Martine Aubry ou Pierre Moscovici ?

par KOUINO
jeudi 4 septembre 2008

L’opposition entre Martine Aubry et Pierre Moscovici n’est pas qu’affaire d’ego. Elle recouvre de vrais enjeux et mérite débat.

Après la cacophonie de La Rochelle, il est de bon ton de crier haro sur le baudet. Le baudet étant en l’occurrence Martine Aubry. Il est vrai que Martine Aubry est au centre de beaucoup d’enjeux et que par voie de conséquence cela fait beaucoup de jaloux. Pierre Moscovici en premier, qui ne cesse, depuis samedi, de crier sur tous les toits qu’il a été trahi et qu’il n’a pas l’intention de renoncer à être premier secrétaire. Se poser en victime, c’est peut-être un argument suffisant pour que se tendent... les micros, mais cela ne fait pas pour autant un argumentaire. Homme de gauche, non-membre du PS, je ne roule pour aucune chapelle et les querelles sémantiques sur la définition du social-libéralisme ou du libéralisme social me laissent de marbre, mais je crois qu’il y a un vrai enjeu politique à la confrontation actuelle entre Pierre Moscovici et Martine Aubry. Les ambitions sont légitimes lorsqu’elles expriment un enjeu.



Pour ma part, je crains fort qu’à l’occasion des prochaines élections, les élections européennes, ne se manifeste de manière brutale la désillusion du peuple de gauche face à l’impuissance du Parti socialiste. Et je crois également que, si Pierre Moscovici est choisi comme premier secrétaire du Parti socialiste, cette désillusion s’exprimera avec d’autant plus de force. Un PS au niveau du Parti de Besancenot ou des écologistes ? Ce n’est pas une hypothèse absurde. Lève le nez du guidon Pierre, oublie un instant le Parti socialiste et demande-toi qui sont les maîtres du débat public. Le Parti socialiste est inaudible depuis longtemps et le coup de force de Fabius en 2005 en a signé l’acte de décès. Quant aux paillettes de Ségolène Royal… L’idée selon laquelle le remède serait d’élire un non-présidentiable à la tête du PS (ce qui est ta théorie) est une absurdité. Au contraire, il faut une voix forte au PS. Le sujet n’est pas d’empêcher la présidentialisation du Parti, comme tu le suggères, le sujet est d’empêcher que l’élection présidentielle ne se joue à l’extérieur, au sein des rédactions des journaux et des instituts de sondage, comme cela a été le cas en 2007. Ce sont les médias qui ont "fait" Ségolène. Ils l’ont "fait" à leur main, avec pour seul cahier des charges de se situer sur le même terrain que l’étoile montante du camp d’en face, Nicolas Sarkozy (dit autrement, d’être son faire-valoir). Si Ségolène Royal a remporté les primaires au sein du PS, ce n’est parce qu’elle représentait quoi que se soit, mais parce que les militants socialistes savaient que la force de corruption de la machine à propagande médiatique ne laissait au Parti socialiste pas d’autre choix que de se soumettre à leur diktat. Il en va de même pour les présidentiables actuels (ceux désignés par les médias). Ils seront les otages de cette machine à propagande si le Parti socialiste ne pèse pas sur ce qu’ils sont et ce qu’ils disent.

Pour ma part, je crois que désigner Martine Aubry comme première secrétaire est aujourd’hui le meilleur des choix possibles, non point tant parce qu’elle serait un point d’équilibre entre la gauche et la droite du parti, non point parce qu’elle serait ma championne pour les prochaines élections présidentielles (quoique…), mais parce qu’elle est l’antidote à Ségolène Royal, symbole de l’inexistence politique du PS. Aubry est, elle, le symbole d’une résistance. Elle est le "nous" de la gauche face au "je" de Ségolène Royal, face au "je" de la société du spectacle, face au "je" de la droite. Elle est le chemin qui peut permettre au Parti socialiste d’être entendu hors ses murs.

La démocratie est malade et la gauche a des réponses à cet état de névrose collective. Si tant est qu’elle sache faire les bons choix. La gauche doit résister à la marchandisation de l’espace public. Ce devrait être l’honneur du Parti socialiste que de tenter d’en être le fer de lance.


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