Nathalie Kosciusko-Morizet répond à la polémique sur sa démission de conseillère régionale

par Manuel Atreide
mardi 29 avril 2008

Suite à l’article de ce week-end sur Mme Kosciusko-Morizet et sa démission annoncée de son mandat de conseillère régionale, j’ai joint ce matin la secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie par téléphone. Elle a accepté de répondre à mes questions et d’apporter ses éclaircissements sur cette polémique. Interview.

Mme Kosciusko-Morizet, une polémique a eu lieu ce week-end dans nos colonnes à propos de votre annonce concernant la démission du mandat de conseillère régionale d’Île-de-France au cas où vous deviendriez maire de Longjumeau. Votre démission est-elle toujours d’actualité et, si tel est le cas, pourquoi n’a-t-elle pas encore eu lieu ?

Concernant cette polémique dans vos colonnes, moi je vois bien d’où elle peut venir, et je relève que j’ai eu en face de moi dans cette campagne municipale des concurrents extrêmement agressifs. Ils poursuivent après l’élection en dépit du fait qu’ils l’aient perdue, toute sorte de polémiques. Comme ils ne réussissent pas à le faire d’une manière officielle, ils essaient de le faire via des sites internet.

Je trouve qu’un équilibre intéressant est d’avoir un mandat national et un mandat local. En conséquence, mon intention était de démissionner de mon mandat de conseillère régionale. Et c’est toujours mon intention, je l’ai d’ailleurs annoncé à mon président de groupe, Roger Karoutchi. Ceci dit, entre-temps il est arrivé un événement que vous n’avez pas ignoré et qui explique que cette liste qui était contre moi aux élections municipales poursuive la campagne par tous les moyens et notamment dans vos colonnes. Un des candidats de gauche n’a pas voulu accepter le verdict des urnes et a déposé un recours.

Conformément à ce qui se fait toujours en la matière, le recours suspend tout simplement ce genre d’actions. Ma démission aura lieu quand le recours aura été jugé, ou quand ce candidat malheureux aura retiré son recours ce qui me semble la solution préférable puisque son recours n’est pas sensé, à mon avis. Mais, il a le droit juridiquement de faire un recours.

Simplement, le recours suspend les actions de démission en raison de cumul des mandats de la même manière qu’il suspend le remboursement des comptes de campagnes. Le recours est suspensif de tout car tant qu’il n’a pas été jugé, l’élection n’est pas réputée définitivement acquise.


Donc vous n’êtes pas légalement à l’heure actuelle à la tête de la mairie de Longjumeau si je comprends bien ?

Vous me comprenez mal. Je suis maire de Longjumeau. Le recours suspend les exigences en matière de cumul comme il suspend le règlement des comptes électoraux. En fait, en matière de droit électoral, le recours est suspensif. Il y a des recours qui ne sont pas suspensifs.

Par exemple, si vous divorcez, vous pouvez être condamné à payer une pension alimentaire. Si vous faites recours, le recours n’est pas suspensif du fait que vous devez payer une pension alimentaire. Ce recours-là, en droit civil, très précisément sur la question du droit familial, n’est pas suspensif. On considère qu’en matière de droit familial, la décision est d’application immédiate quel que soit par ailleurs le droit au recours.

En droit électoral, c’est le contraire. Le recours en droit électoral suspend un certain nombre de procédures. Imaginez quelqu’un qui soit député-maire et qui est élu conseiller régional ou conseiller général. S’il y a un recours sur l’une de ses élections, alors que normalement il n’a pas le droit de cumuler les trois mandats, il attend que le recours soit échu pour démissionner d’un de ses trois mandats. C’est actuellement ce qui se passe, je crois, pour M. Christian Estrosi.

Je déplore beaucoup que l’un des candidats de gauche à Longjumeau ait jugé utile de poser un recours et ainsi de contester le verdict des urnes, mais, dans la mesure où il l’a fait, il se trouve que cela suspend par ailleurs les autres actions engagées.

J’avoue quelque chose, c’est que cela me permet, entre-temps, de m’occuper, avec cette casquette-là, aussi du schéma directeur de la région Île-de-France qui est actuellement travaillé, et qui sera débattu dans l’hémicycle, probablement en juin ou en septembre.

Cela m’a permis d’amender le projet de contrat particulier région - département, qui est passé dans l’hémicycle la semaine dernière et pour lequel, vous observerez si vous lisez les minutes du Conseil régional, que je devais être à peu près la seule à parler au nom de l’Essonne dans l’hémicycle du Conseil régional ce soir-là. Il est vrai qu’il était minuit passé...


Alors que vous bénéficiez d’une image qui est extrêmement positive sur internet et que vous communiquez régulièrement sur votre blog, pourquoi n’avoir pas annoncé le report de cette démission sur votre blog ?

