Mélenchon, nouveau meilleur ennemi du système ?

par Laurent Herblay
samedi 13 janvier 2018

En 2017, je me suis sérieusement intéressé à Mélenchon. Au printemps, quand la présidentielle s’est transformée en quadrangulaire, il pouvait apparaître comme la meilleure option des quatre pour la France. Cet automne, il a pris la tête de l’opposition à Macron. Mais par ses excès et ses failles, j’en viens à me demander s’il ne devient pas l’opposant idéal pour Macron...

 

Peu pédagogique, colérique, et pas si démocratique
 
Je partage beaucoup des convictions des militants de la France Insoumise, que ce soit sur les inégalités, le caractère oligarchique de notre système économique, la mise sous camisole de la démocratie, le manque de prise en considération des enjeux écologiques ou les dangers du comportement des Etats-Unis. Bien sûr, France 2 est critiquable, avec la différence de traitement entre l’Emission Politique et l’interview courtisane de Macron par Laurent Delahousse, qui revèle un deux poids deux mesures assez incroyable. Mais, cela ne doit pas empêcher de se poser des questions sur la ligne suivie par celui qui incarne sans doute aujourd’hui le mieux l’opposition à la majorité actuellement au pouvoir.
 
D’un premier abord, la critique des journalistes peut sembler aussi légitime que gagnante. C’est la voie suivie avec succès par Trump, même si la comparaison ne plaira sans doute pas. La profession n’a pas une bonne image, en partie à raison, du fait de son uniformisme idéologique qui ferait parfois passer les média publics chinois pour indépendants. Mais, outre le fait qu’il oublie bien vite les conditions difficiles de ce métier, premier frappé par la disruption digitale, ces charges contre certains journalistes sont extrêmement violentes, au point que le très recommandable site Arrêts sur Images s’est ému de ses propos sur les « liens communautaires » de Léa Salamé. Son papier de suite sur l’émission contient des attaques très violentes contre tous les journalistes avec lesquels il a échangé.
 
Puis, suite à une tribune de Caroline Fourest au sujet de ses propositions sur les médias, Jean-Luc Mélenchon a repris longuement la plume pour lui répondre d’une manière extraordinairement agressive, affirmant par exemple que « sa conscience et sa plume ont trouvé acquéreur (…) la voici devenue un passe-plat ordinaire de la caste. Parti pris systématique pour l’extrême droite des beaux quartiers de Caracas  ». Il évoque une « outrance bouffie de suffisance  », affirmant qu’elle « ment sciemment  » sans avoir la moindre preuve de cela. Ce qui me frappe ici, c’est la violence du propos, malheureusement un peu trop coutumière du personnage, et qui me semble largement disproportionnée.
 
Ce faisant, en croisant les deux émissions politiques de l’année, je commence à trouver Mélenchon démocratiquement inquiétant. Il refuse trop souvent le dialogue et réagit avec une violence disproportionnée à tant de critiques alors qu’un vrai démocrate devrait faire preuve de pédagogie (ce qu’il est parfois capable de faire, comme avec le diméthoate sur son blog) et d’ouverture d’esprit. Il me semble devenir un Trump de gauche, plus solide intellectuellement, mais pas moins excessif dans ces réactions médiatiques. Pourquoi si souvent voir le monde en noir et blanc, comme au Vénézuela, où le camp au pouvoir serait des gentils incritiquables, et tous les autres les méchants de l’histoire  ?
 
Ce qui me frappe depuis un an sur le fond, c’est son manque de pédagogie, et même parfois de solidité sur les sujets économiques, comme face à Lenglet le 30 novembre où ses réponses étaient très dilatoires, alors que tant de travail intellectuel est disponible pour répondre au mieux à toutes les interrogations de ses opposants. L’alliance d’une forme volontiers agressive et d’un fond mal expliqué peut dessiner en creux, pour certains, des relents d’autoritarisme volontiers inquiétants. Et ce n’est pas en aboyant à Laurence Debray qu’elle ressort les « éléments de langage de l’extrême-droite vénézuélienne  » qu’il rend ses propos ou ses idées audibles par une majorité de la population.
 
 
Ce faisant, d’une manière différente du FN, bien sûr, j’en viens à me demander s’il n’est pas en train de remplacer ce dernier comme le nouveau meilleur ennemi du système, fort, mais purement protestataire et sans la moindre perspective de pouvoir. Qui pourrait imaginer aujourd’hui que Mélenchon pourrait la moindre chance au second tour face à Macron ?

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