Marine Le Pen : oui à l’Élysée, non à Matignon

par Fergus
jeudi 17 novembre 2022

Depuis que le bruit court d’une possible dissolution de l’Assemblée Nationale par le président de la République, nombreux sont ceux qui, dans le personnel politique et chez les éditorialistes, échafaudent des hypothèses, spéculent sur l’avenir, tirent des plans sur la comète. Un exercice pour le moins hasardeux. Une seule chose est sûre : quoi qu’il puisse arriver, Marine Le Pen n’est, qu’on se le dise, pas du tout intéressée par Matignon…

En prenant de l’âge, Marine Le Pen a fini par acquérir de l’expérience, et même – tout arrive ! – à devenir habile en stratégie politique. En lissant l’image du Rassemblement National et en adoptant une posture alternant la fermeté sur les fondamentaux du RN et la « zénitude » dans les autres domaines, elle a été l’artisane d’un indéniable succès des idées frontistes lors du scrutin législatif de juin 2022. Et ce n’est pas Jordan Bardella – une sorte de clone idéologique en plus jeune – qui viendra mettre un grain de sable dans les rouages de la machine Le Pen. Même l’apostrophe ambiguë proférée à l’Assemblée Nationale par le député Grégoire de Fournas ne semble pas altérer la bonne santé du parti dans une France minée par les doutes et la morosité.

Une dissolution de l’Assemblée Nationale est-elle possible dans le contexte politique et social actuel ? Théoriquement oui, eu égard : d’une part, aux difficultés de l’exécutif à convaincre nos compatriotes ; d’autre part, aux recours répétés à l’impopulaire article 49.3 pour adopter les budgets et probablement quelques textes législatifs à venir, à commencer par la très controversée réforme des retraites. Mais on voit mal Emmanuel Macron, dans le climat de défiance de l’exécutif ressenti par l’opinion vis-à-vis, prendre le risque d’une nouvelle et périlleuse campagne législative qui pourrait déboucher sur un rétrécissement de l’actuelle majorité. Au point que, même avec les soutiens d’élus LR, la gouvernance du pays pourrait se trouver de facto encore plus contrariée, voire empêchée.

Les Républicains eux-mêmes ne sont pas, c’est le moins que l’on puisse dire, enclins à souhaiter une dissolution dont ils pourraient, eux aussi, faire les frais. À l’inverse, les caciques de La France Insoumise, et à un degré moindre, leurs supplétifs de la Nupes, appellent de leurs vœux une telle dissolution dont ils se disent persuadés qu’elle leur permettrait d’élargir leurs rangs dans les travées de l’hémicycle. Ce n’est pourtant pas ce que disent les récentes enquêtes mises en ligne par l’Ifop le 7 novembre (lien) et par Cluster 17 le 10 novembre (lien) : il en ressort que la Nupes subirait un recul de 1,3 % à 1,8 %. Rien de très significatif, mais on est loin des rodomontades d’un Jean-Luc Mélenchon qui, au printemps, surjouait déjà la certitude d’endosser l’habit du Premier ministre.

Reste le Rassemblement National qui, dans les mêmes enquêtes, enregistre un progrès de 0,8 % à 1,8 %. Là non plus, rien de significatif. On est très loin de la déferlante à laquelle voudraient croire quelques élus du RN, persuadés que les débats récurrents sur la sécurité, l’immigration et l’identité infusent dans l’opinion au profit de leur parti. Plus lucide, Marine Le Pen n’y croit pas elle-même. Et c’est en souriant in petto qu’elle confie au Journal du dimanche le 12 novembre « Je ne souhaite pas être Premier ministre ». Et pour cause : même en admettant – hypothèse très hautement improbable – que le Rassemblement National puisse devenir le premier parti de France à la suite d’une dissolution, l’ex-patronne du RN sait depuis Balladur que Matignon est une planche savonneuse pour l’Élysée.

Pour Marine Le Pen, ce sera – elle en est persuadée bien qu’elle ait sur ce plan « des pudeurs de gazelle », pour citer son ennemi intime – la présidence de la République en 2027. « Pour présider, pas pour gouverner », précise-t-elle, sous-entendu dans le respect de l’article 20 de la Constitution. Présidente sans qu’il soit nécessaire de passer par un très piégeux poste de Premier ministre. L’histoire nous dira si le calcul élyséen de Marine Le Pen était juste. En attendant, et en l’absence d’évènements de nature à changer radicalement les données électorales, les choses continueront d’aller tant bien que mal pour une Macronie dotée d’une majorité relative dont le chef de l’État serait fou de croire qu’il a les moyens de la renforcer en dissolvant.


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