Municipales : quand la soif de pouvoir prend le pas sur l’intérêt des citoyens
par Arnaud C
samedi 15 février 2014
À chaque élection locale, c’est la même rengaine. Les candidats évitent les sujets qui fâchent, ceux pour lesquels ils savent qu’ils n’auront aucune solution à proposer, et sortent de leurs tiroirs des dossiers poussiéreux, poudre aux yeux des électeurs. Des grands travaux impossibles à réaliser aux polémiques environnementales créées de toutes pièces pour l’occasion, les candidats aux municipales de cette année redoublent d’imagination, pour le plus grand bonheur de la plupart des médias, opportunistes passés professionnels dans l’art de faire du sensationnel avec du vide. Chronique d’instrumentalisations ou quand les préoccupations des Français se retrouvent sacrifiées sur l’autel des municipales.
NKM et la Tour Montparnasse infernale
Dernière surprise des municipales : la proposition pour le moins farfelue de Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate à la mairie de Paris, de détruire la Tour Montparnasse. Le bâtiment souffre d’un taux d’amiante important et la question de sa destruction revient, sans surprise, presque à chaque élection. Se déclarer contre la présence d’amiante dans les murs d’un bâtiment servant de bureau à des centaines de personnes : le consensus est vite arrivé, mais malheureusement la démagogie n’est pas loin derrière.
« Comment vous pouvez prôner la destruction d’une tour qui ne vous appartient pas ? » À l’entente de la proposition de NKM, sa principale rivale Anne Hidalgo s’offusque et évoque un point important de cette affaire. Si les différents maires de la ville n’ont jusqu’ici jamais touché à la Tour Montparnasse, c’est bel et bien parce que celle-ci n’appartient pas à la ville, mais à ses 300 copropriétaires. Des centaines de personnes qu’il faudrait convaincre une par une de la nécessité de la destruction de leur bien afin d’espérer pouvoir entamer la destruction du bâtiment.
Mais peu importe Nathalie Kosciusko-Morizet, car l’important dans les municipales aujourd’hui n’est pas de proposer aux Français des projets viables et intéressants. Non, l’important est de faire parler de sa campagne et de rallier le plus de personnes possible derrière soi autour d’une question qui créé la polémique, qu’elle soit justifiée, cohérente et intelligente, ou non. Les municipales sont l’occasion pour les candidats et la population de s’intéresser à des sujets locaux qui parfois se retrouvent monté en épingle sans aucune raison par des médias trop avides de polémiques. Preuve en est avec le projet de Placoplatre d’ouverture d’une carrière de gypse entre Vaujours et Courtry.
Les vautours de Vaujours
Acquéreur depuis 2010 de l’ancien site du Centre d’Essais Atomiques (CEA) de Vaujours, la filiale de Saint-Gobain, Placoplatre, souhaite y installer sa nouvelle carrière de gypse, minéral à l’origine de la fabrication du plâtre. Jusque-là rien d’anormal. Sauf que municipales obligent, Europe Ecologie Les Verts, apparemment en quête de voix, s’est emparé de la question et a mobilisé plusieurs associations sur, selon Aline Archimbaud, sénatrice EELV, « des questions légitimes sur une possible pollution des sols (qui) restent sans réponse ». Il n’en fallait pas plus pour que la question de la pollution des sols à Vaujours fasse la Une des médias, apparemment peu au fait de la réalité de cette affaire.
Le fort de Vaujours a déjà été l’objet de nombreuses études épidémiologiques, réalisées par le CEA, mais aussi par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN). Les résultats montrent tous la même chose, comme le précise le CEA : le territoire concerné à Vaujours par le projet de Placoplatre « ne présente aucun danger ». Les Directions Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS) de Seine-et-Marne et de Seine-Saint-Denis, ainsi que leur successeur, l’Agence Régionale de Santé (ARS) ont rappelé qu’ils suivent le site depuis 2001 et en 13 ans, rien ne leur a permis d’affirmer que le site pouvait représenter un danger pour la santé des habitants. Placoplatre se propose aujourd’hui d’organiser une réunion de travail commune sur le site avec le principal contestataire, l’association CRIIRAD, sans aucun retour de ce dernier. Confrontée au vide de sa mobilisation, l’association n’a d’autres solutions que de jouer la discrétion.
Si à première vue, ce soudain intérêt pour le Fort de Vaujours peut surprendre au regard de l’absence de valeur des arguments des contestataires, rappelons que la co-fondatrice de la CRIIRAD n’est autre que Michèle Rivasi, eurodéputé EELV. Les candidats aux municipales de Vaujours, faute de propositions, font comme les voisins. Conscients de leur incapacité à traiter de vraies questions, ils cherchent à fédérer les populations autour de promesses en l’air et de commentaires sur des sujets qui certes attirent la polémique, mais n’ont véritablement aucune raison d’exister dans les discussions. Les médias, de leur côté, s’en donnent à cœur joie, obnubilés par la possibilité de vendre des papiers et passent, par la même occasion, sous silence les réels problèmes des électeurs aujourd’hui.
Emploi et santé, les préoccupations des Français sacrifiées
L’emploi local par exemple est sans nul doute la préoccupation numéro 1 des Français. Elle n’est pourtant que très rarement évoquée dans les différentes campagnes des candidats et par la presse. Les médias, les syndicats, mais également les candidats ont le devoir de mettre ce type de sujet sous la lumière des projecteurs des municipales. Si certains enjeux émergent sans véritables raisons, d’autres sont malheureusement volontairement mis sous le tapis par certaines municipalités.
C’est d’ailleurs ce qu’espérait faire la mairie de Nancy en faisant tout pour repousser l’annonce inéluctable d’un plan de licenciement de 29 personnes qu’elle va devoir conduire au grand hôtel de la Reine Nancy à la suite de sa décision de résilier le bail de l’actuel locataire. Celui-ci est pourtant le premier employeur hôtelier de la métropole nancéienne. Le 3 mars prochain, la cour d’appel décidera des conditions et des indemnités d’éviction du locataire actuel. L’espoir subsiste donc pour les salariés qui recevront peut-être des indemnités pouvant aller jusqu’à 8 millions d’euros au total. Pour cela encore faut-il que la cour d’appel tranche en faveur du locataire. Ce dossier brûlant pourrait, à 15 jours du premier tour des municipales, avoir des conséquences électorales importantes.
Le sujet n’est pourtant que très peu évoqué par les médias nationaux, qui n’ont apparemment pas le temps de s’intéresser aux questions locales touchant à l’emploi. Lannemazan, Alençon, Saint-Père-en-Retz, Pinon, Brest… Les fermetures d’usines se multiplient pourtant et le chômage guette de plus en plus de Français. Dans les petites communes, des dizaines de cabinets médicaux ferment, faute de moyen, alors même que l’État réduit de manière significative le personnel des hôpitaux de proximité. Les élections devraient être l’occasion pour que ces questions locales, mais cruciales, soient mises au cœur de l’actualité. Une actualité aujourd’hui instrumentalisée par des candidats dont la soif de pouvoir prend le pas sur leur volonté d’améliorer le quotidien des Français.