Mais quand se tairont-ils ?
par C’est Nabum
mercredi 14 mai 2014
Quand la propagande profite de toutes les occasions ...
Des actes et vraiment moins de paroles.
Un jumelage franco-allemand est l'occasion d'une animation marinière. Une exposition, des vidéos, une chorale expliquent la Loire à nos amis d'outre-Rhin. L'ambiance est bon enfant mais la barrière linguistique se fait sentir et rares sont les Français qui maîtrisent suffisamment la langue de Goethe pour tenir une conversation digne de ce nom.
Votre serviteur est aussi à l'aise avec les langues étrangères qu'une poule avec un couteau. Je reste donc à l'écart pour ne pas ajouter le ridicule à mon ignorance crasse ; légèrement inquiet toutefois puisqu'on m'a demandé de dire un conte et je sais l'opération plus que délicate par le truchement d'un interprète.
C'est maintenant le lancement des réjouissances. Le chœur marinier monte sur scène, accompagné par ses deux chefs, musiciens émérites. Ils entonnent une chanson entraînante, les visiteurs germains se balancent ; la musique est bien un langage universel, qu'importe si les paroles échappent à la compréhension .
Mais, en France, les discours s'imposent et monsieur le Maire vient faire son petit compliment. Il a le tact d'être bref et l'habileté de le dire en allemand. La chorale se tient tranquille, les mariniers et les marinières sont sages pour l'instant et offrent un joli-arrière plan à ces échanges d'amabilités, somme toute normales, pour des gens qui célèbrent vingt ans d'un jumelage actif.
Puis, après de gentilles courtoisies, monsieur le Maire propose à la vice-présidente du conseil régional de venir dire quelques mots. Le protocole suggère cette marque de déférence ; la dame en question s'empresse d'accepter le micro. Nous ignorons alors que le plus dur est à venir ….
L'élue d'une majorité, récemment laminée lors des élections municipales, désire sans doute redorer le blason d'un courant politique en décrépitude. La suite nous donnera alors quelques indices pour expliquer le désastre actuel. La dame est élégante, son verbe est maîtrisé, sa posture digne et responsable. Malheureusement pour elle, elle prend quelque peu l'eau en voulant s'essayer à l'allemand. Elle revient bien vite au français, ce qui, hélas, va doubler le temps consacré à ce pensum insipide.
Ne revenons pas sur l'insupportable protocole qui exige que nos représentants commencent toujours par se saluer les uns les autres dans un ordre soigneusement défini par ce qu'ils osent appeler « l'étiquette » pour consentir, à la toute dernière fin, à saluer la plèbe par un discret « bonjour à tous » ; rien ne changera jamais dans ce système qui continue de singer les pratiques de l'ancien régime …
La dame se lance alors, et c'est tout naturellement sa mission, dans l'éloge des initiatives qui favorisent l'amitié franco-allemande. Elle en profite pour se faire représentante de commerce de son président en vantant les actions financées par le Conseil Régional. C'est de bonne guerre : je ne peux lui en faire grief.
Le propos traîne en langueur. La dame semble vouloir charmer un auditoire qui déjà s'impatiente. Elle ne perçoit pas les murmures et les mouvements de lassitude, elle est toute à sa noble mission. Elle enchaîne, reprenant souffle et esprit durant la traduction qui suit chacune de ses longues tirades.
Elle évoque maintenant le classement de la Loire au patrimoine mondial de l'humanité, ce qui n'est pas tout à fait exact, mais il ne faut pas lui tenir rigueur de cette approximation si fréquente à ce sujet. L'argument arrive à propos et ne choque personne même si le temps semble de plus en plus long.
Nous ne sommes pas au bout de nos peines. La dame en bonne politique, ne manque pas de nous distiller son petit couplet sur le scrutin européen qui se présente à l'horizon. Cette fois, c'est franchement pénible même si elle a l'élégance de ne pas tenir un discours partisan. La chorale tangue, les chanteurs, contraints au silence, dansent d'un pied sur l'autre pour tuer ce temps qui joue les prolongations.
Le pire est hélas à venir. La dame reprend ses couleurs pour rappeler la récente visite d'un ministre quelconque (comment peut-il en être autrement avec ce gouvernement ?). Je doute que nos amis allemands soient au fait des agitations de notre politique intérieure. Eux aussi, malgré la traduction, semblent s'impatienter. C'est alors le coup de grâce, la remarque qui vient rompre l'harmonie de cette rencontre jusqu'alors délicieuse.
La digne représentante d'une classe politique qui ne manque jamais une occasion de « déparler » , termine son discours interminable en précisant qu'à Orléans se trouve le mémorial des enfants du Vel d'Hiv. C'est délicat, parfaitement approprié au contexte amical et festif. Nul naturellement ne peut faire remarquer à la dame si importante qu'elle se conduit fort mal en la circonstance. Elle est si imbue de son importance !
J'entends autour de moi des critiques. Cette fois, la mesure est comble ! C'est proprement indigne et chacun de trouver la purge suffisante. Voilà encore une personne qui a illustré à merveille l'incapacité de nos représentants à la concision oratoire et surtout à la conscience des limites. Ces limites en question, elle les a allègrement dépassées, en épuisant notre capacité d'écoute et de patience mais surtout en pérorant avec une allusion d'une rare maladresse. Quand auront-ils enfin la dignité de se taire ces gens dont les actes sont bien moins retentissants que leurs paroles vaines et creuses. ?
Ratiocinement sien