Macron sera-t-il le fossoyeur de la décentralisation ?
par Michel DROUET
vendredi 6 juillet 2018
Tout allait pour le mieux, au début…
Tout le monde se souvient des progrès réalisés en matière d’investissements et de fonctionnements des collèges et des lycées, de l’amélioration des routes, des transports régionaux ferroviaires ou bien des transports scolaires.
C’était l’époque bénie où les transferts financiers de l’Etat (généreux au début : il fallait que la décentralisation réussisse) et leur augmentation constante année après année permettaient notamment aux Départements et aux Régions d’investir dans des projets dépassant le cadre strict des compétences dévolues pour le plus grand bien des édiles locaux en leur permettant d’accroitre leur aura auprès des Maires et des électeurs.
Au début, également, on recrutait à tour de bras dans ces collectivités, parce que les transferts de personnel de l’Etat n’avaient pas été à la hauteur des besoins.
C’était aussi l’époque de la croissance de la fiscalité locale.
Et puis, et puis,…
On s’est dit qu’en descendant un peu plus dans l’échelle des territoires, on arriverait à créer d’autres dynamiques et on a créé les communautés de communes, exercice raté au début puisque les barons départementaux soucieux de garder la main sur le petit peuple des communes ont fait en sorte que ces nouveaux territoires restent sous leur tutelle en les limitant aux cantons existants.
On s’est dit également qu’il y avait beaucoup de syndicats intercommunaux (regroupements d’écoles, adduction d’eau, ordures ménagères,…) créés au fil du temps au gré des accointances politiques des communes et parfois sans souci de cohérence territoriale et d’économies financières.
On s’est dit aussi que les grandes agglomérations confrontées à des problématiques spécifiques se devaient d’avoir des statuts spécifiques et que malgré tout cela, les découpages territoriaux n’étaient pas toujours cohérents par rapport aux bassins d’emplois et aux habitudes des citoyens. Alors, on a créé des Pays, espaces de coopération entre intercommunalités.
L’empilement des collectivités a-t-il été un bien ?
Pas sûr ! Les français sont avant tout attachés à leur commune et à leur Maire, même si aujourd’hui les décisions importantes sont prises par les intercommunalités. Certaines communes n’ont de commune que le nom. Cela se décide ailleurs et les rares espaces décisionnels des élus des petites communes concernent le quotidien des poubelles, des problèmes de nuisances entre voisins, étant entendu que les finances contraintes ne permettent pas d’investir et de développer sans l’aval de l’intercommunalité.
Sur le plan des fonctionnaires territoriaux, on a connu une inflation des effectifs, chaque intercommunalité créée se dotant de nouveaux personnels alors que les effectifs dévolus pour les mêmes missions dans les communes restaient en place, d’où explosion des budgets.
S’agissant de la démocratie locale, nous sommes passés de la commune où se décidait beaucoup de choses à un truc mal connu des français qui ne savaient plus à quelle porte frapper pour avoir des réponses à leurs préoccupations.
Pendant ce temps là…
L’Etat a continué de décentraliser des missions aux départements et aux Régions avec la gestion des personnels des collèges et lycées et ceux des routes nationales devenues départementales. Ces deux collectivités sont devenues en peu de temps des machines à gérer du fonctionnement dont elles se seraient bien passées et la dynamique de l’investissement que l’on pouvait observer au début de la décentralisation s’est peu à peu éteinte.
On s’est longuement posé la question de la suppression des conseils généraux. Sous Sarkozy, il a été question de les fusionner avec les Régions, mais en gardant le même nombre d’élus (la question de la diminution du nombre d’élus n’a jamais été abordée et pour cause : les élus et les partis politiques étaient contre), alors que les assemblées départementales coûtent très cher en fonctionnement (indemnités d’élus, frais de communication et de fonctionnement des assemblées,…). Hollande a mis fin au projet élaboré par son prédécesseur ce qui ne l’a pas empêché de prévoir la suppression des conseils généraux puis de revenir sur cette décision (le lobby des élus locaux est très puissant).
Un mouvement de regroupement des communes est en cours. Il a produit quelques effets grâce à des incitations financières, mais il restera forcément limité compte tenu des réticences des élus eux-mêmes et des administrés
Dernier avatar, le regroupement des Régions avec regroupements de tous les élus et toutes les administrations et inflation des coûts de fonctionnement du fait de l’éloignement : tout ce qu’il ne fallait pas faire…
Et Macron est arrivé…
Dans son programme, il a prévu de fusionner des départements avec certaines grandes métropoles, mais connaissant la technique déjà en œuvre qui veut que tout regroupement se traduise par des surcoûts alors que logiquement des économies d’échelles sont possibles, on ne peut qu’être dubitatifs.
Sous Macron, la question des compétences ne se posent plus, c’est la question financière qui est mise en avant et toute réforme doit intégrer cette dimension.
Les rapports financiers entre l’Etat et les collectivités locales ont été profondément modifié et celles-ci se trouvent sommées d’appliquer un taux directeur décidé par l’Etat à leurs dépenses de fonctionnement ce qui constitue un sérieux coup de canif aux principes de la décentralisation.
Mieux, même, à Bercy on plaide pour l’unification des budgets publics (Etat, Collectivités locales, Sécurité Sociale) afin de plaire aux institutions européennes, ce qui constituerait un retour à la tutelle financière en vigueur avant 1983.
Où se trouve le maillon faible ?
C’est indubitablement le Département dirigé par le Conseil Départemental avec ses compétences très marquées par les dépenses sociales dont Macron dit que « cela coûte un pognon dingue ». Plus de 60 % des dépenses des départements sont des dépenses d’interventions sociales et de coût des personnels qui les exercent sur le terrain.
Par ailleurs, dans la mesure où l’investissement des Départements diminue comme peau de chagrin au fil du temps et que 80% des dépenses sont des dépenses de fonctionnement incompressibles on est en droit de se demander si on a encore besoin d’une assemblée d’élus pour diriger ces collectivités.
Ne vaudrait-il pas mieux transférer les quelques compétences résiduelles (routes, collèges, aménagement du territoire,…) aux Régions (qui gèrent déjà les lycées) et demander à l’Etat de reprendre l’ensemble des compétences sociales comme c’était le cas avant avec les DDASS et d’assumer lui-même sa politique de fermeté ?
Cela aurait le mérite de la clarté et éviterait les empoignades médiatiques convenues entre élus locaux et Etat, sachant que ce dernier aura toujours raison. Cela suppose que les plus de 4000 élus départementaux se fassent harakiri, et ça, ce n’est pas gagné.
Les résultats de LREM aux élections locales seront déterminants. S’ils devaient se traduire par un désaveu de la politique de Macron dans les urnes, alors la voie de la diminution des collectivités locales serait ouverte.