Macron : un monde de contradictions... (1)

par Laurent Simon
samedi 13 mai 2017

La tension récente avec F. Bayrou [1], qui vient d'éclater au moment où nous écrivons ces lignes, montre les difficultés auxquelles doit faire face E.Macron : les objectifs de chacun sont compatibles à moyen terme, mais pas nécessairement à très court terme. Et la confiance que faisait F. Bayrou à E. Macron pourrait être affectée par ces tensions, avec l'impression d'avoir été trahi. Ce qui n'est évidemment pas très favorable pour E. Macron, même si cela peut améliorer temporairement les relations avec "la droite et le centre".

A l'issue de l'accord passé entre E. Macron et F. Bayrou, en février 2017, François Bayrou assurait, pendant un entretien télévisé, qu'il n'avait pas été question de circonscriptions... mais cela n'empêche pas qu'il ait pu y avoir un accord verbal sur un nombre d'investitures, dans le prolongement de l'accord (quantitatif) qu'il avait obtenu avec Alain Juppé avant les primaires.

Peut-être François Bayrou a-t-il trop fait confiance, dans le cadre d'un accord tacite ? L'expérience nous montre que l'implicite est très souvent porteur de conflits ultérieurs, chacun voyant midi à sa porte et interprétant à sa manière les termes d'un accord, même si cet accord avait semblé assez clair pour chacune des parties.

Peut-être E.Macron a-t-il été trop elliptique, à dessein ("un nombre conséquent de candidats Modem") ? Pour avoir plus de marge de manoeuvre par la suite, dans ce qu'il pressentait à juste titre comme très délicat ?

L'avenir nous dira comment évoluera cette tension entre ces deux tenants d'un espace central, pour la vie politique française. Il est possible que cela se règle grâce à la centaine de candidatures non publiée il y a 2 jours par "La république en marche", et que les ténors de la droite et du centre ne se bousculent pas pour les briguer. Peut-être François Bayrou aura-t-il 15 députés élus, ce qui lui assurerait un groupe à l'Assemble Nationale, une de ses demandes les plus fortes.

Ou faudra-t-il que l'Assemblée décide de diminuer à nouveau le nombre de députés nécessaires pour constituer un groupe ? Ou que certains élus "En Marche" rejoignent François Bayrou pour compléter son groupe ?

Si la tension n'est pas réglée rapidement, il faudra compter avec le temps pour résoudre ces difficultés. Il semble difficile à François Bayrou de déposer d'ici quelques jours de nombreuses candidatures, éventuellement en face de candidats 'En Marche'.

Notons aussi que ces difficultés sont renforcées par le système électoral actuel, n'ayant aucune dose de proportionnelle et ne facilitant pas la candidature de ceux qui ne bénéficient pas d'un parti puissant. Ce qui ne facilite pas l'émergence de forces politiques nouvelles.

La situation sera probablement différente quand une dose de proportionnelle aura été instaurée. Ce qui devrait augmenter significativement le nombre d'élus du FN... ce qui ne me réjouit pas ! Mais la virulence, l'extrêmisme et la dynamique 'hors système' des frontistes sont actuellement renforcés par une très faible représentation à l'Assemblée, et il faut combattre leurs allégations fantaisistes, et démonter leurs arguments qui n'en sont pas.

Cet épisode nous montre, s'il en était besoin, à quel point il peut être difficile de gérer des transitions, entre deux états, dont l'un (situation actuelle) est bien connu, mais dont l'état ultérieur regorge d'incertitudes.

Des tensions à l'image de ce que nous risquons de constater d'ici peu

Cet épisode est potentiellement à l'image de ce que nous risquons de vivre dans les prochaines années, dans le redressement de la France qu'il convient de réaliser... qu'il soit mené par E. Macron et sa majorité présidentielle, s'il l'obtient, ou par une 'coexistence' avec la droite et le centre, s'il n'obtient par la majorité à l'Assemblée Nationale en juin prochain.

Car le monde dans lequel nous vivons est plein de contradictions. Ce monde est 'vivant', dynamique, ces contradictions le font évoluer, pas toujours favorablement, et souvent rapidement, apparemment hors du contrôle de nos dirigeants politiques. Cette perte de contrôle fait peur à bien des gens.

