Militants de la France Insoumise, gare à l’arrogance !

par Fergus
vendredi 5 octobre 2018

Régulièrement – sur ce site comme sur d’autres, mais également sur les réseaux sociaux –, des militants de la France Insoumise font le procès d’intervenants. Non pas de sympathisants LR ou PS enfermés dans un soutien inconditionnel aux dérives néolibérales attentatoires aux légitimes attentes des classes populaires, mais d’électeurs de... la France Insoumise. Leur tort : ne pas être strictement sur la même ligne que ces champions autoproclamés de la vérité révélée, ne pas adhérer aveuglément à la doxa officielle...

La chose pourrait être cocasse si elle n’était consternante : trop souvent, des militants dûment estampillés France Insoumise – et qui, pour certains, arborent avec fierté le logo du mouvement lancé en février 2016 par Mélenchon – s’en prennent dans les débats à des sympathisants de la FI. Autrement dit à des électeurs qui, pourtant, ont mis dans les urnes au printemps 2017 les mêmes bulletins de vote qu’eux-mêmes. Mais il se trouve qu’aux yeux de ces militants, lesdits sympathisants apparaissent comme de dangereux « déviationnistes » au motif qu’ils n’approuvent pas la totalité des choix politiques du leader, ou qu’ils contestent telle ou telle initiative des caciques du parti.

Le tort de ces déviationnistes : exprimer publiquement leur désaccord sur les points de litige dans les débats organisés sur les sites citoyens du web, sur les blogs ou sur les réseaux sociaux. On croyait pourtant que la France Insoumise était le rassemblement de femmes et d’hommes mobilisés, dans leur diversité, par un objectif commun : l’émergence d’une société de progrès, plus juste et plus respectueuse des aspirations des individus qui la composent. Plus respectueuse également de la liberté d’expression de chacun. Or, à lire les prises de position arrogantes de certains militants de la FI, l’on en vient à comprendre que la doctrine du mouvement, telle qu’ils la soutiennent, est monolithique. Autrement dit, le contenu programmatique de « L’avenir en commun » est à prendre ou à laisser, la moindre divergence, le plus petit désaccord, étant ipso facto suspect de servir les intérêts des forces adverses !

Curieuse conception de la démocratie et de la vie politique. D’un côté, l’on dénonce, à juste titre, les godillots de La République en Marche !, mais aussi les naïfs du Rassemblement National qui gobent sans sourciller les outrances de la patronne. De l’autre, on exige – en même temps ! – que nulle parole ne vienne contredire, ou même seulement nuancer les discours de Mélenchon, les interventions des caciques de la FI, et même la parole des relais militants de la France Insoumise sur le web.

Belle leçon de tolérance et d’ouverture d’esprit ! Certes, tous les adhérents de la France Insoumise ne sont pas sur cette ligne, loin s’en faut, et il convient de le souligner car c’est important. Le problème est que ce ne sont pas les modérés qui sont les plus actifs sur le web, mais les tenants de cette ligne monolithique qui, sur quelque sujet que ce soit, ne supportent pas la critique, ni a fortiori la contradiction. D’où les procès intentés aux déviationnistes par ces censeurs qui, en l’occurrence, usent d’un vieille ficelle : faire mine de mettre en doute la sincérité de la parole ou de l’engagement des personnes ciblées pour tenter de les décrédibiliser auprès des lecteurs. Il y a là des relents de pratiques anciennes de la gauche radicale dont la France Insoumise s’était pourtant démarquée. Une prise de distance qui n’a manifestement pas été comprise – ou acceptée – par tous les militants. 

Un tel comportement est étriqué, mesquin, mais surtout contreproductif pour les intérêts qu’il prétend servir ! Car en agissant ainsi, ces militants psychorigides font preuve d’une dérive sectaire qui contribue de facto à repousser la France Insoumise vers cette « extrême-gauche » où les partis de droite et la presse qui les soutient tentent de la contenir pour enrayer toute tentation de ralliement de l’électorat indécis. Or, il ne peut y avoir de victoire du progrès social sans un élargissement de la base électorale de la FI. Cela implique d’accepter les débats et de prendre en compte une évidence : mis à part un noyau dur de militants, il n’existe quasiment pas d’électeurs – à la France Insoumise comme dans les autres partis – qui partagent en totalité les éléments de programme sur le social, l’économie, la politique étrangère, l’immigration, la sécurité ou les évolutions sociétales du projet. Affirmer le contraire serait mentir ou faire preuve d’une étonnante cécité.

Militants Insoumis, vous voulez faire gagner votre camp – notre camp ! – pour rompre enfin avec la domination cynique et arrogante des néolibéraux qui n’ont de cesse de casser les services publics et de raboter les droits des travailleurs. Faites donc en sorte que les plus intransigeants d’entre vous ne se trompent pas d’adversaires : il n’y aura pas de victoire sans une analyse objective du panorama électoral, ni sans l’introduction d’un minimum de souplesse dans les rapports à ceux des sympathisants de la FI, et a fortiori aux indécis venus du défunt Parti Socialiste ou de l’abstention, qui expriment des nuances, voire des doutes, sur tel ou tel élément du programme.


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