Manuel Valls peut-il revenir dans la vie politique française en 2022 ?

par Sylvain Rakotoarison
jeudi 10 mars 2022

« Il me semble qu’[Emmanuel Macron] a su faire face aux crises. Avec la crise que nous sommes en train de connaître, son expérience, sa hauteur de vue, ses capacités d’homme d’État le qualifient pour poursuivre ce travail. Face à cela, malgré les qualités des uns et des autres, je ne vois pas d’alternative qui permettrait de relever ces défis, à gauche ou à droite. » (Manuel Valls, le 7 mars 2022 sur RMC).

La réponse à la question du titre peut sembler rapide, courte et facile : cela va être très très difficile pour lui. Son objectif : probablement le Quai d’Orsay. Parti vers une aventure électorale à Barcelone (qui, semble-t-il, n’était pas qu’une aventure politique), en abandonnant son mandat de député français (élu en juin 2017) et en quittant la vie politique française avec une certaine facilité, Manuel Valls est de nouveau présent à Paris depuis quelques mois.

Son objectif d’être élu maire de Barcelone en mai 2019 n’a pas été atteint, et de loin (sa liste est arrivée en quatrième place), ce qui n’est pas une honte, c’était très audacieux de vouloir poursuivre sa vie politique dans un autre pays, quasiment sans précédent sauf à l’époque de la décolonisation (par exemple, Félix Houphouët-Boigny), mais cela peut être mal perçu par les "opinions publiques" des deux pays en question. Il a officiellement démissionné de son mandat municipal catalan le 31 août 2021 après deux ans de vie politique espagnole. Il avait déjà annoncé qu’il ne se représenterait pas aux municipales de Barcelone en 2023 et en juin 2021, il avait même apporté aux élections régionales françaises son soutien à …Valérie Pécresse !



En septembre 2021, Manuel Valls a donc fait une rentrée politique plutôt remarquée, multipliant ses apparitions dans les médias pour vendre son petit livre qui combat les extrémismes, en particulier pour répondre à la montée dans les sondages du polémiste devenu candidat Éric Zemmour ("Zemmour l’antirépublicain").

Et lorsque Valérie Pécresse a été désignée comme candidate LR en décembre 2021, il s’est montré particulièrement précis : il veut retourner au gouvernement. Ses appels du pied étaient d’ailleurs tellement clairs, tellement gros comme des sabots, qu’ils en étaient devenus pitoyables, des sortes de supplique pour redevenir ministre, dans tous les cas, au point de faire la une du Gorafi dès le 13 décembre 2021 titrant : « Manuel Valls annonce son ralliement au futur Président de la République », précisant : « Manuel Valls a annoncé ce matin au micro de France Inter son ralliement "à celui ou celle qui sera élu(e) au mois d’avril prochain". ». Le journal parodique l’a ainsi cité : « J’ai regardé attentivement le programme de chaque candidat et cela s’est imposé comme une évidence : c’est avec le futur Président de la République que j’ai le plus d’affinités, c’est pourquoi je vous annonce aujourd’hui mon ralliement à celui ou celle qui sera élu(e) au mois d’avril prochain. (…) Autant de points communs, ça ne peut pas être uniquement le fruit du hasard, je partage au mot près sa vision du pays. Comme cela a toujours été le cas tout au long de ma carrière, ce n’est que par pure conviction que je m’engage. ».

Évidemment, c’est une plaisanterie d’un journal qui ne publie rien que des plaisanteries (je précise car je sais que la crédulité se répand vite sur le web), mais l’ancien Premier Ministre a cependant exprimé des paroles pas si éloignées (et là, ce n’est plus une parodie).

Par exemple, le 21 janvier 2022 sur TV5, Manuel Valls a déclaré : « Mais moi, je peux travailler avec Emmanuel Macron ou Valérie Pécresse… (…) Je pense que l’expérience (…) d’un ancien Premier Ministre, d’un responsable politique, peut être utile. Mais peu importe la place. Elle peut être utile car moi, je suis convaincu que ce que je propose est le seul chemin possible pour cette renaissance et pour cette union, cette union sacrée, cette union nationale, ce compromis historique que j’appelle de mes vœux pour résoudre des problèmes qui ne sont pas traités ou mal traités depuis des années. ». En oubliant au passage qu’il fut le membre le plus influent du gouvernement pendant plus de quatre ans et demi (2012 à 2016).





Je compatis à sa recherche d’emploi, assurément, mais il ne se rend pas compte que c’est tellement gros qu’il en devient la risée du web et des réseaux sociaux. Pourtant, ancien Ministre de l’Intérieur de 2012 à 2014 et ancien Premier Ministre de 2014 à 2016, Manuel Valls a bien sûr beaucoup de choses encore à apporter aux Français, son expérience, son énergie, son dynamisme.

Mais je considère qu’il a tort lorsqu’il dit porter le "compromis historique". Il propose en 2022 ce que le candidat Emmanuel Macron avait proposé aux Français dès 2016. Il a deux trains de retard. C’est même pire : Manuel Valls aurait eu l’occasion de créer ce "compromis historique" dès sa nomination à Matignon en avril 2014. Il aurait eu l’occasion de s’affranchir d’un PS rongé par les frondeurs et les archaïsmes et de proposer aux formations de centre droit de participer à son gouvernement. En particulier, il aurait pu proposer à François Bayrou une alliance, lui qui avait annoncé voter François Hollande en 2012 et reconnaître dès 2011 qu’il était Valls-compatible.

Au lieu de cela, Manuel Valls a stupidement choisi la voie du sectarisme socialiste et la voie des autres éléphants du PS, croyant trouver dans la conquête du PS, un conquête du reste impossible car il y a toujours été ultraminoritaire, la clef de son ambition présidentielle. Il a beau jeu aujourd’hui de proposer le "compromis historique" alors que pendant des années, il était le premier à s’y opposer.



Alors, toujours dans une audace croissante, prenant acte du décrochage de Valérie Pécresse, Manuel Valls a courageusement annoncé le 2 mars 2022 sur Twitter son soutien au Président sortant : « Comme beaucoup de républicains de tous bords, je voterai pour Emmanuel Macron dès le 10 avril [2022]. ». Il a justifié son choix ainsi : « Jamais la France n’aura eu à affronter d’aussi grands défis mettant en cause, à l’intérieur, son indivisibilité, et, à l’extérieur, sa place singulière dans l’Europe et dans le monde. Face aux risques à l’horizon, faisons bloc derrière le seul choix possible. ».

Malgré le « respect » et « l’estime » qu’il a pour « Anne Hidalgo et Valérie Pécresse », Manuel Valls a également fustigé les deux grands partis de gouvernement LR et PS : « Enfermées dans une opposition systématique, avides de revanche, gauche et droite déboussolées par le dégagisme et l’implosion du système en 2017, n’ont pas su se renouveler. ».

Ainsi, il entend former un « pôle républicain puissant » au sein de la nouvelle majorité présidentielle, qui « devra émerger dans ce qui devra être une véritable recomposition afin de stabiliser notre système politique ». Ce qui ne manque pas de sel car c’est exactement ce que proposait Jean-Pierre Chevènement le 27 février 2022 : « C’est, pour moi, l’enjeu essentiel  : permettre une recomposition de la vie politique française autour d’un pôle de refondation républicaine au sein même de la future majorité. ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (08 mars 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
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Élysée 2022 (33) : Emmanuel Macron à 30% ?
Élysée 2022 (32) : Emmanuel Macron candidat !
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