Mauvaise passe pour François Hollande

par Henry Moreigne
jeudi 18 janvier 2007

Après avoir connu l’ivresse des victoires électorales collectives et réussi l’organisation des primaires au sein de son parti, François Hollande semble depuis traverser une mauvaise passe. Une situation exprimée sans détour, dans un humour douteux, par Arnaud Montebourg, porte-parole de sa compagne : "Ségolène Royal n’a qu’un seul défaut, c’est son compagnon." Hollande a beau être caustique, il y a des chances que les propos du dandy de la Bresse sur Canal + le 17 janvier lui vaillent quelques aigreurs. Sous ses aspects rondouillards, celui que beaucoup ont rebaptisé Flanby est loin d’être dans la réalité le gaffeur un peu benêt que certains aiment décrire. C’est au contraire un gagneur, suffisamment fin politique pour avoir su non seulement éviter l’éclatement du PS, mais surtout le remettre en ordre de bataille.

Les responsabilités et les présidences, il y a belle lurette que François Gérard Georges Hollande les assume. Frais licencié en droit, il préside la section de l’Union nationale des étudiants de France à l’Institut d’études politiques de Paris. Présidence toujours du comité de soutien à François Mitterrand à HEC Paris où il entre en 1974. Sorti 11e, c’est-à-dire parmi les meilleurs, en 1980 de l’ENA, il devient auditeur à la Cour des comptes avant d’être recruté par Jacques Attali dans son brain trust, comme conseiller de François Mitterrand pour les questions économiques.

En 1983, son ascension se poursuit. Il endosse désormais les habits de directeur de cabinet de deux porte-parole successifs du gouvernement de Pierre Mauroy : Max Gallo et Roland Dumas. Au chaud, au cœur du pouvoir, il n’hésite pas à aller défier Jacques Chirac sur ses terres corréziennes. Il échoue aux élections municipales et aux législatives mais il persiste, et se crée un fief. En 1988, après la réélection de François Mitterrand, il est élu député de Tulle, dont il deviendra maire en 2001 après deux échecs.

Parallèlement, en 1984, peu tenté par les querelles de tendances et les différentes écuries, il fonde les transcourants. En 1990, au Congrès de Rennes, il soutient la motion Mauroy-Mermaz-Jospin. En 1993, il perd son mandat de député et prend la présidence du Club témoin de Jacques Delors, qu’il conserve jusqu’en 1997. En novembre 1994, il devient secrétaire national du Parti socialiste, chargé des questions économiques. Il se rapproche de Lionel Jospin après le renoncement de Jacques Delors. Lionel Jospin fait de lui un des porte-parole de sa campagne présidentielle, puis celui du parti en octobre 1995, avant de le choisir pour lui succéder comme premier secrétaire du parti.

Le retrait de Lionel Jospin lui offre l’occasion de s’affirmer en patron de la vieille maison. En mars 2004, le PS remporte 20 des 22 régions de métropole et la Guadeloupe. 51 départements sur 100 ont un président de gauche. Le Parti est au plus haut avec 29 % des suffrages exprimés aux élections européennes.

En 2004 pourtant, il trébuche sur le référendum sur la constitution européenne. Le PS en interne fait le choix du oui. Une frange du PS emmenée par Laurent Fabius viole la discipline du parti et mène campagne pour le non qui l’emporte dans les urnes. Le Congrès du Mans le remet en selle. Sa motion obtient 53,71 % et il réussit l’impossible, la synthèse des courants.

Conscient de son manque de charisme, il s’efface dans la course aux présidentielles devant sa compagne, en s’enfermant dans une neutralité bienveillante. La suite, on la connaît. Une désignation écrasante de Ségolène Royale en partie permise par une ouverture du parti à de nombreux nouveaux adhérents, et surtout la reconnaissance de leur défaite par les deux autres challengers. Reste désormais à François Hollande à trouver sa place.

Une position dans l’immédiat inconfortable, entre compagne qui revendique son autonomie et parti délaissé qui cherche son utilité. Gageons pourtant que d’ici quelques mois, la situation sera éclaircie, et que son rôle dans tous les cas se sera clarifié. En attendant, tel un gros matou assoupi, François Hollande demeure un acteur incontournable. Ceux qui l’oublient s’exposent à quelques coups de griffes. A ce jeu-là, le chat l’emporte toujours sur la souris.


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