Mais contrairement à ce qu'une bonne partie des dirigeants politiques français (et britanniques, et aux Etats Unis) essaient de nous faire croire, le monde moderne n'est pas fermé, simple et stable, où il suffirait d'actions 'simples' (revenir aux douaniers aux frontières, revenir au franc, interdire les licenciements, taxer très fortement les importations et de manière unilatérale, etc.) pour obtenir les résultats souhaités : arrêter les terroristes et éviter les attentats, empêcher l'immigration, légale et illégale, éviter les délocalisations, revenir au plein emploi, etc.

Et ce monde ne peut pas non plus revenir à l'état antérieur, beaucoup moins ouvert, moins complexe, et plus stable (la Guerre froide gelant de nombreux conflits régionaux, par exemple).

Revenir aux Trente Glorieuses...

La France ne peut pas revenir aux Trente Glorieuses, jusqu'en 1975, où une croissance forte, une pyramide des âges jeune et une augmentation lente mais sûre des charges sociales, impôts et taxes diverses permettait de construire un Etat providence et un "modèle social français" qui ne sont plus adaptés aux réalités actuelles.

Il ne peut pas s'agir pour les nostalgiques Britanniques 'Brexiters' de revenir à l'époque du défunt "Common Wealth". Le mot est d'ailleurs intéressant, car il est porteur de richesses communes ! Qu'ils le veuillent ou non, les choses ont bien changé depuis, et ce n'est pas en se repliant sur eux-mêmes qu'ils pourront faire face aux défis gigantesques des années et décennies à venir : s'ils voulaient revenir aux relations commerciales antérieures avec les pays du Common Wealth, ces pays ne pourraient tout simplement pas l'accepter ! Signalons d'ailleurs que le vote britannique a été très différent selon les régions, et que la décision de quitter l'UE pourrait être le signal pour déclencher l'Indépendance de l'Ecosse, et poser de sérieux problèmes entre l'Irlande du Nord et l'Irlande.

De même que les états-uniens ne pourront pas revenir à l'époque où ils dominaient le monde, après guerre, notamment du fait des deux guerres mondiales qui avaient détruit l'Europe et permis leur fantastique expansion économique ! Qu'ils le veuillent ou non, l'Europe s'est (re)développée entre temps, et plus encore l'Asie et les 'pays émergents', et ce mouvement est irréversible. Ce n'est pas en clamant haut et fort "America first" qu'ils pourront revenir à cette "America great again". Donald Trump lui-même s'en est finalement rendu compte, il l'a reconnu officiellement au terme de ses 100 premiers jours, la tâche de Président des Etats Unis n'est pas aussi facile qu'il l'avait pensé !

Le monde dans lequel nous vivons est au contraire :

L'exemple très clair de la dernière campagne

Prenons l'exemple de l'élection présidentielle, du processus, depuis avant les primaires, jusqu'à son résultat, dimanche dernier.

Si l'on avait fait un sondage pour estimer les chances de E. Macron il y a un an, il aurait montré que très peu (5% ?) croyaient que sa victoire était possible. C'est finalement l'hypothèse la moins probable qui s'est réalisée.

Les tenants des extrêmes ne sont pas à l'abri de cette complexité

Les partisans de revenir à des raisonnements 'simples', à l'extrême gauche et à l'extrême droite, ne sont pas à l'abri de ces phénomènes, même si leurs deux candidats ont réussi à être parmi les quatre premiers, avec chacun environ 20% des suffrages. Jean Luc Mélenchon en a bénéficié principalement, puisqu'il a réussi à repasser très vite devant Benoît Hamon, et qu'il a ainsi pu attirer les suffrages d'une très grande partie du 'peuple de gauche'.

Quant à Marine Le Pen, elle en a souffert, à plusieurs reprises, par exemple :

Elle et son parti le FN sont apparus à plusieurs reprises, au grand jour, avec leurs contradictions :

L'article ultérieur traitera d'éléments complémentaires, importants à connaître, pour "gérer dans la complexité" [3].

 


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