Maroc : une révolution non dite...

par Laurent Bervas
mercredi 12 juillet 2006

Le Maroc vit une révolution : économique, sociale et sociétale. Et n’en doutons pas, bientôt politique. Il bascule à grande vitesse d’une société « féodale » vers une société moderne.

La chose n’est peut-être pas apparente pour qui vit au Nord de la Méditerranée, mais le Maroc vit une révolution : économique, sociale et sociétale. Et n’en doutons pas, bientôt politique. Le pays bascule à grande vitesse d’une société « féodale » vers une société moderne. Particularité première ? Cette révolution est le fait même de son leader, le roi Mohamed VI. Loin de la Révolution française qui eut besoin de sang et de guillotines pour se faire, le monarque prend ici le soin de la porter lui-même et d’amener son régime vers une monarchie de type constitutionnel. Bien sûr, celui-ci contrôle encore tout, au-delà même de la police, de l’armée et de la diplomatie. Bien sûr, il a également pris soin de placer à la tête des médias et des instances économiques des « amis du Palais ». Mais un vent nouveau n’en souffle pas moins sur son royaume.

Sur le plan économique, les politiques d’inspiration libérales menées à travers tout le pays - et en premier milieu dans les grandes villes -, font ressembler à s’y méprendre le Maroc à un immense chantier à ciel ouvert, via notamment un programme de modernisation des infrastructures, du développement du tourisme, et des accords de libre-échange passés avec les Etats-Unis et l’Union européenne. Du côté des médias et de la liberté d’expression, les choses évoluent dans un sens positif, si l’on en croit Reda Benjelloun, grand reporter sur la chaîne 2M, pour lequel « il n’y a plus de tabous » et « tout peut être dit », même critiquer de manière violente le roi, comme ne manque pas de le faire régulièrement le journal Telquel. De quoi laisser penser qu’existe désormais une volonté de laisser s’exprimer et se construire une presse d’opinion, première étape nécessaire à une vie démocratique. Sur le plan social, la reconnaissance - réussie - des droits de la femme constitue elle aussi une véritable révolution dans un pays musulman. Celle des mentalités pendra du temps, mais la loi, par la volonté du roi, a déjà inscrit ces nouvelles libertés dans la société marocaine. A l’échelle politique, enfin, si l’on peut encore regretter, comme beaucoup d’amis marocains, que tout se fasse encore par la volonté d’un homme et non par celle du peuple, ne doutons pas que la révolution est inscrite dans les prévisions.

Mohamed VI a la volonté de régner, mais il sait aussi que la révolution se fera, avec ou sans lui. Alors autant en être l’initiateur... avant - prochaine étape, si le succès est au rendez-vous - de transmettre au peuple une partie de sa souveraineté. En définitive, et même si la chose ne peut être officiellement dite - la chose remettant en question un ordre ancien (une féodalité) qui, si la guerre était déclarée, ne manquerait pas de se défendre -, le Maroc vit indéniablement un tournant de son histoire. Une révolution profonde mais de velours. Si les promesses économiques sont tenues et profitables aux Marocains à brève échéance, le pays connaîtra à n’en pas douter une belle et prometteuse période. Sous le regard du public, le monarque funambule sait qu’il a entamé une traversée sans véritable retour. Tous, ici, l’espèrent paisible. Tous retiennent leur souffle. Avec un espoir : que les mers ne soient cette fois pas capricieuses, comme elles ont, dans le passé, pu l’être avec d’autres.


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