Même baptisé, n’est pas Boutin qui veut

par Nicolas GEORGES
lundi 3 juin 2013

Heureusement qu’elle est là. Le mariage pour tous lui a redonné une cure de jouvence. Elle a retrouvé la lumière médiatique. À croire que les médias servent de bouée contre la déprime, une sorte de point G pour les politiques qui doit être stimulé pour ne pas tomber dans l’oubli.

Icare lui aurait probablement bien conseillé de se taire en observant une période de chasteté buccale. Mais Christine Boutin est plus forte que la raison. Entrainée par la lumière enivrante des studios radio et télévision, elle a préféré parler, prenant le risque de se prendre la langue dans les patins.

À force de combattre le mariage pour tous, elle en a oublié le mariage pour elle, chez les siens. À trop surenchérir, les médias deviennent implacables. Ils préparent la riposte. Ils esquissent la réponse, tournent autour du sujet, avancent, reculent, l'air de ne pas y toucher. Ils cherchent la faille, la question mystère, puis dénichent celui qui sait ce que personne ne sait et qu’il ne faudrait surtout ne pas savoir.
 
Alors, à force de parler du sexe des autres, on finit par parler du sien… de sexe. Simone de Beauvoir avait clairement identifié le deuxième sexe, Christine Boutin vient de réintroduire la notion de consanguinité dans le mariage.
 
Et là, il y a la question germaine, celle qui vient de loin, plutôt de près d’ailleurs, celle qui fait mouche au bout du roseau. Il y a cet amour proche, celui qui est devenu son mari. Attention, le cousin, il ne faut pas y toucher, sinon elle cogne, elle l’a dit. Elle sera colère. Christine et lui, c’est du sérieux. Le cousinage affectif, la république n’est pas contre ce corps à corps, elle l’a dit, donc elle n’est pas dans un amour illicite ou répréhensible. Ouais… mais bon, pas facile à faire avaler quand même !
 
Christine Boutin se mêle du mariage des autres, mais s'offusque qu'on s'intéresse au sien. Il y a là une sorte d'aveu d’une morale en eau trouble. En fait, elle s’est pris les pieds dans le tapis. Ou mieux « le cierge dans le bénitier », comme dirait le libre penseur qui sommeille en chacun de nous. 
 
Dans cette croisade idéologique, elle a été la bonne cliente des médias. Elle avait toujours le bon mot, la phrase qui fait mal, la stigmatisation en ligne de mire. Elle avait le truc pour rassurer les porteurs du péché originel. Parler des homosexuels comme des « envahisseurs », il fallait oser quand même. Sans oublier cette « Loi supérieure à celle de la République », on aurait dit une missionnaire de Dieu invitant le peuple François à sauver son âme en montant dans l’Arche de Christine.
 
Elle était prise dans une boulimie médiatique à l’insu de son plein gré. Mais la niche idéologique de la défense de la famille est en terrain concurrentiel. Il fallait qu’elle fasse taire cette Frigide Barjot qui lui mangeait son pain quotidien. Alors, elle a joué sa carte personnelle, celle d’une mamie que tout le monde voudrait avoir pour garder ses enfants, la bonne catholique qui défend la vieille morale. Elle est allée sur le bitume pour marquer le pavé de son empreinte. À chaque fois qu’un micro lui effleurait le regard, elle s'est complue à nous infliger son catéchisme populisme, bien loin de la tolérance et de l’amour de l’autre.
 
Trop de lumière d’un coup ? Probable. Et puis il y a eu cet auditeur qui l'a confrontée à sa propre contradiction. Elle devait s’y attendre. Son histoire personnelle. Son secret de famille, son secret politique, le secret ambigu devant la Loi supérieure. Le masque est tombé, le rideau avec.
 
Le mariage pour tous est derrière elle, le mariage pour elle est maintenant dans le silence de l’introspection. 
 
Nicolas GEORGES

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