Mariage pour tous : un référendum est-il constitutionnel ?

par Coriandre
jeudi 31 janvier 2013

L’article 11 de la Constitution stipule : « le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».

Nombre de partisans du mariage des couples de même sexe, comme Corinne Lepage, prétextent qu’un référendum sur ce sujet n’est pas constitutionnel au motif qu’il ne concerne aucune des catégories évoquées par la constitution : « tout d'abord, si l'on s'en tient à une lecture stricte de la Constitution, le recours au référendum apparait délicat, puisque ce recours n'intègre pas dans les sujets possibles ceux qui sont d'ordre sociétal et se limite à ceux qui sont d'ordre social, et que le Conseil Constitutionnel peut censurer une loi référendaire ».

Certains opposants au contraire, comme Henri Guaino, ou Laurent Wauquiez déclarent qu’un référendum est tout à fait envisageable puisque, le mot social se référant aux rapports entre les personnes, le mariage est tout à fait éligible aux catégories évoquées par la Constitution.

 

Dans tout débat ou toute polémique, il est important de revenir aux sources : nous pouvons et pourrons toujours nous appuyer sur la « très sûre assise du langage  », pour reprendre les termes de Pierre Emmanuel dans son long poème Babel, et revenir aux mots et à leur signification profonde.

Quels sont les sens usuels des mots employés par la Constitution ? Au-delà des distingos subtils entre « social » et « sociétal » qui ne servent qu’à noyer le poisson, l’ensemble des mots de la phrase « politique économique, sociale ou environnementale de la nation » ont-il un lien clair et indiscutable avec la cellule familiale rendue possible par le mariage ?

 

A/ Signification et étymologie des termes employés dans l’article 11 de la Constitution

1) Sens du mot Politique

Selon wikipédia  : « notion polysémique, la politique recouvre au moins trois sens :

 

2) Sens du mot « social »

Wiktionary, toujours, précise les deux premières significations du terme :

  1. « Relatif à une société, une communauté, une collectivité.
  2. (Par extension) (Politique) Qui se préoccupe du fonctionnement de la société et de ses conséquences. »

 

3) Sens du mot « économique »

L’étymologie du terme selon wictionary est la suivante : « le mot économie est emprunté au latin oeconomia, lui-même emprunté au grec ancien οἰκονομίαoikonomía (« gestion de la maison ») formé des mots οἶκοςoîkos (« maison ») et νόμοςnómos (« loi ») ».

 

4) Sens du mot « environnement »

D’un point de vue étymologique, wikipédia nous dit qu’on trouve « environnement » en français dès 1265 dans le sens de « circuit, contour » puis à partir de 1487 dans le sens « action d'environner ». Deux dictionnaires au XIXe siècle attestent un emprunt à l'anglais environnement.

Le site technoscience.net, dans son glossaire des termes techniques et scientifiques, poursuit : « le mot provient du verbe environner, qui signifie action d'entourer. Lui-même est un dénominatif de environ, qui signifie alentours :

 

5) Sens du mot « nation »

Pour le Petit Robert, une nation est « un groupe humain constituant une communauté politique, établie sur un territoire défini (…) et personnifiée par une autorité souveraine ».

Pour le Dictionnaire de la langue française, la nation est un « ensemble de personnes vivant sur un territoire commun, conscient de son unité (historique, culturelle, etc.) et constituant une entité politique  ».

 

6) Sens du mot « mariage »

Selon wikipédia, le mariage est défini traditionnellement comme l'union légitime d'un homme et d'une femme ou comme « l'acte par lequel l'homme et la femme se placent dans une situation juridique durable afin d'organiser leur vie commune et de préparer la création d'une famille ».

Il poursuit : « le mariage est l'acte officiel et solennel qui institue entre deux époux une communauté de patrimoine et de renommée appelée « famille » (ou foyer, feu, ménage) dont le but est de constituer de façon durable un cadre de vie commun aux parents et aux enfants pour leur éducation ». Il précise enfin, de manière assez éclairante, le cadre lexical de ce nom : « dans les pays d'Europe occidentale dont les langues découlent du latin, le cadre lexical du mariage renvoie donc à une forme juridique par laquelle la femme se prépare à devenir mère par sa rencontre avec un homme »

 

B/ Le mariage (et son évolution) peut-il avoir une correspondance avec les termes évoqués par la Constitution ?

1) Lien entre le terme « mariage » et le terme « politique » :

 

2) Lien entre le terme « mariage » et le terme « social » :

 

3) Lien entre le terme « mariage » et le terme « économique » :

 

4) Lien entre le terme « mariage » et le terme « environnement » :

 

5) Lien entre le terme « mariage » et le terme « nation » :

 

En France, nous partageons tous une même langue : le Français, qui est a priori le seul territoire d’unanimité entre nous. Quand les mots parlent d’eux-mêmes, il est difficile de s’y opposer, sauf à vouloir refondre le dictionnaire, ce qui serait un acte profondément totalitaire. Les mots restent les seuls éléments fédérateurs et rassembleurs d’une nation. Victor Hugo écrivait : « Toute révolution devrait commencer par une réforme du dictionnaire ». J’imagine que ce n’est pas le souhait de l’actuel gouvernement…

Le mariage a ainsi une triple dimension sociale, économique et environnementale. De ce fait, lorsqu’on regarde les termes de la Constitution, rien ne s’oppose d’un point de vue constitutionnel à ce référendum : le mariage rentre bien dans le cadre d’une politique, à la fois économique, sociale et environnementale de la nation.

A l’inverse, tout pousse à ce référendum :

 

Selon l’article 5 de la Constitution, «  le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat ».

Monsieur le Président normal, serez-vous, dans le respect de la Constitution, à l’écoute des aspirations du peuple qui vous a élu, pour un sujet aussi central qu’est le mariage ?

 


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