Mélenchon doit changer sa communication
par Fergus
jeudi 18 avril 2013
L’impression diffuse d’une communication inefficace du leader du Front de Gauche s’était installée au fil des mois. Les résultats du 1er tour de la législative partielle de Beauvais avaient accentué cette impression. Les chiffres du sondage Europe 1-Fiducial du jour le confirment : Mélenchon doit impérativement revoir sa copie...
Malgré toutes les réserves que l’on peut porter sur une enquête d’opinion électorale réalisé hors du contexte d’une campagne, le sondage Europe 1-Fiducial publié ce jour n’en est pas moins édifiant.
Comme l’on pouvait s’y attendre, il montre un fort recul des partis associés à l’action gouvernementale : avec 22 %, François Hollande dégringole de 6,8 % de voix, et Eva Joly, créditée de 1,5 %, perd 0,8 % des voix écologistes. Eu égard au contexte socioéconomique et au mécontentement croissant des Français relativement à l’action de l’exécutif, ces reculs n’ont évidemment rien d‘étonnant.
Nicolas Sarkozy et les forces centristes ne tirent pourtant qu’un avantage relatif des grandes difficultés du pouvoir socialiste : avec 30 % des intentions présumées de vote, l’ex-président ne regagne que 2,8 % par rapport au 1er tour de 2012 ; quant à François Bayrou, crédité de 10 %, il n’enregistre qu’un gain modeste, et décevant pour le Modem, de 0,9 %.
En bonne logique, et conformément aux attentes de Jean-Luc Mélenchon qui n’a cessé d’affirmer que de nombreux déçus du socialisme à la mode hollandaise allaient se rallier aux idées de la gauche de progrès, le Front de Gauche aurait dû tirer un net profit des désillusions nées de la politique menée par le tandem Hollande-Ayrault. Il n’en est manifestement rien : avec 11 % pour Jean-Luc Mélenchon, le FdG enregistre un léger recul de 0,1 % par rapport à son score de 2012, tandis que Philippe Poutou et Nathalie Artaud stagnent au même niveau.
Grande bénéficiaire de cet exercice, Marine Le Pen est, quant à elle, créditée de 22 % (autant que François Hollande), soit un gain significatif de 4,1 % des intentions de vote en faveur du Front National. Un gain suffisant pour la mettre virtuellement en position de qualification pour un 2e tour.
Lors du 1er tour de la présidentielle, l’ensemble des voix de la gauche radicale s’était établi sur un étiage grosso modo équivalent à ceux des présidentielles précédentes. Ce sondage montre que rien, dans l’opinion de nos concitoyens, n’a réellement changé : ce socle de voix reste désespérément inamovible, malgré la tempête économique et les régressions sociales qu’endurent les classes populaires et moyennes.
Seul parti hors du système UMP-PS à en tirer profit, le FN doit principalement cette progression à sa dénonciation des dérives libérales des partis de gouvernement, a son positionnement résolument anti-européen, et à son discours de stigmatisation des boucs émissaires bien commodes que sont les étrangers.
Mais le Font National doit également sa progression à l’incapacité du Front de Gauche à gagner des parts électorales sur les déçus du socialisme. Des déçus dont le nombre ne cesse pourtant de grandir au fil des mois et au fur et à mesure que les électeurs de François Hollande prennent conscience du marché de dupes qui leur a été proposé en mai 2012. La raison de ce désintérêt pour le FdG réside à l’évidence dans le comportement et le discours de son chef.
Jean-Luc Mélenchon se montre pourtant très brillant dans ses discours de meeting, et son indiscutable charisme lui permet alors d’enflammer les foules venues écouter sa parole de justice sociale et d’humanisme relativement aux agressions orchestrées par le monde de la finance et les caciques politiques dont l’action sert les intérêts des seules oligarchies, que ces caciques portent la livrée bleue de l’UMP ou le costume rose du PS.
Pour excellent tribun qu’il soit – la chose ne fait pas l’ombre d’un doute –, Mélenchon ne parvient manifestement pas à étendre l’influence du FdG au-delà de la gauche radicale, malgré la qualité foncière des idées qu’il défend avec une indéniable conviction. Cela tient sans nul doute à la manière dont il a endossé son rôle, en surjouant « le bruit et la fureur », persuadé à tort d’entraîner derrière lui la foule des mécontents, séduits par ce ton d’imprécation contre les puissances de l’argent-roi.
Mais cela ne fonctionne pas ainsi en politique, particulièrement lorsque l’on prétend gagner à sa cause des électeurs modérés, indécis ou frileux. Mélenchon a sans nul doute les moyens de convaincre les déçus du socialisme hollandais qui entendent et approuvent la condamnation des dérives libérales de l’exécutif parce qu’ils en mesurent les dégâts de cette politique pour eux-mêmes ou leur entourage. Mais le leader du FdG doit impérativement comprendre qu’on ne séduit pas ces électeurs-là en se livrant à des pugilats dans les médias ou en insultant des ministres, aussi impliqués soient-ils dans les dérives incriminées.
Ce faisant, Mélenchon ravit indiscutablement les militants les plus engagés du Front de Gauche, mais en réalité il est contreproductif pour son parti et pour les idées qu’il veut promouvoir car seules les invectives les plus virulentes et les chicayas les plus consternantes avec des journalistes qui ont beau jeu de le provoquer sont retenues par le public, et cela au détriment du fond et des propositions. Mélenchon doit comprendre que plus il persiste dans cette voie, plus il donne des armes à ceux qui veulent le réduire à un registre extrémiste.
Je ne veux pas dire ici que Mélenchon doive modifier son discours au point de délivrer des interviews insipides et dénuées de toute attaque virulente contre ceux qui se comportent en valets de la finance. Bien au contraire, il doit stigmatiser avec force les responsables de la dérive libérale et de la régression sociale. Mais il doit le faire sans recourir à l’insulte et sans se laisser aller à son penchant naturel pour un pugilat verbal qui prend systématiquement le pas sur la nécessaire pédagogie qu’il devrait déployer. Car en fait tout se joue là : sur la pédagogie en direction de tous ces électeurs des classes populaires qui, revenus des errements de l’UMP et du PS, s’en vont désormais chercher un recours sur les terres du FN ou se réfugient dans une improductive abstention.
De la pédagogie, encore de la pédagogie, toujours de la pédagogie, tel devrait être le credo de Jean-Luc Mélenchon. Ne pas comprendre qu’un changement de comportement est indispensable serait une grave erreur de stratégie en vue des prochaines échéances. L’électeur constant de la gauche de progrès que je suis depuis plus de 40 ans en serait le premier navré, non pour moi-même, mais pour tous ceux qui souffrent et qui ont besoin de croire qu’un vent nouveau, à la fois humaniste et réaliste, peut se lever dans notre pays.