Marine Le Pen veut faire battre monnaie par la Banque de France !

par Aimé FAY
jeudi 20 janvier 2011

Dotée d’un outillage économique plus élaboré que celui de son père, Le Pen veut passer pour celle qui demain, en sortant de l’euro, redonnera du travail aux 3 millions de chômeurs que compte aujourd’hui le pays, et surtout supprimera notre dette.

Pour preuve, elle annonce au journal de France 2, le 18 janvier 2011 : " [...] grâce à la sortie de l'euro, la Banque de France, revenue dans ses statuts de 1973, pourra rembourser les quelque 1 600 milliards d'euros de la dette qu'a contractée le pays [...]". Arrêtons-nous sur cette dernière affirmation pour le moins étrange !

Une fois l'euro quitté − cela demandera au minimum un an et coûtera près d'un milliard (*) − quel sera le taux de change choisi pour le "franc-le-pen" ? Sera-t-il aussi fort que l'euro ? Vaudra-t-il un euro ? Si c'est cela, pourquoi sortir de l'Eurosystème ?

De fait, le "franc-le-pen" devra obligatoirement être inférieur à l'euro, c'est-à-dire dévalué. Et, pour booster l'économie, le cours de cette nouvelle monnaie devra être inférieur d'au moins 20 % à l'euro actuel, afin que la fameuse courbe en "J" des exportations ait un creux le plus faible possible pour dynamiser rapidement et fortement notre commerce extérieur... dont les importations, pétrole compris, seront tout de même renchéries de 20 %.

Bon ! imaginons que le "franc-le-pen" vaille 0,83 euro, soit : 1 euro = 1,20 "franc-le-pen".

Pour rembourser les fameux 1 600 milliards d'euros, il faudra que la Banque de France trouve 1 920 milliards de "francs-le-pen". Soit près de 2 000 milliards, pour faire un compte rond.

La Banque de France ne les ayant pas :

- va-t-elle les emprunter en euros ? Cela serait un retour catastrophique à la case départ…

- non, la fille Le Pen pense que la Banque de France doit créer cette monnaie, ex nihilo ! En fait c'est ce que l'on appelle : faire fonctionner la planche à billets.

Bon ! imaginons que la Banque de France imprime finalement pour 2 000 milliards de nouveaux signes monétaires, sous forme de monnaie banque centrale "franc-le-pen". Ces 2 000 milliards sont ensuite livrés - pour autant qu'ils les acceptent - aux investisseurs en remboursement de notre dette. Ces investisseurs, pour la plupart étrangers, disposeront de 2 000 milliards de "francs-le-pen", c'est-à-dire de créances sur l'économie française pour 2 000 milliards. Soit presque six fois le budget actuel du pays détenu par des mains étrangères ! Cela n'est pas rien ! Du jamais vu dans toute l'histoire de notre pays depuis qu'il existe ! Comme trouvaille nationaliste, difficile de faire mieux !?!

Mais cela n'est pas tout. La quantité de monnaie en circulation dans un pays n'est pas décrétée au doigt mouillé. Elle est régie par la loi dite de la théorie quantitative de la monnaie (d'Irving Fisher (**)) : Mv = QP, avec : M = masse monétaire, v = vitesse de circulation de la monnaie et QP = produit nominal (quantités produites par leur prix). L'équilibre des deux membres de cette équation conditionne soit l'harmonie, soit l'inflation, soit la récession… pour faire simple. QP étant actuellement proche de 2 000 milliards d'euros pour la France, soit donc 2 400 milliards de "francs-le-pen". Dans cette opération de création monétaire ex nihilo, ces 2 400 milliards nouveaux de "francs-le-pen" engendreront tout simplement une hyperinflation... puisque le produit nominal de la France ne pourra pas doubler en quelques mois, même pas en quelques années. Et, comme nous le savons tous, l'inflation pénalise les revenus de ceux qui n'ont rien, pas d'emprunt, c'est-à-dire les pauvres. In fine, créera pauvreté et chômage pour la classe sociale même que Le Pen prend pour cible électorale de choix.

Et, nous n'avons pas pris en compte la spéculation qui ne manquera pas de jouer à la baisse le "franc-le-pen"...

Faire fonctionner de manière inconsidérée la planche à billets, a toujours été pour un pays, une vraie catastrophe. La République de Weimar en a fait les frais en 1933...

Apparemment l'équipement intellectuel économique et financier de la fille Le Pen n'est pas encore au point.

Par ailleurs, ce n'est pas en se prévalant des idées protectionnistes (***) d'un prix Nobel d'économie tel Maurice Allais, que l'on peut dire tout et n'importe quoi. D'ailleurs, nous pensons que Le Pen est suffisamment intelligente pour ne pas croire un seul mot de ce qu'elle dit.

L'essentiel pour elle, c'est que ses futurs électeurs croient ce qu'elle énonce avec certitude. Etant sûr de ne pas être élue, cela ne mange pas pain… Elle peut cependant, avec de tels propos irrationnels, semer le trouble chez beaucoup et faire perdre en 2012 l'un des deux grands partis républicains, dont son propre cousin, l'UMP.

(*) Le passage du franc à l'euro a coûté à l'économie française 2 milliards d'euros et a duré 3 ans (Cf. : "le passage à l'euro du système d'information", Aimé Fay et al., Hermès, 1998).

(**) Voir "A tract on monetary reform" John Maynard Keynes, 1923.

(***) "Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance", 2007, Ed. Clément Juglar.

Photo : R. Trilles.


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