personnes ciblées en raison de leur âge, vêtements ou couleur de peau. De tels contrôles sont condamnés par les juridictions françaises et internationales. Il convient de rappeler que la Cour européenne des droits de l’homme condamne vivement les discriminations raciales. Dans un arrêt Timishev c. Russie du 13 décembre 2015, elle avait rappelé que « la discrimination raciale est une forme de discrimination particulièrement odieuse qui exige une vigilance spéciale et une réaction vigoureuse de la part des autorités ». Plus récemment, la Cour d’appel de Paris avait jugé dans des arrêts du 25 juin 2015 que les contrôles discriminatoires constituent une faute lourde pouvant entraîner la responsabilité de l’Etat. Ces décisions ont été confirmées par la Cour de cassation le 9 novembre 2016. Au surplus, ces nouvelles dispositions peuvent apparaître contraires au droit de l’UE qui n’autorise de tels contrôles qu’à la condition que ces mesures ne s’apparentent pas à un rétablissement des contrôles aux frontières, contraire à la libre circulation des personnes.

Conformément à la jurisprudence de la CJUE, le contrôle ne peut pas consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones mentionnées. Or, il n’apparaît pas assez défini et encadré en termes d’intensité et de fréquence. Ces mesures présentées comme des outils de lutte contre le terrorisme sont-elles vraiment destinées à cette fin ? La rédaction de l’article n’évoque même pas la lutte contre le terrorisme.

L’article 67 du code des douanes confirme ce questionnement : chaque personne qui arrive à l’aéroport peut se faire contrôler sans motif, il s’agit plutôt d’une mesure de lutte contre l’immigration irrégulière. Ces dispositions sont dangereuses car les risques d’abus sont réels. A titre d’exemple, la situation à la frontière italienne est particulièrement préoccupante. Les associations sur place ont pu constater la mise en place de nombreux contrôles d’identité systématiques, notamment dans les trains, à l’égard des personnes « d’apparence migrante ». L’objectif de ces contrôles est de renvoyer les migrants avant même qu’ils aient pu déposer une demande d’asile, ce qui est susceptible de caractériser une violation du droit d’asile.

On voit mal où est le lien avec la menace terroriste. En revanche, les prérogatives données aux forces de l’ordre sont immenses.

L’article 19 de la loi du 30 octobre 2017 fait craindre l’introduction d’un contrôle au faciès généralisé, avec l’objectif de contrôler les frontières et de lutter contre l’immigration irrégulière, créant de fait un amalgame entre immigration et terrorisme, ce qui contribue à créer de l’insécurité. Il ancre les prérogatives des forces de l’ordre dans le tout répressif. » 

 

Pétition contre le projet de loi sur le secret des affaires

Texte d’Élise Lucet – Source : cette page web

 

« Bientôt, les journalistes et leurs sources pourraient être attaqués en justice par les entreprises s’ils révèlent ce que ces mêmes entreprises veulent garder secret. A moins que nous ne réagissions pour défendre le travail d’enquête des journalistes et, par ricochet, l’information éclairée du citoyen. 

Sous couvert de lutte contre l’espionnage industriel, le législateur européen prépare une nouvelle arme de dissuasion massive contre le journalisme, le "secret des affaires", dont la définition autorise ni plus ni moins une censure inédite en Europe. 

Avec la directive qui sera bientôt discutée au Parlement, toute entreprise pourra arbitrairement décider si une information ayant pour elle une valeur économique pourra ou non être divulguée. Autrement dit, avec la directive "Secret des Affaires", vous n’auriez jamais entendu parler du scandale financier de Luxleaks, des pesticides de Monsanto, du scandale du vaccin Gardasil... Et j’en passe.

Notre métier consistant à révéler des informations d’intérêt public, il nous sera désormais impossible de vous informer sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique de nos pays. Les reportages de "Cash Investigation", mais aussi d’autres émissions d’enquête, ne pourraient certainement plus être diffusés.

Avec ce texte, un juge saisi par l’entreprise sera appelé à devenir le rédacteur en chef de la Nation qui décide de l’intérêt ou non d’une information. Au prétexte de protéger les intérêts économiques des entreprises, c’est une véritable légitimation de l’opacité qui s’organise.

Si une source ou un journaliste "viole" ce "secret des affaires", des sommes colossales pourraient lui être réclamées, pouvant atteindre des millions voire des milliards d’euros, puisqu’il faudra que les "dommages-intérêts correspond(ent) au préjudice que celui-ci a réellement subi". On pourrait même assister à des peines de prison dans certains pays.

Face à une telle menace financière et judiciaire, qui acceptera de prendre de tels risques ? Quel employé - comme Antoine Deltour à l’origine des révélations sur le le scandale Luxleaks - osera dénoncer les malversations d’une entreprise ? Les sources seront les premières victimes d’un tel système, mais pas un mot ne figure dans le texte pour assurer leur protection.

Les défenseurs du texte nous affirment vouloir défendre les intérêts économiques des entreprises européennes, principalement des "PME". Étonnamment, parmi celles qui ont été en contact très tôt avec la Commission, on ne relève pas beaucoup de petites PME, mais plutôt des multinationales rôdées au lobbying : Air Liquide, Alstom, DuPont, General Electric, Intel, Michelin, Nestlé et Safran, entre autres.

Ces entreprises vont utiliser ce nouveau moyen offert sur un plateau pour faire pression et nous empêcher de sortir des affaires …

Vu l’actualité Luxleaks, nous ne tolérons pas que nos élus se prononcent sur un texte aussi grave pour la liberté d'expression sans la moindre concertation avec les représentants de la presse, les lanceurs d'alertes et les ONG. Seuls les lobbies industriels ont été consultés.

Nous, journalistes, refusons de nous contenter de recopier des communiqués de presse pour que vous, citoyens, restiez informés. Et comme disait George Orwell : "Le journalisme consiste à publier ce que d’autres ne voudraient pas voir publié : tout le reste n’est que relations publiques".

C’est pourquoi je demande, avec l’ensemble des signataires ci-dessous, la suppression de cette directive liberticide.

Une commission de députés européens, la commission JURI, se réunit dans les prochaines semaines pour valider ou non ce texte. C'est le moment de nous mobiliser pour dire non à la censure en Europe.


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