Menaces sur les candidatures d’extrême droite ?
par Yves-Marie Cann
mercredi 19 juillet 2006
Au printemps 2002, près de 700 maires ont parrainé les candidatures de Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret à l’élection présidentielle. Les deux leaders de la droite extrême sont-ils assurés du renouvellement de leurs « parrains » ? Rien n’est moins sûr. Etat des lieux, à l’approche du prochain rendez-vous présidentiel.
La France est désormais entrée en pré-campagne présidentielle. Les enquêtes se multiplient. Certains pronostiquent un duel opposant Ségolène Royal à Nicolas Sarkozy. D’autres, moins nombreux ces dernières semaines, se déclarent convaincus d’une nouvelle accession de Jean-Marie Le Pen au second tour du prochain scrutin présidentiel. Pour autant, les enquêtes d’intentions de vote publiées dans la presse, et dont nous rendons compte régulièrement, n’ont aucune valeur prédictive. Tout au plus nous indiquent-elles la “météo politique” du moment, en aucun cas celle du printemps à venir ! Dans ce contexte, nous en sommes tous réduits à formuler des hypothèses. Or, il en est une que personne ne soulève : et si Jean-Marie Le Pen n’obtenait pas les 500 parrainages requis pour participer à l’élection présidentielle en 2007 ? Politique fiction, dites-vous ? Peut-être, mais...
Explications. Afin de prévenir les candidatures dites fantaisistes et de limiter le nombre de postulants, un candidat, pour être admis à participer au premier tour de l’élection présidentielle, doit avoir obtenu le “parrainage” d’au moins 500 élus (députés, sénateurs, parlementaires européens, conseillers généraux ou régionaux, conseillers de Paris, maires, présidents d’une communauté urbaine, d’agglomérations ou de communes, etc.) issus d’au moins 30 départements ou territoires outre-mer, sans que plus du dixième de ces 500 signatures provienne d’un même département ou territoire. La démarche n’est donc pas aisée, notamment pour les “petits” candidats, lesquels ne peuvent pas s’appuyer sur une formation politique disposant d’un réseau d’élus locaux. Aussi bon nombre d’entre eux ont-ils déjà entamé les démarches nécessaires pour obtenir, le moment venu, suffisamment de signatures pour participer au premier tour de scrutin. A cet égard, l’obtention des parrainages s’apparente à une véritable course de fond.
Au-delà de ce cadre juridique, des contraintes politiques entrent également en jeu et pourraient contrarier les candidature de la droite extrême, dont celle du président du Front national. Deux freins majeurs s’y opposent, et pourraient s’avérer déterminants.
Le traumatisme du 21 avril 2002. Au soir du premier tour de la dernière élection présidentielle, la qualification de Jean-Marie Le Pen a permis à de nombreux “parrains” de mesurer la portée de leur geste. Rares sont ceux regrettant leur geste (Le Monde daté du 29 août 2002), la plupart étant “convaincus d’avoir servi la démocratie” en lui donnant la parole. Il n’empêche, la publication de la liste de ces “parrains” par le Conseil constitutionnel, fréquemment reprise par la presse locale, a pu susciter des réactions d’hostilité à l’encontre des intéressés. Une situation d’autant plus mal vécue que la plupart d’entre eux ne partageaient pas les idées défendues par la droite extrême. La perspective - peu probable à ce jour - d’un nouveau “21 avril” pourrait inciter certains maires à ne pas renouveler leur parrainage. Comme le relève Éric Dupin sur son blog, “jamais le contexte n’a été aussi porteur pour l’extrême droite”, même si le Front National paraît aujourd’hui affaibli en tant qu’organisation politique. La concurrence de Philippe de Villiers, lui-même candidat, et de son Mouvement pour la France y sont d’ailleurs pour beaucoup, de nombreux cadres frontistes l’ayant aujourd’hui rejoint.
Les élections municipales de 2008. Le renouvellement des conseils municipaux, programmé pour le printemps 2008, et l’anticipation des réactions d’hostilité pouvant influencer négativement l’issue de ces scrutins locaux pourraient également inciter de nombreux maires à reconsidérer leur parrainage de 2002. Par prudence, certains élus pourraient, en anticipant alors leur prochaine campagne électorale, refuser leur parrainage à toute candidature susceptible de compromettre leurs propres chances de réélection.
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Compte-tenu de ces éléments, on comprendrait un prochain rapprochement entre Bruno Mégret et Jean-Marie Le Pen, même si ce dernier affirme ne pas envisager une telle hypothèse, pariant probablement sur un renoncement de son ancien compagnon de route. En tout état de cause, la présence de deux candidats issus de la droite extrême paraît improbable, en raison des éléments exposés plus haut. Reste que la concurrence entre ces deux leaders politiques d’une part, et les prétentions électorales de Philippe de Villiers d’autre part, pourraient compromettre plus d’une candidature au printemps de 2007.