Mais pour qui roule Martine Aubry ?

par DeClèvesPrincesse
mardi 26 mai 2009

On se souvient de l’épisode grandguignolesque que fut l’élection de la première secrétaire générale du Parti Socialiste lors du Congrès de Reims de novembre 2008. A l’issue d’une lutte fratricide qui avait fait ricaner tous les autres partis et surtout dans les chaumières umpistes, Martine Aubry emportait les élections avec 102 voix d’avance face à une Ségolène Royal lâchée de tous bords par les éléphants du parti. Durant cet épisode cornélien, Martine Aubry avait donné alors l’image d’une femme de tête et de fer, d’un phœnix renaissant de ses cendres jospiniennes prêt à beaucoup pour prendre la tête du premier parti d’opposition.
Durant son discours d’investiture, consciente que sa légitimité n’était pas gagnée d’avance et voulant surtout amadouer les royalistes ulcérés, elle s’était assignée dans sa nouvelle feuille de route deux grands objectifs : reconstruire l’unité du Parti Socialiste et œuvrer au renouvellement profond du socialisme afin de mener l’ensemble des sympathisants socialistes vers de nouvelles victoires électorales.
 
Hélas aujourd’hui, force est de constater que Martine Aubry a mis beaucoup plus d’énergie pour emporter la victoire face à Ségolène Royal qu’elle n’en met actuellement pour faire porter la voix des socialistes lors des prochaines élections européennes. A l’heure où le PS mène une campagne que l’on peut qualifier de molle et brouillonne, et où par voie de conséquence, il peine à décoller dans les sondages, il est temps de se demander si Martine Aubry a respecté jusqu’ici ses engagements.
 
Martine Aubry a-t-elle reconstruit l’unité du Parti Socialiste ?
 
Loin d’œuvrer pour la réconciliation, Martine Aubry continue à vouloir isoler Ségolène Royal sur l’échiquier socialiste, quitte à frustrer un peu plus les presque 50% d’adhérents qui avaient voté pour l’ex-candidate à la présidentielle. Qu’on se le dise, Martine Aubry a été placée à la tête du PS d’abord pour dézinguer Ségolène Royal qui reste haïe par les apparatchiks du parti, plutôt que pour contrer l’UMP. Interrogée dimanche 24 mai lors de l’émission Dimanche soir politique sur la place qu’elle comptait donner à son ancienne rivale, elle répond lapidairement : « mais celle qu’elle souhaite ! ». Cette simple petite phrase continue à transpirer l’inimitié alors qu’on aurait pu s’attendre de la part d’une stratège avisée à une réponse beaucoup plus argumentée et fédératrice. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre ! Tant que ce type de stratégie à la petite semaine triomphe encore au sein du PS, celui-ci ne pourra pas reconstruire son unité et faire taire ses voix discordantes.
 
On ira encore plus loin : Madame Aubry fait preuve d’une attitude pour le moins autistique sur un nombre croissant de sujets. 65% des adhérents socialistes seraient favorables à une alliance avec le Modem (et 64% au Modem) selon le dernier sondage Vivavoice. Et que répond Madame Aubry quand on lui parle de Bayrou ? "A force d’être en incohérence permanente, il ne sait plus très bien où il est". Madame Aubry, les deux tiers de vos sympathisants ne veulent pas que vous tiriez dans les pattes de Mr Bayrou, mais que vous réfléchissiez à une stratégie de fond pour contrer avec les centristes la politique de Nicolas Sarkozy !
 
Martine Aubry a-t-elle œuvré au renouvellement du socialisme ?
 
Là encore, on reste pantois devant le manque de force du projet socialiste. Alors que la crise devrait ouvrir un boulevard à l’idéologie socialiste, c’est Sarkozy lui-même qui vante les bienfaits du modèle français, modèle qu’il s’était appliqué à désosser jusqu’à présent ! Autre exemple révélateur : l’opposition à la loi Hadopi. Il n’est pas question ici bien sûr de défendre une loi imbécile et rétrograde, mais seulement de constater que le PS n’a pas su proposer un vrai projet alternatif et intelligent concernant le problème du piratage et des droits d’auteur.
 
Le bilan à deux semaines des élections européennes reste donc sans appel : Martine Aubry est loin d’avoir encore mené à bien les missions qui étaient les siennes. Pire : on ne peut que constater que celle-ci fait fort peu entendre sa voix ! Certains en seraient même à se demander pour qui roule Martine Aubry. Quand on lit avec stupéfaction dans l’excellente prose de François Bayrou qu’Alain Minc (éminence grise de la Sarkozie) se dit aussi proche du Président qu’il ne l’est de Martine Aubry, on pourrait être en droit de se poser cette question. Nous n’oserons bien évidemment pas faire un tel procès à la première secrétaire du PS.
 
Mais maintenant, il est temps pour Martine Aubry de se mettre au travail, de faire taire les querelles intestines qui écœurent les électeurs de gauche, et de réfléchir, alors que la France va traverser sa pire crise depuis la fin de la seconde guerre mondiale, à la nouvelle idéologie socialiste du XXIème siècle, à la fois moderne et offensive. Elle doit également réfléchir à l’opportunité de la mise en place d’une alliance avec François Bayrou, sans laquelle aucune victoire n’est envisageable. Ces deux-là ont entre leurs mains l’avenir de la France, et s’ils échouent à construire une coalition cohérente, il faudra nous résigner à être gouvernés pour les 8 ans à venir par Nicolas Sarkozy, c’est-à-dire par un homme qui reste aujourd’hui soutenu par à peine plus d’un quart des français !

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