Parce que c’est juridique, c’est évident. Les concurrents à l’élection municipale à Longjumeau essaient d’entretenir cette idée absurde que l’élection est passagère et transitoire, essaient d’entretenir ce sentiment d’instabilité, et communiquent énormément sur ce recours. Et le recours est suspensif. Personne ne m’a posé la question en conseil municipal ou dans la ville, parce que les gens le savent bien.

J’ai été confrontée à un candidat qui refuse le verdict de l’élection. Et, refusant ce verdict, essaie de faire croire par toutes les manœuvres qu’il va y avoir une nouvelle élection prochainement.

Dans l’attente que la justice ait enfin définitivement tranché là-dessus, le reste est suspendu, ce qui me permet de m’occuper du SDRIF et d’être à minuit dans l’hémicycle du Conseil régional d’Île-de-France pour porter des amendements utiles pour ma ville.

Cela a été rapporté dans Le Parisien Essonne dans un article qui rapportait le fait que mon amendement n’est pas passé, ce qui est dommage. C’est curieux d’ailleurs, parce que mon amendement n’est pas passé et, après le vote, Jean Vincent Placé, le président du groupe Verts au Conseil régional d’Île-de-France est venu me voir en disant qu’on aurait dû en parler avant et que lui aurait bien voté pour l’amendement. Mais il connaissait l’amendement, il savait qu’il avait été déposé.


D’une manière plus générale, pourquoi une proportion importante d’élus cumule plusieurs mandats alors que l’immense majorité des Français y sont opposés ? A-t-on un défaut dans l’organisation de notre système politique ?

Je pense que c’est utile, que ça a du sens d’avoir un mandat national et un mandat local. Je pense que ce n’est pas forcément intéressant de cumuler deux mandats locaux et je suis sûre qu’il est vraiment insensé de cumuler deux mandats nationaux. Le système actuel de ce point de vue-là, qui ne prend pas en compte les présidences de communauté d’agglomérations, je le trouve un peu insuffisant.

A titre personnel, cela ne me choquerait pas que qu’on dise plus clairement un mandat national et un local. En revanche, je trouverais dommage qu’on limite à seulement un mandat national ou seulement un local. Par mon expérience comme députée, je sais que le plus intéressant est l’interface entre le national et le local.

Quand ce n’est que du national, vous avez le risque, de devenir un peu hors-sol, comme on parle d’agriculture « hors-sol ». Et quand ce n’est que du local, vous courez le risque de vous enfermer dans la critique du national, « Ah oui, ça, je ne peux pas le faire parce que..., parce que... parce que...  » et ce n’est pas très bon non plus.

Les choses les plus intéressantes que j’ai faites comme députée, c’est vraiment entre les deux. Une des choses dont je suis la plus fière, c’est l’amendement que j’avais fait passer sur le plafonnement des frais bancaires. C’était directement issu de l’expérience locale, de dossiers de permanence parlementaire. En l’occurrence, il s’agissait du dossier d’une Longjumelloise. Elle était venue me voir pour un dossier de surendettement. Quand on regardait de près, on se rendait compte que l’essentiel de ce qu’elle avait à payer, c’était des frais.

C’est ainsi que j’avais commencé à travailler sur le dossier des frais bancaires et c’était vraiment à l’interface entre le local et le national que s’était créé cela.

Si je n’avais fait que du local, je n’aurais pu que me lamenter sur son cas et pas agir, et si je n’avais été que dans le national, ce n’est pas forcément le genre de problèmes dont j’aurais eu connaissance.

Un autre exemple comme ministre : une des choses sur lesquelles on a pu bouger très concrètement et très rapidement, c’est la lutte contre les nuisances aériennes, avec dès le 1er janvier, le doublement des taxes sur le bruit des avions. Certains le considèrent comme insuffisant, sans doute ils ont raison, mais le doublement ce n’est pas si facile à obtenir.

Ce que je crois, c’est qu’un seul mandat, cela a quelque chose de satisfaisant, mais ce n’est pas forcément ce qu’il y a de plus positif. En revanche, autoriser un mandat national et un local, sans accepter qu’on les empile, là je suis d’accord.

D’ailleurs, c’est le sens de l’engagement que j’ai fait sur mon blog pendant la campagne qui est de dire ce que je peux faire au niveau du Conseil régional d’Île-de-France, pour ma ville et pour ma circonscription, je peux aussi l’apporter comme ministre.

Donc c’est la raison pour laquelle j’avais dit très clairement que je démissionnerais du Conseil régional d’Île-de-France. Pour cela, il faut que le recours soit échu ou il faut, pas forcément d’ailleurs, que mon opposant renonce à son recours.

J’ai déjà prévenu mon président de groupe Roger Karoutchi qui n’est pas forcément très ravi parce que c’est vrai qu’on travaille bien sur les questions d’environnement au Conseil régional d’Île-de-France. Mais c’est bien mon intention.

Propos recueillis lundi 28 avril 2008, par téléphone.

Manuel Atréide


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