Macron : le président détestable

par Laurent Herblay
samedi 29 janvier 2022

Bien sûr, tout ou presque a déjà été dit ou écrit au sujet des déclarations fracassantes du président aux lecteurs du Parisien, qui a donc « très envie d’emmerder les non vaccinés jusqu’au bout », ainsi que d’être candidat. Sa déclaration, soigneusement orchestrée, jusqu’à la ligne de défense de ses troupes, et le fait qu’il l’assume quelques jours après, n’en est pas moins un révélateur particulièrement puissant du caractère totalement détestable de cette présidence, qui dépasse encore les précédentes.

 

Faute politique, mais aussi erreur tactique

Ses vœux bien tièdes n’avaient pas imprimés à force d’être creux, ne permettant pas au président de reprendre la maîtrise de l’agenda politique, alors que l’explosion du nombre de cas plaçait l’exécutif face à une partie de ses contradictions. Il est très clair qu’il s’agissait d’un coup de communication, aussi cynique que machiavélique, une forme de « trumpisme des élites » pour reprendre le terme bien vu d’Arnaud Benedetti, qui a parfaitement décrypté la manœuvre de l’Elysée. Le but de Macron était multiple : dominer l’actualité politique par une déclaration choc, et, comme l’a remarquablement pointé Vincent Trémolet de Villers dans un bel éditorial, à lire, du Figaro, et tenter abusivement de faire porter la responsabilité de la crise actuelle sur les non vaccinés, pour s’en exonérer, tout en mettant en difficulté Valérie Pécresse, par une stratégie de bouc-émissaire classique des extrémistes et des régimes totalitaires.

Avec 90% de vaccinés, dont une partie qui incrimine agressivement les non vaccinés, jusqu’à suggérer qu’ils ne soient plus soignés, que leurs soins ne soient plus pris en charge, ou même qu’ils ne touchent plus d’allocations-chômage, comme a osé le suggérer Christian Estrosi, ce discours peut paraître gagnant, d’autant plus que la majorité des grands médias soutient ce narratif, en présentant la réalité d’une manière pas moins biaisée que certains antivax. D’où le discours de Jean Castex qui affirme que les non vaccinés occuperaient l’essentiel des places de réanimations pour incriminer, s’appuyant parfois sur des staistiques extrêmement parcellaires, parfois d’un seul hôpital. Pourtant, comme l’a montré le Figaro, les données globales, si elles confirment que la vaccination permet une forte réduction des cas graves, sont moins caricaturales, avec 43% des hospitalisations, 55% des entrées en réa et 40% des décès.

Mais si l’outrance a le mérite, tout trumpien, de créer un effet de souffle sur l’actualité, pas sûr que le calcul présidentiel ait été le bon. D’abord, comme la plupart des commentateurs l’ont souligné, cela était totalement contradictoire avec sa très longue interview de décembre où il faisait une forme de mea culpa de ses propos chocs du passé. A quoi bon dire ce qu’il a dit en décembre pour retomber dans ses travers trois semaines après seulement ? Cette contradiction pose un triple problème. D’abord, elle ancre jusqu’au 10 avril l’image d’un président agressif et irrespectueux à l’égard des Français. Ensuite, elle souligne ses contradictions et son manque de sincérité, qui sont la réalité de son « en même temps », comme le montre sa sortie sur la citoyenneté, alors même qu’il refusait de la dénier à des terroristes  !

Enfin, cela pointe son caractère assez détestable, comme s’il était un enfant mal éduqué incapable de se maitriser, alors que la représentation est tout de même un élément majeur de la fonction qu’il occupe. Cela est d’autant plus le cas, comme quelques uns l’ont souligné, que Macron parle de son « envie », tout autant d’emmerder certains Français qui respectent pourtant la loi, que d’être candidat. Le mot a son importance et renvoie à une vision finalement bien puérile des choses. Il aurait pu dire que sa stratégie consistait à faire peser les contraintes sur les non vaccinés et qu’il continuerait sur cette ligne. Le terme envie, par-delà son caractère puéril renvoit à quelque chose qui n’est pas rationnel, une forme de pari politique qui consiste à faire des non vaccinés les bouc-émissaires commodes de la crise sanitaire. Idem sur sa candidature : parler d’envie est assez aterrant et montre le manque de hauteur du personnage.

D’ailleurs, des enquêtes d’opinion indiquent que son pari ne sera pas forcément gagnant en vue du 24 avril. S’il y a 20% des Français qui sont d’accord sur le fond et la forme, solidifiant probablement son socle du premier tour, en revanche, les sondages montrent un rejet très majoritaire de la forme, et jusqu’à 50% en désaccord sur le fond et la forme (selon un sondage de Marianne), refusant tout autant la forme indigne de la fonction, que le fond des mesure de discrimination des non vaccinés. Pour les Echos, seuls 19% ne les trouvaient pas du tout choquants, et 57% les trouvaient choquants, dont 35% très. Et si une enquête du Figaro pointait un accord majoritaire sur le fond, elle pointait aussi que 59% des Français trouvaient le président brutal, et 65% qu’un président ne devrait pas dire cela. D’ailleurs, sa popularité globale a reculé dans la plupart des enquêtes réalisées après son coup de communication.

Tout le discours de la majorité s’est révélé détestable à cette occasion. Tenter d’amoindrir l’importance du mot « emmerder » en faisant un parallèle avec Pompidou était totalement ridicule, et montre à nouveau que la macronie prend les Français pour des imbéciles et n’hésite jamais à tenter de faire passer des vessies pour des lanternes. D’une part il s’agit d’un propos public, revu et validé par le président dans le cadre d’un entretien bien calibré, de l’autre d’un propos privé. D’une part un président qui veut « emmerder » certains Français, de l’autre un qui souhaitait ne pas le faire... Cette ligne de défense est aussi indigente que malhonnête et rend cette majorité encore plus détestable. Et que dire de la gestion de la crise sanitaire d’un Macron qui a supprimé plus de 17 000 lits d’hôpitaux depuis 2017, et qui n’a révélé qu’une propension aux monstruosités bureaucratiques pour compenser ses retards opérationnels.

En outre, en parlant de la sorte, Macron s’est créé un sparadrap du capitaine Haddock, le terme étant même repris aujourd’hui par Edouard Philippe à son égard… En parlant de la sorte, s’il a pu consolider sa position auprès du bloc élitaire, qui devrait le porter au second tour, il pourrait bien avoir contribué à souder une majorité prête à vouloir l’emmerder le soir du 24 avril, quel que soit son opposant…


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