Nadine Morano, l’arme anti-Le Pen de Sarkozy ?

par Laurent Herblay
mardi 29 septembre 2015

La semaine dernière, la députée européenne, ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, s’est faite remarquer par des propos très durs sur la question des migrants, sur l’antenne de Jean-Jacques Bourdin, puis France 2. Faut-il y voir des dérapages, ou un exercice savamment étudié de communication ?

 
Dépasser le FN par la droite
 
Il faut dire que Nadine Morano n’y est pas allée par quatre chemins lors de ces deux interviews consacrées aux migrants. En fait, elle a peut-être même tenu des propos qui vont plus loin que ce que Marine Le Pen ose dire aujourd’hui, et plus proches du discours tenu par sa nièce, Marion Maréchal Le Pen : « nous sommes submergés (…) le sentiment d’envahissement des Français est une réalité  », allant même jusqu’à dire « on n’est pas encore à un niveau de remplacement  ». Elle a dénoncé la politique des quotas mise en place : « c’est une incitation à venir chez nous. Il faut dire ‘l’Europe ne fait plus de quotas, l’Europe ne prend plus de réfugiés !’ L’Europe va aider à régler la situation politique en Syrie ! L’Europe va entrer en guerre contre Daech ». On a vu ce que cela a donné en Irak et en Libye
 
Nadine Morano n’a pas fait dans la demi-mesure en évoquant la présence de terroristes parmi les migrants. Puis, elle a affirmé que la France est un « pays de race blanche  », « un pays judéo-chrétien  » et qu’elle n’a « pas envie que la France devienne musulmane ». Devant la réaction des autres intervenants, elle est restée droite dans ses bottes : « je suis désolée, c’est un mot (race) qui est dans le dictionnaire, je ne vois pas en quoi il est choquant  ». Ce faisant, la députée européenne est profondément démagogique en parlant d’envahissement, et flirte avec la xénophobie en parlant de race blanche, oubliant une partie du pays. Bien sûr, ses propos ont déclenché la polémique, mais il n’est pas intéressant de se demander ce que cela aurait été s’ils avaient été tenus par Marine Le Pen et non elle.
 
La présidentielle dans le viseur
 
Si Nadine Morano dit vouloir se présenter aux primaires, face à son ancien patron, elle lui a aussi rendu un véritable hommage chez Jean-Jacques Bourdin, en disant que « si on avait eu Nicolas Sarkozy, on ne serait pas dans la même situation parce que lui, il aurait pris le leadership, comme il l’avait fait quand il y a eu la crise en Côte d’Ivoire (…) Idem sur la Libye : maintenant, François Hollande est au pouvoir, il ne s’est plus rien passé ». Bref, on peut penser qu’en réalité, elle fait partie du dispositif de l’ancien président pour les élections présidentielles. En somme, elle peut dire tout haut des choses que ce dernier hésite peut-être à dire lui-même. Ne serait-il pas habile de l’envoyer chercher les électeurs de Marine Le Pen, elle qui partage un certain nombre de traits avec la présidente du FN ?
 
Nicolas Sarkozy semble en effet penser, peut-être pas à tort, que le meilleur moyen de battre le FN en 2017 est plutôt de tenir un discours plus dur sur les questions migratoires. Ce calcul est assez logique alors que le gouvernement a clairement mis le cap à droite économiquement, le dépassant sur bien des sujets : travail du dimanche, baisse des impôts des entreprises, baisse de l’impôt sur le revenu ou simplification du droit du travail. Le terrain économique, comme le terrain européen, ne lui permettent pas de faire la différence. Il peut encore le faire sur les sujets migratoires en revanche. Et pour ne pas s’abîmer il peut confier à d’autres, comme Nadine Morano, la charge d’aller plus loin encore que le FN n’ose le faire pour le battre, alors que la sortie de l’euro pourrait être disqualifiée par l’épisode Grec.
 

Dans cette guerre de communication qu’est devenue la politique aujourd’hui, les interventions de Nadine Morano ne tiennent sans doute pas au hasard. On peut y voir une stratégie des Républicains pour devancer le FN en 2017. Définitivement, les jeux ne sont pas faits pour la prochaine présidentielle.

 


Lire l'article complet, et les commentaires