Macron, le marchand de sable

par olivier cabanel
mardi 5 février 2019

Guillaume Meurice, l’humoriste persifleur de France Inter, a résumé récemment assez bien la situation créée par le débat national lancé par le chef de l’état : «  il vendrait du sable au Sahara  »... mais le marchand de sable, c’est aussi celui qui permet de nous endormir...

Vielle légende qui remonte au 17ème siècle, qui raconte que, lorsque la fatigue commence à se faire sentir, avec les yeux qui piquent, c’est qu’on avait « du sable dans les yeux », à cause d’un personnage, le marchand de sable, qui jetait du sable dans les yeux des enfants...lien

Le marchand de sable est donc passé, sous la forme d’un « grand débat national », et on verra bien si, à la fin mars, les français se seront rendormis, ou si, bien au contraire, la colère qui mène leur détermination persistera.

Au-delà de ça, quelques intellectuels s’interrogent sur la « méthode macron », celle qui lui a permis de gagner le poste suprême, et celle qui aujourd’hui continue d’agir sur une partie des électeurs.

Pour quelques spécialistes, Il s’agirait d’une forme d’hypnotisme, méthode qu’il avait pratiquée pour gagner l’élection, comme l’expliquait dans le détail un certain Jérôme Delecraz, en janvier 2017.

Il nous explique de quelle façon Macron a pratiqué, et pratique encore aujourd’hui, ce qui est qualifié « d’attention sélective  », méthode qui permet, entre autres, de gérer les représentations mentales et de modifier nos réponses aux simulations.

Pour faire court, le but de « l’attention sélective » étant de sélectionner les informations importantes en inhibant les informations qui ne le sont pas. lien

Delecraz n’est pas le seul à avoir évoqué ce talent « d’hypnotiseur » utilisé par Macron, et Phloem Sev, dans son blog, décrit de quelle manière le futur président recrutait ses partisans, utilisant cette technique de focalisation de l’attention, première étape de toute mise en transe dissociative. (Phloem Sev est hypnotiseur et formateur en auto défense intellectuelle. lien)

Il décrypte pour nous la méthode employée.

Un chauffeur de salle, appelé community manager, passait tout son temps, lors des meetings du candidat, à envoyer aux recrutés devenus militants, des messages courts, via Télégram, avec des tournures proches du « Dormez, je le veux », chères aux hypnotiseurs, des formules du genre : « on lève les drapeaux !... je veux du Macron président... on va gagner... GOGOGOOO ! ». lien

C’est probablement en partie ainsi que Macron est parvenu à emporter l’adhésion de public parfois hostile, comme on a pu le constater lors des récents débats qu’il a lancé face à de nombreux maires, débats qui ont duré parfois jusqu’à 7 Heures. lien

Auparavant, pour tenter de se réconcilier avec eux, vu qu’il avait boudé leur congrès annuel, il en avait invité plusieurs milliers à l’Elysée, pratiquant ce que certains n’ont pas hésité à qualifier de « séance de calinothérapie ». lien

Mais revenons au « grand débat » et aux cahiers de doléances.

Il n’est pas inutile de se remettre en mémoire ceux qui avaient été lancés en mars-avril 1789 par Louis XVI, à destination de la noblesse, le clergé, et du Tiers-Etat.

Résultat des courses, les préoccupations, doléances donc, portaient sur «  les impôts jugés trop lourds, injustes, les privilèges, le système seigneurial dans le domaine de la justice, l’accaparement des emplois publics par la noblesse, le contrôle des impôts par les Etats Généraux  »...

On ne peut que constater la convergence des préoccupations d’alors avec celles qui nous traversent aujourd’hui.

Les impôts et surtout les taxes diverses assommaient les français...les « élites » bénéficiaient de privilèges, profitant d’une justice plutôt bienveillante, occupant les meilleurs emplois, le contrôle des impôts étant confié au gouvernement, avec une quasi impossibilité de contrôle de la part du peuple.

Cette justice bienveillante que l’on redécouvre aujourd’hui, quand un ministre chargé de traquer les fraudeurs fiscaux, se retrouve pris le doigt dans le pot de confiture, et échappe malgré tout à la prison, alors qu’un pauvre hère fera trois mois de prison pour le vol d’un fromage de chèvre. lien

Cette convergence entre la situation des français de 2019, et ceux de 1789, sera encore plus évidente lorsque la compilation de de toutes les contributions aura été effectuée, sans s’inquiéter de la sincérité de ceux qui auront organisé cette compilation.

