Mélenchon peut-il être en finale le 7 mai ?

par Fergus
mercredi 5 avril 2017

Que ce soit en termes d’intentions de vote ou d’image personnelle, les sondages sont, à moins de trois semaines de l’élection présidentielle, incontestablement favorables à Jean-Luc Mélenchon. Cette dynamique permettra-t-elle au leader de la France Insoumise d’accéder au 2e tour du scrutin en induisant un séisme dans le paysage politique français ? 

Les dernières enquêtes conduites par les instituts de sondage sont toutes convergentes et montrent une nette progression de Jean-Luc Mélenchon. Le leader de la France Insoumise possède en effet entre 3,5 et 5 points d’avance sur Benoît Hamon, le candidat du Parti Socialiste, menacé dorénavant de tomber sous les 10 %. Un score à un chiffre qui, pour le PS, prendrait la forme d’un camouflet, un étiage aussi bas n’étant plus arrivé depuis... 1969, année où Gaston Deferre (5,01 % pour la SFIO) avait été très nettement devancé par Jacques Duclos (21,27 % pour le PCF).

Les intentions de vote en faveur de Mélenchon sont désormais mesurées à 15 ou 16 % dans les dernières enquêtes, ce qui place le candidat de la FI au plus haut niveau qu’il avait atteint avant le 1er tour de la présidentielle de 2012. Gageons que cette progression n’est sans doute pas terminée. À ces données encourageantes viennent en effet s’ajouter les résultats d’enquêtes qualitatives positives pour le candidat de la FI dont l’image – délestée des excès de son goût passé pour « le bruit et la fureur » – s’est très nettement améliorée depuis la précédente campagne et a incontestablement bénéficié du débat organisé le 20 mars sur TF1. Si l’on en croit l’Ifop pour le JDD (2 avril), Mélenchon, à l’écoute des Français pour 76 % des sondés, possède même une stature présidentielle pour 46 % du même panel et une véritable capacité à réformer le pays pour 49 % des personnes interrogées.

Des qualités reconnues qui devraient en faire l’un des favoris de la présidentielle. Or, la perspective d’une qualification de Mélenchon pour le 2e tour relève encore de l’infime probabilité. La France Insoumise, toujours – et sans doute sciemment – affublée de qualificatifs d’« extrême-gauche » et de « populiste » dans les médias libéraux, peine effectivement à conquérir de nouvelles voix hors de l’électorat de progrès pris au sens large, autrement dit en incluant les sympathisants de Hamon, clairement dissidents de la ligne politique hollando-vallsiste. Ce constat est assez facile à démontrer : d’enquête en enquête, le total cumulé des intentions de vote en faveur de Mélenchon et Hamon oscille entre 24 et 25 %, l’un gagnant ce que l’autre perd dans une stratégie qui pourrait se révéler perdant-perdant si aucun des deux ne prend un ascendant décisif sur son concurrent.

Mélenchon a-t-il pris cet « ascendant décisif » sur Hamon ? C’est probable : grâce à ses indéniables talents d’orateur, à sa détermination sincère, et à la solidité d’un projet collectif – L’Avenir en commun – au service des classes moyennes et populaires dans le cadre d’un renouvellement des institutions, le leader de la France Insoumise transcende les foules qui assistent à ses meetings et rallie à sa candidature de nombreux transfuges d’un Parti Socialiste en pleine déliquescence. Dès lors, Hamon semble condamné à « jouer les utilités » comme l’on dit au théâtre, ou plutôt les « inutilités » pour la cause des progressistes de gauche dont il s’affirme pourtant le champion légitime.

Rompre avec le libéralisme

Hamon inutile, il est probable qu’une partie de son électorat le lâche dans les prochains jours pour aller soutenir Mélenchon, devenu de facto le leader de la gauche de progrès. Une mobilité qui pourrait de surcroît être encouragée par la perspective de voir le candidat de la France Insoumise en mesure de dépasser le présumé délinquant Fillon, tant ce dernier inspire un profond dégoût dans le pays. Cela étant, il est évidemment difficile d’estimer a priori le volume de cet apport de voix socialistes en rupture avec Hamon. On peut cependant présumer que, nanti de ces nouveaux soutiens en sa faveur, Mélenchon pourrait flirter avec les 20 % d’intentions de vote, ce qui serait déjà un résultat remarquable pour un candidat issu de la gauche dite « radicale ».

Un tel score ne serait toutefois pas suffisant pour accéder au 2e tour de la présidentielle, eu égard au socle solide de Le Pen et aux effets du vote utile pro-Macron, induit tout à la fois par l’insigne faiblesse de Hamon à gauche et le rejet moral de Fillon dans une partie significative de l’électorat de la droite et du centre. Sauf grave accident de parcours de l’un ou l’autre des deux favoris actuels, la barre de la qualification risque par conséquent de rester trop élevée.

La qualification est-elle impossible pour autant ? Sans doute pas. Mais il faudrait pour cela que Mélenchon soit en mesure d’aller reconquérir les anciens électeurs de gauche qui, écœurés par des décennies de confusion de type « UMPS », ont progressivement tourné le dos à leur camp d’origine pour aller grossir les rangs de l’abstention et du Front National. À l’évidence, il y a là un important vivier d’électeurs que la perspective d’une réforme de la gouvernance et du positionnement des citoyens au centre de l’action politique pourrait séduire. D’où l’intérêt de diffuser le plus largement possible « L’Avenir en commun ».

Le 23 avril, l’enjeu sera limpide : soit les électeurs soutiendront le projet de la France Insoumise pour rompre avec la ligne libérale et les régressions sociales qui prévalent depuis plusieurs quinquennats ; soit ils opteront pour un duel opposant le 7 mai deux des trois candidats suivants : 1) un jeune loup proche de l’oligarchie et partisan de l’ubérisation de la société ; 2) une candidate nationaliste et xénophobe aux amitiés sulfureuses ; 3) un imposteur doublé d’un escroc ayant érigé la cupidité en modèle de vie pour lui-même, et l’austérité cynique pour les classes populaires !

À lire, deux excellents articles :

Signé Carnac : En marche... de Macron à la France Insoumise (3 avril)

Signé Verdi : La sauce serait-elle en train de prendre pour Mélenchon ? (4 avril)


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