Montebourg et Royal : la carpe et le lapin

par Olivier Bonnet
jeudi 31 août 2006

Ségolène Royal a annoncé la composition de ce qui sera son état-major de campagne si le vote des militants socialistes confirme son avance dans les sondages. La présence d’Arnaud Montebourg, créateur du courant Rénover maintenant, rallié au ségolisme, y saute immédiatement aux yeux. Et à un poste des plus visibles, celui de porte-parole.

Situation incroyablement paradoxale ! Voilà l’homme qui défend un profond ancrage à gauche propulsé en vitrine du Ségo show, pour soutenir "la candidate naturelle du centre droit", comme la qualifie notre confrère Sébastien Fontenelle. Le héraut du non au Traité constitutionnel européen avec la partisane du oui. La carpe et le lapin ? La pilule avait du reste déjà eu un peu de mal à passer auprès des militants montebourgiens, lorsque leur leader avait annoncé son alliance avec Ségolène Royal. Loin d’être persuadés que leurs idées seront bien défendues par la "Pimprenelle du Poitou".

Rénover maintenant se bat ainsi pour une VIe République. La probable future candidate a timidement mentionné le volet des réformes institutionnelles, faisant un petit pas. Mais nombreux au sein du mouvement sont ceux qui restent sceptiques et redoutent d’être les cocus de l’histoire. Et voilà donc le fringant député de Saône-et-Loire nommé porte-parole de Royal ! De quelle marge de manoeuvre Montebourg dispose-t-il ? A priori, elle est intrinsèquement très étroite. La fonction même du porte-parole l’oblige à endosser les options décidées par autrui, aussi Arnaud va-t-il devoir défendre les positions de Ségolène : un festin de couleuvres risque de solliciter rudement son système digestif, contraint qu’il s’agira à la fois de les avaler puis de les régurgiter !

A tel point qu’on ne peut écarter l’hypothèse d’une démission fracassante, si la position du premier des rénovistes devenait par trop intenable. En attendant, le voici qui s’abaisse au rôle du laquais, comme l’en accuse son sympathisant Philippe Thomas, journaliste blogueur rendu célèbre par Fraise-des-bois, me voilà, le carnet de notes en ligne d’un militant socialiste au quotidien (son livre vient de sortir aux Editions de la panique) : "Se faire porte-parole est vraiment devenir le valet de qui émet du sens. Tout au plus se faire l’interprète de quelque pythie... Mais c’est se soumettre, ni plus, ni moins, à la voix de son maître." L’impétueux Montebourg s’accommodera-t-il d’une telle muselière ? Ou parviendra-t-il à peser sur les options stratégiques de la campagne et à "gauchir" le discours ségoliste ? C’est sans doute l’espoir qu’il caresse.

De l’autre côté, on voit bien tout le profit que la candidate Royal peut tirer d’un tel soutien, capable de lui rallier l’aile gauche du PS, si rétive jusqu’ici. A condition toutefois qu’il ne rue pas trop dans les brancards... Elle lui a, du reste, adjoint deux autres porte-parole, Jean-Louis Bianco et Gilles Savary.

Montebourg pourra ainsi sans doute ne s’exprimer que sur certains sujets et éviter ceux qui fâchent, par un habile partage des tâches. Mais tout de même, on reste fort circonspect. La piètre oratrice se fera-t-elle muette comme une carpe, pour laisser parler l’éloquence du tribun de Saône-et-Loire, multipliant les ségolistes de gauche aussi vite que se reproduisent les lapins ? Un bien curieux mariage en tout cas : que l’on risque de s’amuser à la noce !


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