Et comme en 1789, ce seront les doléances du « petit peuple », ceux qualifiés par Hollande de « sans dents », qui seront majoritaires...mais seront-elles retenues pour autant... on peut en douter ?

Car en fin de compte, c’est le monarque, qu’il soit un président de la 5ème République, en 2019, ou un Roi, en 1789, qui décidera de ce qu’il veut agréer.

Pas étonnant dès lors que 70% des français doutent dès aujourd’hui du résultat du débat, convaincus par avance que le grand débat accouchera d’une souris. lien

Dès lors, Macron envisagerait de lancer un référendum avec des questions ciblées et multiples, qui assiéraient l’autorité du gouvernement, tout en assurant qu’il fera « tout son possible » pour tenir compte des désidératas de « son bon peuple ».

Pourtant Macron hésite à lancer ce référendum, n’ayant pas oublié qu’un certain Charles de Gaulle, le 27 avril 1969, en avait lancé un, il s’agissait de régionalisation, et de réformer le Sénat, mais surtout, entre les lignes, d’assoir son autorité, contestée à l’époque par une partie importante de citoyens.

Auparavant, le 30 mai 1968, une énorme manifestation de soutien au Général De Gaulle, téléguidée par son gouvernement, avait été organisée, (lien) et fort de ce soutien, il avait renoncé provisoirement à organiser un référendum. lien

Il s’agissait, tout comme aujourd’hui, de tenter de trouver une issue à la crise, menée par la « chienlit » de 1968, suivie peu après par la grève massive dans les usines, laquelle avait conduit à un véritable blocage du pays. L’augmentation du Salaire Minimum de 35% négociée entre les syndicats et Pompidou, alors 1er Ministre, n’avait pas changé la donne. Alors finalement, pour assoir définitivement son autorité, De Gaulle lança sont référendum sur le thème de la régionalisation et de la réforme du Sénat.

En effet, c’est avec 52,41% des suffrages exprimés que la réforme proposée par De Gaulle sera rejetée, mettant fin à 11 années d’une présidence gaullienne, devenu insupportable pour grand nombre de français, vis-à-vis d’un Président qui lui aussi se sentait jupitérien.

 « Je cesse d’exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd’hui à midi », avait-il déclaré avec un certain panache. lien

Pourtant de nombreux français voulaient une réforme du sénat, et de l’assemblée nationale, concernant d’une part leur nombre, et leurs énormes privilèges.

Si le référendum lancé par De Gaulle avait donc échoué, ce n’était donc pas sur le projet de réforme que les français avaient répondu, mais plutôt pour exprimer leur volonté de lui dire NON.

Mais revenons à 2019.

On comprend l’hésitation actuelle de Macron, car ce référendum qu’il envisage pourrait être assez contreproductif pour lui.

Pour tenter de reprendre la main, il a fait quelques modestes cadeaux aux GJ, lancé des débats, fait le tour de la France des « petits élus », provoqué une manifestation de foulards rouges, largement improductive, dont la mobilisation estimée à 10 000 manifestants, (mais par d’autres dix fois moins), et les slogans utilisé par les « foulards rouges » en disaient long sur leur vision du monde, criant « merci la police », et répondant à une militante qui scandait « macron démission » par un « ferme ta gueule salope »...ambiance. lien

Quand Marlène Schiappa déclare à Jean-Jacques Bourdin : « doubler le salaire de mes collaborateurs était une mesure sociale indispensable, comment voulez-vous décemment vivre avec 5000 € par mois », on comprend le gouffre qui existe entre les « élites », et la France d’en bas. lien

Et les Gilets Jaunes sont toujours là...

Il reste donc beaucoup de questions qui se posent : le score des européennes de la REM pourrait désavouer le gouvernement, et si finalement Macron lance son référendum, tout ça pourrait tourner en « eau de boudin ».

En cas d’échec, aura-t-il le panache d’un De Gaulle, qui avait quitté l’Elysée ?... ou s’entêtera-t-il à rester ?

L’histoire nous le dira, mais comme dit mon vieil ami africain : « le poulailler reste un paradis pour le coq, malgré la puanteur du lieu  ».

Le dessin illustrant l’article est de Hachepe

Merci aux internautes pour leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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