Moscovici complète le dispositif eurolibéral en pleine déroute budgétaire

par Laurent Herblay
jeudi 11 septembre 2014

Ce n’est pas le moindre des paradoxes. Alors même que l’économie française ne parvient pas à redémarrer et que le gouvernement vient d’annoncer un nouveau dérapage budgétaire, Paris a fait nommer Pierre Moscovici Commissaire Européen à l’économie. Une prime à l’échec en somme.

L’impossible équation budgétaire
 
Déjà, Michel Sapin avait annoncé sotto voce en août dans le Monde, que l’objectif d’un déficit budgétaire de 3,6% du PIB en 2014 ne serait pas tenu. Pourtant, il était absolument crucial de le tenir pour espérer tenir les 3% en 2015, après avoir atteint 4,3% en 2013. Dire que Hollande, comme Sarkozy, avaient promis de tenir les 3% dès 2013 ! Aujourd’hui, l’objectif semble hors d’atteinte pour 2015, alors même que la France s’était engagé sur cette date l’an dernier. Toute la question est de savoir si le cap des 3% sera prévu pour 2016 ou 2017, soit avec 3 ou 4 ans de retard par rapport à ce que le candidat « socialiste » avait dit lors de sa campagne… Hier, Angela Merkel a mis la pression à ses partenaires et la commission de Bruxelles a embrayé, pour contre-balancer la nomination de Moscovici.
 
Car c’est bien le problème que nous avions été nombreux à soulever il y a 4 ou 5 ans, à savoir que des politiques d’austérité concomitantes à l’échelle du continent européen, ne font que casser la croissance, et par là même, augmenter le taux de chômage et même amoindrir très fortement les résultats des efforts budgétaires du fait de cette moindre croissance. Voici une politique totalement contre-productif, à moins d’être l’Allemagne, mais qui s’est construit un modèle économique non duplicable et dont le principe repose justement sur un fort excédent commercial alors même qu’il est bien impossible que tous les pays européens soient simultanément dans la même position. Jacques Sapir avait fort bien prévu l’impasse budgétaire dans laquelle se trouve Hollande dès l’automne 2012.
 
L’effarante promotion de Moscovici

Dans ce contexte, il est proprement stupéfiant d’apprendre la nomination de Pierre Moscovici au rôle crucial de Commissaire Européenne en charge des questions économiques. Voici celui qui a été aux commandes pendant deux ans en France et qui a échoué sur tous les plans : pas de croissance, poursuite de la hausse du chômage, poursuite de l’effondrement industriel, maintien d’un fort déficit commercial (malgré la faiblesse de la demande intérieure) et réduction du déficit budgétaire bien inférieure à ses prévisions, au point qu’il va falloir un nouveau report de l’objectif de 3% de PIB. Bref, il est pour le moins paradoxal de promouvoir à un tel poste une personne qui a totalement échoué à l’échelle de la France, bien loin du portrait flatteur qu’il dresse de lui-même et que le Petit Journal égratigne justement.

Mais si Pierre Moscovici est nommé malgré son échec, c’est pour des raisons politiques. La France obtient ainsi un gage pour continuer à suivre la voie tracée par les traités européens, même s’il y a un décalage dans le temps. Mais surtout, même s’il est officiellement socialiste, il défend la ligne eurolibérale sur laquelle se rejoignent le centre-gauche et le centre-droit européen, à savoir baisse des déficits publics (et en même temps de la taille de l’Etat) et recherche délirante et suicidaire d’une hausse de la compétitivité dans un monde où les salaires mensuels peuvent n’être que de 50 ou 100 euros. Bref, idéologiquement, il est sur la même ligne que ces dirigeants qui nous mènent dans une impasse.
 
Il est assez incroyable que les médias ne soulignent pas davantage à quel point il est stupéfiant de nommer Pierre Moscovici Commissaire Européen aux affaires économiques alors même que les résultats de la France, dont il a été en charge de l’économie, sont aussi mauvais.

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