Mélenchon, Juppé et Macron, quand la politique a 40 ans de retard
par Bernard Dugué
mardi 25 octobre 2016
Ce portait de la situation politique est volontairement caricatural mais je pense qu’il sonne vrai. 2017 verra se dérouler une élection présidentielle et nombreux sont ceux qui n’attendent rien de bien prometteur. Ce qui peut se comprendre au vu de la crise sociale accompagnée par une absence de mouvement porteur de renouveau. Les Français ne veulent élire ni Sarkozy ni Hollande pour de bonnes raisons. Les options alternatives ne sont pas à la hauteur de la crise. Parmi les outsiders, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon sont d’excellents candidats pour prétendre gouverner en… 1974 ou bien 1981.
On retrouve en effet chez Macron ce libéralisme ouvert et joyeux incarné par Valéry Giscard d’Estaing. On les voit, ces jeunes enthousiastes et ambitieux se presser aux prestations de l’ex ministre de l’économie transformé en télévangéliste du progressisme en marche. Des jeunes optimistes, surtout pour leur carrière, des jeunes qu’on imagine nés dans des bonnes familles, ayant fait leur scolarité dans des bons établissements puis poursuivi leurs études dans les bonnes écoles et de plus, dotés d’une bonne conscience, sociale et libérale bien plus que socialiste. Des gens bien sous tous rapport, comme notre bon chic bon genre Macron et sa dame, bourgeoise, moderne, classieuse et raffinée. Emmanuel avec les rebels CBG ! Giscard à la barre ! Macron sur le pont !
Jean-Luc Mélenchon incarne le programme commun de la gauche signé en 1972, battu aux législatives de 1978, partiellement appliqué entre 1981 et 1983 par Mitterrand. Mélenchon, c’est le programme commun pour des gens qui n’ont plus vraiment grand-chose en commun, c’est un programme sans les bases ouvriéristes d’antan. C’est les valeurs de la Révolution sans ses ressorts. C’est de l’idéologie marxisante et patriotique sans mouvement historique de fond. Il ne reste que les militants et sympathisants. Beaucoup sont des spectateurs. Il est vrai que Mélenchon assure le show.
Qu’est-ce qui fait élire un président ? La rencontre d’un homme d’Etat et d’un peuple disait de Gaulle ou je ne sais plus qui. Il faut imaginer l’Histoire sociale comme un train lancé à toute vitesse. A un moment, un homme est choisi parce qu’il est jugé capable d’augmenter la puissance de la motrice tout en maintenant le convoi à grande vitesse sur des rails, avec quelques aiguillages si nécessaire.
Je continue la caricature. Le train de l’Histoire a embarqué un mauvais docteur en 2007, puis un auto-stoppeur en 2012. En général, l’auto-stoppeur décide quand son trajet est achevé mais le principe de la démocratie est que les passagers du train peuvent débarquer l’auto-stoppeur aux commandes et c’est ce qui va arriver à François Hollande. Qui n’a pas démérité mais qui s’est révélé sous-dimensionné pour les défis de notre époque, avec des erreurs graves, comme dans la gestion de la crise syrienne dès 2012. En 2017, Sarkozy fait figure d’auto-stoppeur qui sur la route, s’agite en faisant des tas de signes pour qu’on le regarde et qu’on le prenne dans le train de l’Elysée.
Et Alain Juppé ? Il se démarque du lot des primaires républicaines où figurent Le Maire, un chef scout sans cravate, Sarkozy, un agité du bocal, Fillon, un professeur sérieux sans autorité, Copé, un invité qui s’est imposé, NKM, une bourgeoise éthérée, Poisson, un conservateur bon chic qui essaye de faire le show. Du coup, il est évident que Alain Juppé émerge du lot en apparaissant comme l’homme de la situation. Et comme la situation de la France n’est pas bonne, la figure du sage avec de l’expérience est celle qui s’impose dans les consciences, du moins celle de la droite modérée.
C’est le moment de passer à la synthèse. Avec un portrait succinct des trois personnalités politiques qui, comme le veut la formule médiatique, impriment. Mélenchon, c’est Georges Marchais sans le communisme. Macron, c’est le centrisme social et libéral à la Giscard. Juppé, c’est le bonapartisme social et lettré hérité du général de Gaulle et de Pompidou. Le tableau ne serait pas honnête si on ne parlait pas d’une quatrième personnalité qui, bien que peu consensuelle et détestée des médias, imprime aussi les consciences. Marine le Pen représente en quelque sorte la voiture balai qui récupère ceux qui se sentent en marge ou alors décrochent du train de l’Histoire qui ne va nulle part.
Un bon mot à la Desproges. Le névrosé attend d’être récupéré par la voiture balai. Le psychotique croit qu’elle va accélérer et dépasser le maillot jaune.
Ce portrait de la vie politique nous indique que le train de l’Histoire n’est pas porté par des mouvements sociaux mais par une aspiration à utiliser les technologies et surtout le souci de maintenir les positions pour ceux qui en ont. Les personnalités qui « impriment » ont des idées datées de 40 ans. Preuve que la société française est restée figée dans ses visions. Aux extrêmes, Marine Le Pen ne fait que récupérer les gens paumés qui ne se retrouvent pas dans la société. Si on voulait tracer un correspondance, alors on irait chercher 100 ans en arrière, du côté de Maurras qui avec l’action française jouait aussi le rôle d’une voiture balai pour ceux qui n’étaient pas dans l’Histoire en 1936. Cela dit, les analogies sont trompeuses. On trouvera chez le FN du Maurras mais édulcoré.
Acte final, la stagnation intellectuelle depuis 40 ans. Un historien informé de l’évolution des sciences sait que depuis quatre siècles, les changements sociaux et politiques sont en connivence avec les transformations de la philosophie et des sciences. Depuis 40 ans, il n’y a pas de rupture épistémologique, de changement de paradigme ni de vision nouvelles dans tous les domaines du savoir, philosophie, biologie, physique. Juste quelques percées prometteuses. Ce qui signifie que nos sociétés vivent sur les acquis du passé, autant en science qu’en politique. Il n’y a rien d’étonnant à constater que les prétendant au trône présidentiel ont 40 ans de retard. Les citoyens ont aussi 40 ans de retard pour la plupart. Conclusion. 2017 est sans intérêt. Seule l’éthique de responsabilité s’applique pour choisir un candidat par défaut. Pour préserver le pays.
Cela dit, une nouvelle science est possible et pourrait émerger mais elle a en face la puissance des forces conservatrices, comme en politique. Les pays européens vont dans le mur et le seul programme politique est d’éviter d’aller dans le mur. Un jour, les hommes s’éveilleront à une nouvelle pensée et un monde nouveau émergera. Les sciences et la philosophie de l’intrication quantique sont sur les rails, avec la spiritualité et la nouvelle théologie. Entre-temps, il se peut qu’il y ait de la casse.