Nationalisme conséquent !
par Brath-z
vendredi 20 janvier 2012
Je ne suis ni gauchiste ni communiste. Je suis un républicain robespierriste et nationaliste conséquent. Le terme "conséquent" a énormément d'importance ici. Il permet de distinguer le bon grain de l'ivraie, ce qui est devenu nécessaire depuis qu'on a assigné dans les années 1980 le nationalisme à l'extrême-droite.
C'est dommage à deux titres.
D'abord, cela fait oublier une évidence : le nationalisme a toujours été une doctrine de gauche. Parce que le nationalisme, le nationalisme conséquent, est fondamentalement incompatible avec les valeurs portées par les droites au fil des deux derniers siècles. Mais évidemment, les valeurs portées par certaines gauches sont tout aussi incompatibles avec le nationalisme.
Mais précisons un peu les choses :
- en France, le terme "Nation" signifie "le peuple constitué", c'est-à-dire le peuple conscient d'être le peuple (il faut donc exclure du nationalisme toute idée de sélection par la race, la religion ou autre) ; cette conscience du peuple implique sa propre cohérence : on ne peut être à la fois nationaliste et fédéraliste
- la Nation est le cadre naturel d'exercice de la démocratie : sans Nation, pas d'égalité possible entre individus, et pas non plus de citoyenneté, donc pas de lien politique unissant le corps social en en faisant un corps politique
En conséquence de quoi :
- le nationalisme dispose que la souveraineté réside "essentiellement" (c'est-à-dire "par essence") dans la Nation ; c'est donc le peuple lui-même qui choisit de prendre en main son propre destin collectif, et il est le seul légitime à le faire
- le nationalisme place au sommet des valeurs la Nation ; l'une des conséquences logique de ce principe est qu'aucun intérêt particulier ne peut être mit en balance avec l'intérêt général
Enfin, une dimension un peu plus esthétique mais qui a de l'importance : le terme "nationaliste" a été utilisé pour la première fois recensée lors d'un débat à l'Assemblée Constituante en 1790. En effet, cela faisait un certain temps déjà que dans la presse patriote, l'épithète "royaliste" était utilisée de manière péjorative par les libellistes (Marat, Brissot, Desmoulins, Barrère, etc.) et le terme avait finit par envahir l'Assemblée. En réaction à ce terme qui se voulait insultant, l'abbé Maury, tête de file des contre-révolutionnaires de l'Assemblée et brillant orateur (l'équivalent de Robespierre lors des débats : souvent applaudi dans les tribunes, encensé et admiré par une partie de la presse, mais très rarement suivi par l'Assemblée), lança à l'abbé Grégoire (premier signataire de la Constitution Civile du clergé) le mot de "nationaliste". Ce dernier, à l'instar d'ailleurs de ce que les contre-révolutionnaires avaient fait du mot "royaliste", assuma le qualificatif et s'en fit gloire.
Ainsi, le terme "nationaliste" marqua-t-il avec son pendant "royaliste" la première dichotomie dans le vocabulaire entre le roi et la Nation, faisant progresser dans les consciences l'idée que le roi pouvait ne pas incarner la légitimité politique et les intérêts de la Nation : la Nation n'a nul besoin d'une autorité qui lui soit supérieure.
Les droites en France, depuis les ultra de la Restauration jusqu'aux libéraux autoritaires de l'UMP en passant par les conservateurs de tous poils et les gaullistes de droite (car il y a indéniablement une part du gaullisme située à gauche), même s'il leur est arrivé depuis Charles Maurras de récupérer la symbolique de la Nation dans une dimension semi-mystique s'approchant de la démarche de réconciliation entre Nation et tradition de Barrès, n'ont jamais pu s'abstraire jusqu'à présent (on ne sait pas ce que réserve l'avenir) de l'idée que le peuple n'avait pas la légitimité à avoir prise sur le processus de décision politique et ont toujours placé une limite intellectuelle à ce que l'intérêt général pouvait commander : l'économie ressortirait toujours, à un degré ou à un autre, d'une affaire privée.
L'extrême-droite n'est pas exempte de ces présupposés qui l'empêcheront toujours, sauf à se réformer de manière radicale, d'être conséquemment nationaliste.
Ce qui me mène au second point : prétendre avoir confiné le nationalisme à l'extrême-droite, c'est donner raison à une vulgaire opération de récupération conceptuelle. L'extrême-droite réelle, portée par ses propres valeurs, est marginale. Il est normal, tactiquement parlant, qu'elle tente d'élargir son audience en récupérant et en détournant des discours et des thèmes qui lui sont radicalement étrangers, comme la Nation, la République, la souveraineté populaire, etc. C'est une opération "gramscienne" menée en conscience et dont les expressions les plus spectaculaires furent la "Nouvelle Droite" dans les années 1970 et la création du Club de l'Horloge dans les années 1980.
Le problème ce n'est pas cette tentative. Le problème, c'est qu'on lui laisse le champ libre. Pire : on justifie ces appropriations en prétendant qu'elles correspondent à des idées d'extrême-droite. Ainsi aborder le drapeau tricolore des patriotes, entonner l'hymne national, hors certaines circonstances où cela tient plus d'ailleurs du réflexe patriotique que d'autre chose (événements sportifs, typiquement), est-il devenu "suspect" au yeux de beaucoup de commentateurs, et lorsqu'une formation politique, spécialement lorsqu'elle est de gauche, a l'idée de manifester son nationalisme, fût-ce symboliquement, elle est immédiatement rapprochée de l'extrême-droite par les observateurs goguenards, voire parfois mise en demeure de trancher entre le nationalisme et son identité partisane. L'exemple le plus impressionant de cette "pression anti-nationaliste" étant donné par le PCF durant les années 1980 : jusque là nationaliste sans broncher depuis la Libération, il subit pendant cette décennie de véritables "injonctions" médiatiques et politiques l'amenant à céder ce terrain au tout émergent Front National (qui reprenait d'ailleurs le nom d'un mouvement de résistance communiste), avec le résultat que l'on sait.
L'habitude a été conservée depuis lors, au point qu'on interroge Jean-Luc Mélenchon sur la présence de drapeaux tricolores et de la Marseillaise lors des réunions publiques du Front de Gauche, comme si cela était incongru.
Ce que l'on peut reprocher, ce n'est pas cette présence, mais qu'elle ne soit pas plus affirmée.