Marine Le Pen continue à grignoter des voix

par hommelibre
lundi 25 avril 2011

Je relisais un passage du Yi King, très ancien livre de sagesse de la Chine, un passage qui dit : « ... une diminution de la prospérité du peuple au profit des gouvernants constitue un amoindrissement pur et simple ». Cette description me paraît correspondre à la France actuelle.

En 2007 Nicolas Sarkozy avait fait campagne sur l’augmentation du pouvoir d’achat. Il avait réalisé un carton auprès des ouvriers avec plus de 50% de votes dans cette classe de population. Après quatre ans de présidence le résultat n’est pas au rendez-vous et c’est le désenchantement.

La crise économique a mis le monde en état d’urgence. Mais tout le monde n’en a pas souffert de la même manière. Les dirigeants économiques n’ont pas vu leurs revenus diminuer, ni leurs bonus. Nicolas Sarkozy lui-même a fait augmenter ses revenus de président alors que les employés des grandes entreprises recevaient à peine le rattrapage de l’inflation.

Dans un nouveau sondage à paraître mardi dans le Journal du Dimanche, les intentions de vote chez les ouvriers ont radicalement changé. 36% annoncent vouloir voter pour Marine Le Pen en 2012. 15% seulement pour Sarkozy ! 15% à 17% pour Hollande, Aubry ou DSK. Quand à Mélenchon (2%) et Besancenot (1%), ils sont hors course dans l’électorat dont ils se réclament.


Un sondage n’est pas un vote. En un an beaucoup de choses peuvent changer. Et certaines intentions sont peut-être des signes de colère envoyés aux politiques plus qu’une adhésion réelle au Front National. Mais suite au précédent sondage qui annonçait MLP au second tour en 2012, même avec DSK, le signal se répète et s’amplifie.

Quelques remarques peuvent dès lors être faites.

1. La gauche n’est plus porte-parole des ouvriers. Ce n’est pas nouveau. Mais alors que la déception à l’égard de Nicolas Sarkozy est très grande on pourrait penser qu’elle tire vers elle un vote au moins protestataire, à défaut d’une déclaration d’amour. Et bien non. Elle ne représente plus les exclus, les démunis, les sans-voix. On ne sait d’ailleurs plus très bien ce qu’elle représente : quelques néo bourgeois coupables de leur aisance ? Quelques intellectuels qui ne manquent de rien, raison pour laquelle ils veulent faire la révolution ? Quelques privilégiés qui savent que la gauche les préservera plus que la droite ? Quelques idéalistes qui n’ont pas encore compris que leurs têtes servent de strapontins aux membres de l’appareil du parti ?

2. Le clivage gauche-droite, s’il est encore alimenté en surface, ne signifie plus grand chose en profondeur. Il faut s’habituer à penser non plus par appartenance politique mais par convergences ponctuelles. La société deviendra plus instable - ou plus mobile, selon le point de vue. L’élimination de Sarkozy à la présidentielle confirmerait que nous sommes entrés dans cette nouvelle ère. Sa reconduction ne serait qu’un vote par défaut qui donnera un sursaut au système de loyauté aliénante des électeurs. Quoi qu’il en soit, la démocratie sort gagnante et le vote est plus que jamais le pouvoir du peuple.

3. Sarkozy paie pour son échec économique relatif, en particulier une redistribution peu équitable des richesses du pays et un manque de vision et de grands projets économique. Il avait promis de mieux partager les bénéfices des sociétés avec les employés : il n’y a pas lieu de crier victoire. On peut comprendre que les entreprises aient besoin d’argent. Que les actionnaires, s’ils contribuent à créer des entreprises donc des places de travail, veulent gagner sur leur investissement. Sans quoi ils n’ont aucune raison d’investir et se retirent. Quand à l’appropriation éventuelle des investissements par l’Etat elle donnerait un patron unique, soit une oligarchie encore plus restreinte avec encore plus de pouvoir entre ses mains qu’actuellement.

Le problème est que quand le peuple peine à payer ses factures alors que ses dirigeants touchent de grosses primes, le sentiment d’injustice est inévitable et destructeur. Plus qu’une loi - comme celle prévue de la prime de 1’000 euros - c’est une conscience qu’il faut mettre en place : la conscience que si l’on veut la paix sociale et le respect mutuel, la prospérité doit être partagée.

4. Le président paie-t-il pour son bling-bling ? Oui et non. Il voulait donner l’exemple de la réussite personnelle. Mais la France n’est pas les Etats-Unis. En France l’argent est culpabilisé. La discrétion est donc de mise. Ou alors il faut que le peuple ait le sentiment d’avoir assez, et un peu plus. Sans quoi le décalage est sans pitié pour celui qui possède. Il y a une limite au supportable en matière d’inégalité. Sarkozy paie davantage pour une communication désastreuse. Passer des vacances sur le yacht d’un milliardaire et instaurer le bouclier fiscal qui sert aux plus riches, et dont le résultat est quasiment nul, cela ne pardonne pas. Il aurait dû prendre des cours chez ces vedettes comme Yannick Noah et autres, qui gagnent des millions et qui donnent toujours de la voix à gauche comme s’ils ne faisaient pas partie des privilégiés.


Nicolas Sarkozy déçoit profondément et n’est plus crédible quand il reparle de pouvoir d’achat. Taper sur les Rroms n’a pas non plus convaincu d’une véritable cohérence politique. Tout cela sent le bricolage. On sent trop qu’il court après quelque chose qui lui échappe. La gauche montre plus d’opportunisme, de réactivité et de théorie que de conviction et de proposition. Le centre est satellisé et Bayrou n’a pas d’autorité réelle. Comment s’étonner que le FN newlook avance ? Et qu’il ne représente bientôt plus le diable, mais simplement une droite plus convaincue de son rôle à jouer que la droite en place ?


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